Côte-d’Ivoire 2015: l’opposition n’a « aucune alternative à proposer aux Ivoiriens » (Kabran Appiah)

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Par Serge Alain Koffi

L’ex-ministre ivoirien des Transports, Kabran Appiah, président du Mvt national citoyen alternative (MNC Alternative/Opposition), a dénoncé jeudi l’ “incapacité’’ de l’opposition “à avoir une organisation unie’’, estimant qu’elle n’a « aucune alternative à proposer » à dix mois de la présidentielle, dans une interview à Alerte info.

Vous êtes revenu d’exil en avril 2012. Et depuis, vous êtes resté discret. Qu’est-ce qui explique ce silence ?

J’ai fait quelques interviews dans les journaux. Je ne suis pas aussi présent qu’à d’autres occasions mais vous savez bien ce qui s’est passé dans ce pays. Donc, nous parlons quand cela est nécessaire.

Vous étiez maitre-assistant à la Faculté de Droit de l’université d’Abidjan-Cocody avant d’être nommé ministre…

Oui, j’ai repris toutes mes activités. J’ai une carrière d’enseignant. Et l’une des premières choses que j’ai faite en arrivant c’est de reprendre mes obligations d’enseignant à l’université où je continue de travailler. J’ai aussi repris ma toge d’avocat et j’ai aussi repris mon activité de planteur. En plus de tout cela, je suis le président du Mouvement national citoyen alternative. Je préside aussi la LMP qui est un groupement politique qui comporte quatre partis politiques.

En janvier 2014, vous aviez créé, avec huit autres responsables de l’opposition, une alliance pour “la conquête des libertés’’. Qu’est devenue cette alliance un an après ?

Elle est morte très tôt. C’est une entreprise mort-née.

La présidentielle c’est dans quelques mois, le Ministre Kabran Appiah va-t-il être candidat ?

Sur le principe, la vocation normale d’un parti politique c’est de competir partout où l’organisation de la conquête du pouvoir est faite. Tous les partis politiques doivent avoir un candidat. Maintenant si le MNC alternative aura un candidat à la présidentielle. Je vous dirai oui parce que c’est une question de principe. Est-ce que moi-même je ferai acte de candidature à la présidentielle prochaine, je pense qu’il est peut-être trop tôt pour en parler. Je sais qu’il y a beaucoup de gens qui se sont déclarés déjà y compris le président actuellement en exercice qui contre toute attente et avant tout le monde s’est déclaré candidat.

La LMP envisage-t-elle de présenter un candidat ?

La LMP n’a pas vocation à aller au pouvoir c’est un groupement de partis politiques qui a pour vocation de s’organiser pour travailler ensemble. Chaque parti est indépendant. Certains partis de la LMP ont déclaré déjà des candidatures.

La question de l’éligibilité du président Alassane Ouattara refait surface dans le débat politique à l’approche de la présidentielle. Pour le juriste que vous êtes, M. Ouattara est-il éligible au regard de la constitution ?

Pour moi, cette question ne s’est pas encore posée. C’est vrai que le président Ouattara lui-même a prêté le flanc en déclarant sa candidature de façon aussi prématurée. Il ne va pas se plaindre que toutes les questions relatives aux élections présidentielles soient posées en même temps que sa propre déclaration. Si je voulais faire preuve de sagesse, je vous dirai attendons de voir. Il a dit qu’il sera candidat mais il ne l’est pas encore. Parce que je vous devez savoir qu’il doit formellement faire acte de candidature. Mais si je voulais aussi respecter vos lecteurs, je dirai que les conditions de l’élection présidentielle sont enfermées dans la constitution. Si vous lisez la constitution elle est très claire. Alors pourquoi est-ce que le problème se poserait pour M. Ouattara, je l’ignore. Parce que n’ayant pas encore fait acte de candidature, je ne sais pas le contenu de son dossier donc je ne peux pas vous dire qu’est-ce qui pose problème ou pas à son niveau. Je sais qu’il a eu maille à partir avec la justice constitutionnelle au moins deux fois. Est-ce que les choses ont si changé pour que son cas soit devenu un cas à nouveau problématique ? Est-ce que les problèmes se posent dans les mêmes termes ? on verra bien.

Vous avez été un proche collaborateur du président Laurent Gbagbo. Son parti, le Front populaire ivoirien (FPI) est en proie à des dissensions. Quelle lecture faites-vous de a crise au FPI ?

Il y a un moment où je vous aurai dit aucune. Parce que c’est tellement triste. C’est un désastre ce qui se passe au FPI. Mais je ne regarde pas cette crise avec les mêmes lunettes que vous. C’est le vieux militant de gauche que je suis qui regarde cela. Nous sommes de ceux qui ont fait de la politique par passion, par engagement idéologique. Mais je n’ai pas soutenu Gbagbo Laurent pour des raisons alimentaires. Je ne suis pas de ceux qu’il a enrichis. Je l’ai soutenu par engagement idéologique. Et quand je vois que les premiers qui ont foulé aux pieds cet engagement idéologique sont ses propres militants. Cela me rend triste. Des gens qui aujourd’hui s’étripent pour des problèmes d’engagement individuel, de positionnement personnel et qui ont oublié le combat. Le combat c’est celui de la liberté de la Côte d’Ivoire. Un combat dont nous sommes les héritiers. De voir le FPI offrir à l’adversaire, l’objectif stratégique qu’il recherchait légitimement, la neutralisation d’une bonne partie de ses adversaires. C’est ça que recherchait le pouvoir et il l’a obtenu. Le FPI lui a offert ça sur un plateau. De vous à moi, quelquesoit le résultat de cette lutte stupide, quel est le résultat objectif auquel ils vont parvenir. Le FPI ne sera pas en capacité de mobiliser la moindre organisation dans ce pays pour aller à quelque élection que ce soit. Que ce soit le camp Affi ou le camp dit de Gbagbo. Je dis bravo au ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko, qui est à la manœuvre. Et qui a fait presque un sans-faute. Il a fait son boulot. Il a bien travaillé. Nous voilà devant un résultat qu’il aurait eu du mal à obtenir en dissolvant le FPI comme c’était prévu à une certaine époque. Il n’en a plus besoin. Le FPI s’auto-dissout.

Tout cela, nous renvoie à force de mésintelligence stratégique, parce que la grande lacune qui est la nôtre, c’est la carence en intelligence stratégique qui nous prive de la compréhension des règles de la lutte et comment se projeter en avant.

Est-ce qu’il est judicieux pour le président Laurent Gbagbo, par rapport à sa situation actuelle, d’être candidat à la présidence du FPI ?

Je n’ai pas connaissance d’une candidature de Gbagbo. Il ne m’a pas saisi personnellement. Je ne lui jamais parlé depuis qu’il est en prison. Je ne vais pas me prononcer sur ça. Judicieux ou non, on ne va pas faire de politique-fiction. Moi-même je me suis battu et je continue de me battre pour qu’il sorte de prison. La voie n’est sûrement pas celle…Ce n’est pas la ligne droite. Il faut savoir à quel adversaire on a affaire. Elle n’est pas aussi droite que le croient certains excités qui travaillent chaque jour à ruiner davantage tout ce qui peut être fait en faveur de la libération de Gbagbo. Et donc, il est encore en prison. Quand on sera au bout du résultat final. Hélas, beaucoup se rendront compte des erreurs qu’on a enfilées. Tout se passe comme si on était incapable de tirer la moindre leçon de ce qui nous est arrivé.

Avec ce qui passe au FPI, croyez-vous qu’il a des chances de s’en sortir ?

Là aussi, je ne peux pas vous répondre. Le problème est judiciaire et il est politique. Au plan judiciaire, le dossier de Gbagbo est vide. Et c’est la Cour pénale internationale (CPI) elle-même qui le dit dans une décision. Elle dit il n’y a pas de preuves, Madame le procureur allez donc chercher des preuves pour envoyer Gbagbo en jugement. Elle revient avec d’autres preuves qui sont aussi contestables que les premières mais on envoie quand même Gbagbo en jugement. C’est un message pour dire qu’on le tient et qu’on ne le lâchera pas. Cela ouvre ce deuxième champ. Le dossier de Gbagbo est politique et c’est la politique qui sortira Gbagbo de prison. La solution a un nom : négociation. Vous ne pouvez pas parvenir à un résultat sans négociation. Nous avons affaire aux puissants de ce monde qui par leur puissance ont acquis hélas aussi le droit de jeter des gens en prison même sans raison. Moins on comprendra cela et plus nous enfoncerons Gbagbo et les autres.

Avec l’appel de Daoukro, quelles sont les chances de l’opposition de ravir le pouvoir d’Etat à Ouattara ?

Les chances de l’opposition n’ont rien à voir avec l’appel de Daoukro. Ce qui donne une ou même plusieurs chances de moins, c’est le désordre de l’opposition. Son incapacité à avoir une organisation unie, un message qui peut intéresser les Ivoiriens. L’opposition aujourd’hui n’a aucun message. Tous ceux qui étaient autour de Laurent Gbagbo, quel est leur message ? Je refuse que cela se limite à l’expression de la douleur, de la volonté de vengeance. C’est très faible et médiocre. Ce n’est pas pour cela que nous nous battons depuis des décennies. On se bat pour que les Ivoiriens soient libres, qu’ils aient davantage de revenus. Regardez la détresse de la population. Nous n’avons aucun message à ce propos. Nous n’avons aucune alternative à proposer aux Ivoiriens. C’est ça nôtre vraie faiblesse. Ce n’est pas l’appel de Daoukro. Que M. Ouattara profite de l’appel de Daoukro ou qu’il aille tout seul à la présidentielle de 2015, pour l’instant il est en roue libre. Je le constate.

SKO

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