Le FPI tombe dans son propre traquenard
(Une analyse de Philippe Kouhon)
La nouvelle est tombée ce lundi 29 décembre 2014. « Présidence du FPI/ La justice Ivoirienne invalide la candidature de Laurent Gbagbo (officiel) ». En langage clair, la décision du Comité de Contrôle validant la candidature de Laurent GBAGBO à la présidence du FPI vient d’être cassée par le juge, pour non conformité manifeste avec les textes du FPI selon les arguments du juge, Ahmed Souleymane Coulibaly.
I-Rappel des faits
Première crise interne : réaménagement technique du 4 juillet 2014.
La crise interne au FPI et qui oppose des Pro-Affi aux pro-Gbagbo est née du réaménagement technique du 4 juillet 2014.
En effet, Pascal Affi Nguessan, actuel président du FPI a procédé ce jour là, à la nomination de plusieurs secrétaires nationaux dans le but selon lui de redynamiser le parti. Des personnalités telles que Simone Gbagbo et Akoun Laurent se verront rétrogradés. Laurent Akoun perdra son poste de secrétaire général du parti au profit de Agnés Monnet. Très vite, une fronde contre le président Affi voit le jour.
On retiendra aussi que sur 117 interventions au cours d’une réunion de crise, une centaine était contre la position de Affi. Secondo, alors que Pascal Affi avait voulu passer en force en rétrogradant plusieurs cadres du parti, celui-ci a été rappelé à l’ordre et a fini par réhabiliter tout le monde à l’exception du secrétaire général, Laurent Akoun. Troisièmement, la moitié des membres du comité central serait en désaccord avec les orientations de AFFI. Enfin, alors qu’il a désigné le représentant du parti à la CEI, Affi est sommé de retirer ce dernier.
Pour régler ce différend, une grande première depuis la perte du pouvoir du régime FPI, des militants sollicitent le comité de contrôle. Seulement face à l’incompétence de cet organe (nous y reviendrons), un comité de médiation est mis sur pied. Malheureusement ce dernier aura réussi à arrondir les angles sans vraiment régler définitivement le problème. Enfin, si le comité central tenu le 30 août 2014 et qui devrait entériner les décisions prises par le comité de médiation à savoir « Remettre à débat l’entrée du FPI à la CEI et fixer la date du prochain Congrès », a pu fixer la date du 4e Congrès du parti pour les 11, 12, 13 et 14 décembre 2014, le représentant du FPI à la CEI (Alain Dogou) siège actuellement au sein du bureau de la commission centrale de la CEI en qualité de 4e vice président.
La deuxième crise au sein du FPI : Pro-Affi et pro-Gbagbo devant les tribunaux.
Alors que le 4e congrès extraordinaire du FPI était prévu du 11 au 14 décembre dernier, plusieurs candidatures dont celles de l’ex président Laurent Gbagbo (toujours détenu à la Haye) et de Pascal Affi Nguessan ont été enregistrées par le comité d’organisation présidé par Danon Djédjé. Aussi, avant le vote par le congrès du président du comité de contrôle, Paul Vi David, le président intérimaire cède son fauteuil à son président statutaire, Hubert Oulai, rentré d’exil.
Mais alors que tout était fin prêt pour la tenue de ce Congrès tant attendu, une situation vint tout basculer juste à 48h de l’évènement. Tout serait parti de la réception de la candidature de Laurent Gbagbo par le comité de contrôle (Paul Vi David). Par cet acte, les pro-Gbagbo avaient cru que c’est le comité de contrôle qui validerait les candidatures pour la présidence du parti. Faux disent les pro-Affi. Une cérémonie du lancement de la campagne de Gbagbo est même organisée au QG. Agacé, le président du parti, Pascal affi Nguessan exige du comité de contrôle, l’invalidation de la candidature de Laurent Gbagbo mais aussi exige du comité d’organisation du Congrès, l’annulation celui-ci. Devant le refus de ces deux structures d’exécuter, Pascal Affi Nguessan saisit les autorités compétentes. Une convocation est déposée afin que la justice tranche. De son côté, Danon djédjé, président du comité d’organisation et par ailleurs membre du comité de contrôle convoque Affi devant les mêmes tribunaux pour séquestration.
La suite est connue. La justice a tranché ce lundi 29 décembre 2014 en invalidant la candidature du président Laurent Gbagbo.
II- Quand Laurent Gbagbo inspire Pascal Affi Nguessan
« Madame la Présidente, Madame et Messieurs les Juges ; J’ai suivi ces débats. J’ai entendu beaucoup de choses. Certaines fois, je me suis retrouvé en Côte d’Ivoire, mais d’autres fois, je m’en suis trouvé tellement éloigné, tellement les questions qu’on posait étaient loin de ce que nous avons vécu. Et je me suis dit, pourquoi dans la justice moderne, y a-t-il des camps retranchés? (…) Madame la Présidente, toute ma vie, et ça, ça se sait non seulement en Côte d’Ivoire, mais dans toute l’Afrique et dans toute la France politique. J’ai lutté pour la démocratie.
(…)La démocratie, c’est le respect des textes, à commencer par la plus grande des normes en droit qui est la constitution. Qui ne respecte pas la constitution, n’est pas démocrate. Madame, c’est parce que j’ai respecté ma constitution qu’on veut m’amener ici. Alors, bon. Je suis là, mais, je compte sur vous. Je compte sur vous, parce que je souhaite que tous les africains qui me soutiennent et qui sont tout le temps ici, devant la Cour, devant la prison, dans leur pays entrain de manifester entrain de marcher. Tous ces africains, qu’ils comprennent que le salut pour les Etats africains, c’est le respect des constitutions que nous nous donnons, et des lois qui en découlent. Je vous remercie, Madame ». Ces paroles sont de l’ex président ivoirien, Laurent Gbagbo. Elles ont été prononcées lors de son audience de confirmation des charges tenue en février 2012 devant la Cour Pénale Internationale (CPI). Pourquoi avons-nous choisi de faire référence à ce discours ?
En effet, la crise ou les crises actuelles au FPI découlent bien de l’interprétation des textes fondamentaux du parti (Statuts) et qui sont pour un parti, sa Constitution.
III-Du respect des textes du parti
Que disent les textes du FPI ?
Titre II : Les Organes.
Articles 25, 26 et 44 : Les organes centraux sont constitués de 4 organes de direction (Congrès, Convention, Comité central et Secrétariat général) et d’un organe de contrôle (Comité de contrôle).
Pour comprendre le débat actuel au FPI, référons-nous aux compétences du comité de contrôle.
Selon l’article 47 des Statuts du FPI, le rôle du comité de contrôle est de demander la tenue d’une session extraordinaire du comité central pour avis en cas de divergence profonde dans l’interprétation des textes fondamentaux de nature à entraver le fonctionnement du parti, ou encore en cas de persistance du différend, le comité de contrôle peut demander au comité central la convocation d’une convention ou d’un congrès extraordinaire. On voit bien que ce n’est ni le comité de contrôle qui réceptionne et valide les candidatures encore moins qui convoque le Congrès. Le même article 47 précise aussi que le comité de contrôle présente son rapport de contrôle à la Convention et au Congrès. De ce qui précède il faut entendre que toutes les décisions prises par le comité de contrôle doivent attendre la tenue du Congrès ou de la Convention pour présentation.
En outre, si le comité de contrôle avait des compétences élargies sous la présidence de Ahoua Don Mello, allant jusqu’à sanctionner le secrétaire du parti d’alors, Laurent Gbagbo avant le Congrès de 1996, depuis le Congrès de 1999, celui-ci s’est vu vider de tout son pouvoir. Réduisant le comité de contrôle actuel à un simple organe consultatif et non de décision ou de sanction.
IV-Comment Laurent Gbagbo avait tout verrouillé
De la création du front Populaire (1982) au Congrès de 99, le parti était présidé par un secrétaire. A l’époque c’était Laurent Gbagbo lui-même. Le comité de contrôle était présidé par Ahoua Don Mello jusqu’en 1996.
Jouissant de tous les pouvoirs (contrôle, sanction…), Don Mello tenait parfois tête à Laurent Gbagbo lorsque ce dernier déviait. Une attitude qui ne plaisait guère aux militants de bases qui vénéraient leur Chef. La goutte d’eau qui déborde le vase fut la stratégie du FPI de manipuler un certain nombre de personnalités issues du PDCI pour créer le RDR en 1994. Mais aussi de créer le front républicain, une alliance avec le RDR en 1995. Fâché, Don Mello quitte le FPI originel pour créer un courant qui avait allure d’un nouveau parti, FPI-Renaissance.
Il sera remplacé au Congrès de 96 par Hubert Oulai à la tête du comité de contrôle. Au Congrès de 99, Laurent Gbagbo crée le poste de présidence du parti en lieu et place du secrétaire du parti. Il dépouille le comité de contrôle de tout son pouvoir. Désormais disent les nouveaux textes et actuellement en vigueur, c’est le président du parti qui préside toutes les instances du parti : Secrétariat général, Secrétariat exécutif, comité central. Il a un droit de véto sur la convocation de la convention et du Congrès.
« Les textes actuels ont été taillés sur mesure et tant que c’était Laurent Gbagbo qui était là, cela ne nous gênait pas » nous révèle Eugène Kouadio Djué, ancien Fesciste et cadre du FPI.
Pour nous résumer, alors que Pascal Affi Nguessan hérite des avantages octroyés à Laurent Gbagbo, ses adversaires refusent de relire les textes du parti et se contentent d’inventer un nouveau mode de fonctionnement du parti en violation des textes du FPI. La seule issue de toutes ces crises aujourd’hui résiderait dans l’application de l’article 32 (Le Congrès peut se tenir en session extraordinaire à l’initiative, soit du secrétariat général, soit du comité central, soit des 2/3 des secrétaires généraux de sections…le comité central peut à la demande du comité de contrôle convoquer un Congrès extraordinaire.
Le problème est que c’est encore le président du parti qui préside toutes ces structures à l’exception du comité de contrôle. Comme on le dit, Affi a les textes, ses adversaires ont les muscles ! Qui vivra verra !
Philippe Kouhon (journaliste d’investigation)
Les commentaires sont fermés.