Le 11 décembre dernier, la Cour pénale internationale a rejeté l’exception d’irrecevabilité soulevée par les autorités ivoiriennes et fait obligation au régime d’Abidjan de transférer sans délai, Simone Gbagbo à la CPI. Le mercredi 17 décembre, soit une semaine après la décision de la CPI, les autorités ivoiriennes ont réagi en faisant appel de cette décision de la justice internationale. Le chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, à l’occasion de la réception des conclusions de la mission de la CDVR, a dit que «Notre justice est sur les rails. Nous avons les moyens de donner un procès équitable à tous ».
Ce virage que prend ce bras de fer entre la CPI et le pouvoir d’Abidjan pourrait provoquer l’ire de la procureure, Fatou Bensouda. D’ailleurs, à ce propos, des sources proches du bureau de la procureure gambienne indiquent que celleci ne cacherait plus son intention d’abandonner les poursuites engagées contre le camp Gbagbo si le pouvoir ivoirien s’entête à mettre à mal le fonctionnement de l’institution judiciaire internationale. Car, elle pourrait interpréter cette résistance des autorités de Côte d’Ivoire comme un refus de collaborer avec la CPI. Dans son communiqué rendu public, mercredi, la CPI a indiqué qu’Abidjan a saisi la chambre d’appel de ladite institution pour lui demander d’accorder un effet suspensif à la décision du 11 décembre de la CPI. Ce refus d’Abidjan de livrer Simone Gbagbo pourrait mettre Fatou Bensouda dans une mauvaise posture, étant donné que la CPI est accusée de ne poursuivre que le seul camp de Laurent Gbagbo.
Or, dans ce dossier ivoirien, le prédécesseur de Fatou Bensouda, Moreno Ocampo avait indiqué que six personnes étaient présumées coupables dont trois dans chaque camp au conflit. Il y a déjà à la CPI, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé qui appartiennent au même camp. Si la CPI parvenait dans ces conditions, à obtenir des autorités ivoiriennes, le transfèrement de Simone Gbagbo, elle aurait les trois personnes du camp Gbagbo dont avait parlé Ocampo. Cela conduirait aussi à l’ouverture des poursuites contre le camp adverse qui n’est autre que celui de l’actuel pouvoir. Ce, dans un simple souci d’équité. C’est seulement dans ce souci que la résistance des autorités ivoiriennes dans l’exécution de la décision de la CPI pourrait susciter la colère de la juridiction internationale. Or, le chef de l’Etat ne souhaite pas retourner son propre couteau contre lui en livrant son camp à la CPI. Dans le dossier ivoirien qui prend la forme d’une descente aux enfers pour la CPI, celle-ci fait face au défi de redorer son propre blason. Et, pour être juste avec elle-même au cas où il lui était impossible d’avoir des personnes du camp Ouattara dont elle a besoin, Bensouda n’aura d’autres solutions que d’abandonner les poursuites contre le camp Gbagbo. En Afrique, le continent continue d’accentuer la pression sur l’institution judiciaire internationale. Récemment, c’est le président ougandais, Yoweri Musseveni qui a invité tous les pays africains à se retirer de la CPI. Il est aussi bon de rappeler que Fatou Bensouda vient d’abandonner les poursuites contre les chefs d’Etat Uhuru Kenyatta du Kenya et Omar el Béchir du Soudan.
Le Quotidien
Rodolphe Flaha
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