Samedi 7 septembre 2013. Abidjan. Le président statutaire du Front populaire ivoirien, Pascal Affi N’guessan a repris les rênes du parti au cours d’une cérémonie de passation des charges avec son intérimaire, Sylvain Miaka Ourétto.
Contre vents et marées Pascal Affi N’guessan n’entend point abdiquer dans le combat actuel de positionnement qui l’oppose à ses camarades. Le « lion du Moronou » comme aiment à l’appeler ses défenseurs, a bien l’ambition de briguer la présidentielle de 2015. Tout est mis en jeu pour atteindre ce but
Contrarié par l’opinion de son parti, majoritairement attachée à Laurent Gbagbo, le président sortant du Fpi a lancé une campagne de communication, pour tenter d’équilibrer la balance. En décidant d’envoyer 119 délégations dans les fédérations pour expliquer sa position, Affi ne fait pas que tenter de se rattraper. Dans cette bataille de l’opinion, il éclaire ses ambitions présidentielles en communiquant sur la nécessité de la participation du Fpi aux élections de 2015. Son directeur de campagne Marcel Gossio pour les élections au sein du parti l’a dit à Bloléquin où il se trouvait en meeting samedi. « Si le Fpi ne participe pas, il va disparaître », a dit l’ancien Dg du port d’Abidjan. Le congrès du Fpi n’est plus un enjeu pour Affi N’guessan, après le verdict du tribunal du Plateau qui invalidait la candidature de Gbagbo. Il ne se fait plus d’illusion sur la position de ses contradicteurs internes. Il sait qu’ils ne sont pas intéressés par la présidentielle de 2015, de même qu’ils n’entreront pas dans le jeu politique, selon la formule voulue par leur leader. Ils sont attachés à la prise en compte des intérêts de Laurent Gbagbo avant toute chose. Ainsi, de mission d’explication sur le terrain, le camp Affi en est aujourd’hui à une opération de charme. Une sorte de précampagne pour faire passer un certain nombre de messages. Le premier message consiste à s’attirer la couverture en vilipendant les adversaires en interne, les « Gbagbo ou rien », traités de « va-t-en-guerre », de gens opposés à la réconciliation nationale. A ce niveau, les analystes se demandent comment Affi N’guessan pourrait encore solliciter ceux-ci, en temps opportun, étant donné qu’il aura besoin de tout son monde.
L’homme qui travaille sur son programme
Mais là n’est pas tellement la préoccupation du champion du camp « Gbagbo et nous ». Il est clair qu’à court et moyen terme, ses camarades resteront figés sur leur revendication de valider la candidature de Gbagbo avant que ne se tienne le congrès pour lequel l’ex-premier ministre se proclame candidat unique. On est donc parti, sauf revirement spectaculaire, pour une longue période de stagnation et d’inertie. Pendant ce temps, Affi qui est le président légal du Fpi même s’il souffre d’un déficit de légitimité, eu égard aux nombreuses déclarations défavorables, pourrait se déclarer candidat du Fpi pour la présidentielle. «C’est une échéance qu’il prépare de longue date et il ne reculera pas. Si vous lisez bien son discours à la fête de la liberté en 2014, vous comprendrez tout. Il travaille sur son programme de gouvernement avec une équipe restreinte coiffée par l’ancien directeur général du Port autonome de San Pedro (Désiré Dallo, Ndlr). Affi a mis en seconde priorité le combat pour la libération de Gbagbo depuis qu’il a eu ses premiers entretiens avec les diplomates occidentaux et surtout après sa rencontre avec Hollande et plus récemment avec Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale française », commente un frontiste qui se dit exaspéré par une crise à n’en point finir. Désiré Dallo travaillerait dans l’ombre. Il s’est effacé et ne fait pas beaucoup d’apparitions en public. Selon notre source, le programme que le futur «candidat solitaire» s’apprête à présenter reprend dans ses principales lignes les grandes idées du Fpi sur la décentralisation, l’école gratuite, la relance industrielle par la transformation des produits locaux. La grande innovation est l’approche de la diplomatie. Sa nouvelle orientation se démarque des idées souverainistes telles que prônées par Laurent Gbagbo. Sa ligne obéit à son discours qu’il avait prononcé devant des militants : « les blancs sont trop forts, travaillons avec eux ». Dans son équipe, ajoute notre interlocuteur, l’ambassadeur Alcide Djédjé joue un rôle clé pour sa connaissance des arcanes des institutions internationales. «Alcide Djédjé est originaire de Gagnoa et Affi voudrait s’appuyer sur lui pour redorer son image dans cette région d’où est originaire Laurent Gbagbo. Affi et Alcide Djédjé ont été les deux personnalités que Gbagbo avait envoyé à Addis Abeba à la réunion des chefs d’Etat du panel qui devaient régler la crise postélectorale. Ils savent bien ce qu’ils gardent en commun comme secret », indique notre source.
Pour cette ambition, l’ancien pensionnaire de la prison de Bouna se donne les moyens politiques et diplomatiques en attendant les moyens financiers. En ce qui concerne les moyens politiques, son option du « jeu politique » donne de lui l’image d’un homme fréquentable et adepte du compromis. Une posture sur laquelle ses détracteurs lui reprochent sa collusion avec le pouvoir. Et le renforcement de sa garde rapprochée en est un indicateur pour ses adversaires. Sur le dernier aspect, il mise sur le financement annoncé des partis politiques en cette année 2015. La guerre des clans pour le contrôle du Fpi est aussi la guerre du contrôle de la bourse.
S. Debailly
Le Sursaut
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