Dans son dernier rapport, la FIDH reste très sévère à l’égard du régime ivoirien et juge largement incomplètes les actions menées pour solder les comptes de la crise post-électorale.
Depuis la fin de la crise post-électorale de 2010-2011, et l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire n’a toujours pas choisi entre « justice impartiale » et « impunité négociée pour certains auteurs de graves violations de droits humains », affirme la Fédération internationale des Ligues des droits de l’homme (FIDH), dans un rapport très critique publié le 11 décembre. Déjà en 2013, l’ONG s’était montrée sévère envers les actions entreprises par le pouvoir ivoirien pour solder les comptes de la crise.
Alors que plus de 150 personnes ont déjà été inculpées dans le cadre des enquêtes sur les violences commises entre décembre 2010 et mai 2011 – qui ont fait près de 3000 victimes -, la FIDH rappelle que « seulement deux d’entre elles appartiennent au camp pro-Ouattara ». Rappelant une à une les promesses faites par les autorités ivoiriennes en la matière, l’organisation affirme que la réalisation de celles-ci se heurtent en réalité à de véritables blocages, que seule « une réelle volonté politique au plus haut de l’État » pourrait permettre de dépasser.
Des institutions opaques et désorganisées
Tout d’abord, au niveau des organisations créées pour aider à la réconciliation nationale : la Cellule spéciale d’enquête et d’instruction (CSEI) et la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR). Ainsi la CSEI, créée en décembre 2013 (en remplacement de la CSE lancé en 2011) et chargée d’enquêter sur les crimes commis pendant la crise post-électorale, a-t-elle mis près de dix mois à être effectivement mise en place, sans que ne soit réglée la question de son budget. De quoi ralentir considérablement les quelques enquêtes lancées.
Quant à la CDVR, créée en 2011 et qui a achevé sa mission en octobre 2014, elle se caractérisait, selon la FIDH, par son « opacité » et son « manque de méthodologie ». Sur les 70 000 auditions de victimes réalisées sur l’ensemble du territoire et les 80 auditions publiques, aucune n’a été retransmise à la télévision, contrairement à ce qui avait été d’abord annoncé. Le processus judiciaire n’a jamais réellement été expliqué aux victimes et le rapport final se fait toujours attendre. Bref, le bilan est « très décevant » pour l’ONG.
Toujours en attente de procès
En ce qui concerne les procédures judiciaires en cours, là aussi le bât blesse. Le premier procès des crimes de la crise post-électorale qui devait se tenir en octobre dernier a été reporté sine die. C’est au cours de ce procès pour atteinte à la sûreté de l’Etat que doivent notamment être jugés Simone Gbagbo, Michel Gbagbo et Pascal Affi N’Guessan, actuel président du Front populaire ivoirien (FPI).
Les autres procédures judiciaires concernant les crimes les plus graves sont toujours en cours. Cependant les inculpations ne concernent en grande majorité que des « pro-Gbagbo ». Dans l’autre camp, seuls l’ancien chef de milice Amadé Ouérémi, qui a sévi plusieurs années dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, et Ahmed Sanogo, ancien membre présumé du commando invisible, ont été inculpés en mai 2013 et en mai 2014. Les rares membres des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) qui ont été convoqués par la CSEI ne se sont tout simplement pas présentés devant la cellule. « Il en ressort que les éléments FRCI visés par ces convocations sont à un niveau ou un autre protégés », ajoute le rapport.
Sur le dossier des attaques du camp de Nahibly, près de Duékoué, en juillet 2012 (7 morts et des dizaines de disparus), le constat est tout aussi sévère : « Pas un acte n’a été posé dans ces instructions depuis le mois de juin 2013, soit depuis un an et demi »
Lire le rapport complet de la FIDH : « Choisir entre la justice et l’impunité » (PDF)
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