Déclaration de l’UNG sur la couverture maladie universelle (cmu)
Face à l’assurance-maladie universelle (AMU) de Laurent Gbagbo dont la crise armée a empêché la mise en œuvre en 2002, le candidat Alassane Ouattara avait promis une couverture maladie universelle (CMU) aux Ivoiriens pendant la campagne présidentielle de 2010, pour une contribution mensuelle de 1000 FCFA par adulte et par enfant de plus de 5 ans.
Prévue pour le 1er janvier 2015 après deux reports successifs (1er janvier 2013 et 1er janvier 2014), la mise en œuvre de la CMU vient encore d’être reportée. Le gouvernement de Monsieur Ouattara a lancé le 30 décembre 2014 l’opération dite « d’enrôlement » des bénéficiaires de cette couverture santé. L’occasion était ainsi rêvée de mettre en œuvre une vaste campagne de communication visant à faire croire aux Ivoiriens que la promesse de la CMU a été tenue. En réalité, la CMU version Alassane Ouattara ne résiste pas à la critique. D’abord, le choix de l’entreprise SNEDAI, chargée d’exécuter cette opération d’enrôlement. Rappelons que la SNEDAI est dirigée par Monsieur Adama Bictogo, cadre du RDR et ancien ministre très proche de Monsieur Ouattara. En plus du conflit d’intérêt flagrant que met en exergue ce choix, c’est toute l’opacité autour de cette opération d’enrôlement qui doit être dénoncée avec vigueur. Alassane Ouattara a déjà annoncé les couleurs lors de son enrôlement en prévoyant le début des prestations de la CMU pour septembre 2015, c’est-à-dire à un mois de l’élection présidentielle. La SNEDAI pourra donc tout mettre en œuvre afin que l’opération soit lente et permettre ainsi à ADO de brandir la CMU comme argument pour la campagne présidentielle à venir. Le nombre très restreint des sites d’enrôlement (10 sites pour toute la Côte d’Ivoire) renforce cette volonté de retarder la mise en œuvre de cette couverture santé.
L’aspect technique de la CMU est tout aussi révélateur des insuffisances de ce projet. En effet, le gouvernement Ouattara communique à outrance sur le projet alors que sa conception technique est loin d’être parfaite et achevée.
Sur le financement de la couverture maladie universelle version ADO, tous les observateurs avisés, conscients du renchérissement des dépenses de santé s’accordent à dire que les 1000 CFA de contribution mensuelle par personne ne réussiront pas à équilibrer les comptes. Les responsables techniques du projet réfléchissent toujours sur la possibilité d’une contribution des entreprises, même si leur compétitivité doit en pâtir. Le financement n’est donc pas bouclé pendant qu’on lance le projet. Alors que la CMU est censée réduire les inégalités, ce mode de financement consacre avec brio l’injustice puisque la contribution n’est pas proportionnelle au revenu.
Aussi, le gouvernement ADO, dans sa campagne de communication, a annoncé quatre millions de bénéficiaires au lancement du projet alors qu’en réalité, ils seront moins d’un million sur vingt-trois millions d’Ivoiriens. En effet, si le projet est enfin opérationnel, seuls les fonctionnaires de l’Etat, les employés du privé immatriculés à la CNPS, les retraités du public et du privé, les planteurs des secteurs oléagineux (palmier à huile) et de l’hévéa seront les bénéficiaires. Pour les autres Ivoiriens qui sont de loin les plus nombreux, vivant dans la précarité absolue, surtout ceux exerçant dans l’économie informelle, les indépendants et les autres professions agricoles, l’intégration dans le processus ne sera possible que s’ils sont organisés en mutuelles. Ainsi, dans notre pays dont l’économie est basée sur l’agriculture, les planteurs de cacao, de café et du coton ne bénéficieront pas de la CMU automatiquement. Les pauvres, quant à eux, ne seront malheureusement pas bénéficiaires au lancement du projet. En outre, alors que la loi sur la CMU proclame clairement que l’adhésion au système est obligatoire, dans la réalité, seuls les travailleurs du secteur formel seront soumis à cette disposition. Les travailleurs du secteur informel n’auront droit qu’à une adhésion volontaire. Or l’OMS et toutes les études sérieuses disponibles montrent que les systèmes les plus efficaces dans le monde sont obligatoires. Au final, cette couverture santé version Ouattara ne sera ni sociale, ni universelle puisqu’elle ne couvre ni les pauvres et les précaires ni l’ensemble des Ivoiriens.
La politique de gestion du risque maladie, quant à elle, est plus que jamais floue. À ce jour, les Ivoiriens ont peu d’informations sur les prestations prises en charge par la CMU. Les prestataires privés de soins que le gouvernement Ouattara veut introduire dans l’offre globale de soins n’ont encore signé aucune convention sur les tarifs. Aucune négociation sérieuse n’a d’ailleurs été amorcée. Incontestablement, le gouvernement met la charrue avant les bœufs dans ce dossier CMU.
Il y a lieu, à titre d’information, d’avoir à l’esprit qu’une politique de financement de la santé doit permettre d’atteindre trois objectifs majeurs : L’accès pour tous aux soins, la pérennité de la politique qui favorise cet accès aux soins et la pérennité de cet accès aux soins. Il est clair que cette formule de la CMU ne peut permettre d’atteindre ces objectifs.
En conclusion, constatons que le projet de Monsieur Alassane Ouattara présente des lacunes, et sera encore un échec comme l’ont été la politique de gratuité des soins et celle des logements dits « sociaux ». L’idée de la CMU a été copiée sur celle de l’AMU de Laurent Gbagbo. Bien évidemment, la photocopie ne peut être l’original, un projet étant avant tout un état d’esprit. Et les Ivoiriens distingueront le faux du vrai, indubitablement.
Pour l’union des nouvelles générations (UNG)
Le secrétariat général chargé de la santé et du social
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