Par FB –
Les débats contradictoires au FPI sont arrivés au stade de foire aux injures et aux déballages pour humilier l’adversaire. Aux présumés noms d’origine burkinabé attribués à Pascal Affi N’Guessan succèdent notamment la publication des courriers de Sangaré Abou Drahamane, ex-inspecteur général d’État, adressés aux autorités ivoiriennes pour rétablir sa rente viagère.
Les querelles idéologiques ont ainsi fait place aux coups bas, traduisant que les fractures politiques, face visible de l’iceberg, sont l’alibi des problèmes de personne et des règlements de compte. Et la recherche de solutions politiques pour remédier à pareille crise qui a révélé de nombreuses failles dans les dispositions du parti, ne semble pas au centre des indispensables réflexions transpartisanes dans l’objectif prévenir les dérives en tous genres constatées [gestion solitaire, non respect des textes, indiscipline caractérisée…].
Ainsi, après le Comité de contrôle dont la rencontre, ce 22 janvier 2015, avec la direction du FPI s’est terminée en queue de poisson, c’est au tour du Comité central, à travers 327 de ses membres qui représentent les 2/3 de l’instance de décision entre les Congrès, de signer, le 19 janvier, une pétition en vue de la convocation d’une session extraordinaire de l’instance.
L’article 37 des statuts dispose, en effet : «Le Comité central se réunit tous les trois mois sur convocation du Secrétariat général. Il peut se réunir en session extraordinaire soit à la demande des deux tiers de ses membres, soit à la demande du Comité de contrôle ou sur convocation du Secrétariat général. Il est présidé par le Président du parti.»
Mais il y a deux hics qui se dressent à l’exécution de cette disposition. D’un, aucun article des Statuts et du Règlement intérieur du FPI ne donne de délai à l’issue duquel le Président du parti ou le Secrétariat général, organe exécutif, est tenu de convoquer une session extraordinaire. De deux, si le Président du parti se montre aveugle aux pétitionnaires, aucun texte ne l’oblige à s’exécuter, au point qu’il peut valablement user non seulement de subterfuges mais aussi de prétextes réels ou supposés pour se soustraire à l’application des textes. Et le ciel ne lui tombera pas sur la tête surtout que dans la cour frontiste du roi Pétaud, plus personne, durant cette période de flottement, ne se sent concerné par les dispositions violées abondamment et impunément.
Le nœud gordien de la crise semble se rapporter à la ligne politique telle que définie par l’article 4 des Statuts : «Le FPI rassemble en une union volontaire, les femmes et les hommes épris de justice et de liberté, engagés contre toute forme de domination sur la Côte d’Ivoire et en Côte d’Ivoire.»
Un parti sans gouvernail et sans boussole
Depuis la perte brutale du pouvoir d’État, le 11 avril 2011, et les différences criantes de stratégie pour repositionner le parti qui ont déjà entraîné la démission, en juillet 2011, de Mamadou Koulibaly, alors président intérimaire, une ligne de fracture ouverte oppose deux visions: il y a d’un côté la tendance «Gbagbo et nous» qui se dit pragmatique et réaliste. Elle est conduite par Pascal Affi N’Guessan et de l’autre, celle baptisée «Gbagbo ou rien» qui dit incarnée la résistance. Elle s’aligne derrière Sangaré Abou Drahamane, premier vice-président chargé de la Stratégie et de la Politique générale du parti et appelé aussi «le gardien du temple».
Ces deux tendances sont opposées sur l’attitude à observer face au pouvoir, entre allégeance et défiance. Les premiers ont opté pour le dialogue avec le pouvoir Ouattara, sans préalable, selon le slogan cher à Laurent Gbagbo: «Asseyons-nous et discutons». Leurs adversaires les accusent de traîtrise et de collaboration. Les seconds qui se présentent comme les souverainistes, subordonnent toute relation avec le régime à la libération préalable de Laurent Gbagbo. Leurs contradicteurs les taxent de bellicisme et de revanche au point que des têtes de file de cette mouvance, notamment Moïse Lida Kouassi, 7è vice-président chargé des Recherches et de la Veille stratégique, et Assoa Adou, ex-président de la Coordination du FPI en exil rentré au pays le 24 novembre 2014, sont aux arrêts car accusés de déstabilisation du régime.
La rupture idéologique mêlée d’une crise de confiance, paraît totale. Mais en l’absence d’un contre-pouvoir fort avec pouvoir de coercition pour rappeler à l’ordre les uns et les autres, l’article 77 des statuts est totalement inopérant. Il dispose: «Le non respect de la ligne du parti, de ses décisions, de ses Statuts et Règlement intérieur entraîne des sanctions.»
Restant générale et générique, cette disposition consacre, en fait, la discrimination qui est bien présente au FPI et plombe son fonctionnement: si le petit militant peut subir les rigueurs de la loi, le remue-ménage qui a suivi le réaménagement, le 4 juillet 2015, du Secrétariat général, alors qu’au regard des textes pertinents du parti [article 42 des Statuts], Affi N’Guessan est autorisé à procéder à un réaménagement technique du Secrétariat général à tout moment, même à une semaine d’un Congrès, montre que des apparatchiks sont mis à l’abri de sanctions.
En outre et en raison de l’actuelle tension, la gestion de plus en plus solitaire du pouvoir du Président du FPI et sa prise de décision aux antipodes de celles arrêtées par les instances du parti, en violation de l’article 8 des Statuts qui stipule que «les décisions prises par les organes centraux de direction [le Congrès, la Convention, le Comité central et le Secrétariat général, ndlr] sont exécutoires pour l’ensemble de l’organisation», indique que l’ex-parti au pouvoir fonctionne désormais sans gouvernail et sans boussole. Et sans «Haute cour de justice» ou textes prévoyant sa déchéance en cas de présumée haute trahison, le tout puissant président du FPI, dans l’habit d’un intouchable, peut faire la pluie et le beau temps.
Ni coudées franches ni mains libres
Dans ce méli-mélo, Abouo N’Dori Raymond, 5è vice-président chargé de l’Implantation, de l’Encadrement et de la Stratégie électorale, a mis les pieds dans le plat en posant, le 14 janvier à Agboville, une question pointue: «Quel intérêt a le FPI à être dirigé par un prisonnier?» Elle n’est pas banale, cette interrogation.
Avant la décision, le 29 décembre 2014, du tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau ordonnant «le retrait pur et simple de la candidature de Laurent Gbagbo», la lutte pour le poste de président du FPI opposait deux prisonniers: un, Affi N’Guessan, président sortant, est en liberté provisoire et donc prisonnier en sursis; l’autre, Laurent Gbagbo, ancien président, est détenu à La Haye [Pays-Bas] et attend son jugement.
Aucune disposition ne prévoit ce cas de figure unique et comme ce qui n’est pas interdit est autorisé, le FPI est alors face à une situation ubuesque de deux candidats qui, bien que bénéficiant – pour le moment – de tous leurs droits, sont sous le coup de poursuites judiciaires. Si la candidature de Laurent Gbagbo à la présidence du parti ne serait pas à son avantage puisqu’elle re-donnerait du bâton à Fatou Bensouda, procureur de la Cour pénale internationale [CPI], pour le re-battre à son procès dont l’ouverture est prévue en juillet 2015 et desservirait le FPI qui serait présenté – à l’instar des accusations des partisans du président sortant – comme un parti de va-t-en guerre et de revanchards, celle de Pascal Affi n’est pas mieux lotie.
Cette dernière, comme on le vit, est susceptible de se révéler en décalage avec les priorités et les positions majoritaires du parti. Le Président statutaire du parti s’est battu comme un beau diable pour faire lever le mot d’ordre de boycott du recensement général de la population et de l’habitat [RGPH 2014]. En vain. Il a manœuvré pour que le FPI intègre la Commission électorale indépendante [CEI], mais il a été battu d’une courte tête au Comité central. Prisonnier en sursis, donc ayant sa main dans la gueule du pouvoir-loup qui se sert de ce statut comme moyen de chantage et de pression, Affi N’Guessan, tenu en laisse, n’a ni les coudées franches ni les mains libres pour conduire le parti selon la volonté majoritaire des militants.
Ceci explique notamment qu’après son tête-à-tête, le 17 juillet 2014, avec François Hollande, Affi, sans mettre à débat ces grandes questions qui engagent le parti, n’est plus regardant sur la composition déséquilibrée et donc non consensuelle de la CEI, faisant de la participation du FPI aux prochaines élections son cheval de bataille. «Quand les élections sont organisées de manière libre et transparente, le FPI doit y participer s’il veut exister demain,» ordonnait le Président français.
Victime du syndrome des pères fondateurs
L’Elysée apporte ainsi de l’eau au moulin de tous ceux qui soupçonnent une campagne pour conduire le FPI, le parti de «l’infréquentable» et «mauvais perdant» Gbagbo, à Canossa à l’effet de tourner la page de la parenthèse honteuse de la présidentielle du 28 novembre 2010: la légitimation du pouvoir Ouattara arrivé, le 11 avril 2011, par «coup d’Etat constitutionnel». Car d’un, les conditions d’une présidentielle transparente en 2015 sont loin d’être réunies [fichier électoral non actualisé, cellules dormantes des ex-combattants et autres dozo ou chasseurs traditionnels, CEI caporalisée…]; de deux, divisé sur la stratégie et des querelles de clocher, le FPI est loin de représenter un foudre de guerre et de trois, la communauté internationale qui pousse Affi dans la dos, encourage au même moment, par son silence complice, les alliés du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix [RHDP, coalition de cinq formations dont l’ex-parti unique, le PDCI-RDA] à s’aligner tous derrière la candidature unique de Ouattara pour le plébisciter.
Mais à la décharge de Pascal Affi N’Guessan, la gestion d’une situation politique dont il a hérité et dont il bénéficie: la personnalisation du pouvoir à la tête du FPI après la neutralisation, au deuxième Congrès ordinaire, en 1996, du puissant Comité de contrôle qui a été émasculé et de Ahoua Don-Mello, son premier président, mis sous l’éteignoir. Victime consentante du syndrome des pères fondateurs, le FPI s’est doté de textes taillés sur mesure essentiellement pour les beaux yeux de Laurent Gbagbo, consacrant, dans les faits, la dictature et l’autocratie d’un seul homme.
La crise actuelle met alors à nu les limites et les faiblesses de ces textes qui sont ou contournés, ou inadaptés ou muets face aux «défis de la reconquête des libertés démocratiques obtenues à partir de 1990 et assassinées depuis le 11 avril 2011». Or, à l’occasion du prochain 4è Congrès ordinaire, de tels débats ou réflexions pour accoucher de nouveaux textes fondateurs à même de rassembler en vue d’affronter les nouveaux et cruciaux enjeux, semble être le cadet des soucis dans la passe d’armes que se livrent les belligérants, qui sont, à quel que niveau qu’ils se situent, des infanticides, des parricides ou des Brutus, tous confrontés au supplice de Tantale.
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