Un nouveau juge de la CPI proche de la France ?
Marc Perrin de Brichambaut, un diplomate français, figure parmi les candidats au poste de juge à la Cour pénale internationale (CPI). Au service d’anciens gouvernements français, la question de son indépendance est l’objet de critiques.
Par* Sophie van Leeuwen et Selay Marius Kouassi
Sur les dix-sept candidats aux postes de juges à la CPI, seuls six seront désignés par les 122 États membres lors de l’Assemblée des États parties de la CPI (AEP), qui se tient du 8 au 17 décembre à New York.
Dans les coulisses, Marc Perrin de Brichambaut, candidat français au poste, est l’objet de critiques en raison d’un passé professionnel étroitement lié à l’exécutif français. Alors qu’un juge se doit d’être impartial, M. Perrin de Brichambaut ne serait donc pas la personne la plus adaptée pour représenter une Cour indépendante comme la CPI.
Lors de la conférence de Rome de 1998, quand le Statut de Rome fut adopté, Marc Perrin de Brichambaut représentait le gouvernement français. Comme l’atteste ce document (en anglais), il défendait alors la possibilité pour le Conseil de sécurité de l’ONU d’influer sur les procédures de la Cour. Pour rappel, la France est l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité.
« La France est partie prenante dans une affaire à la CPI »
Plus sensible encore, le candidat fut au service des présidents François Mitterrand et Jacques Chirac. En 2004, année de conflit entre la France et la Côte d’Ivoire, Marc Perrin de Brichambaut travaillait au ministère de la Défense.
« La France est partie prenante dans une affaire à la CPI : le procès contre l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo », affirme Abraham Denis Yaurobat, président de l’ONG ivoirienne Actions pour la protection des droits de l’homme (APDH). Le passé de Marc Perrin de Brichambaut, « spécifiquement ses connections avec le pouvoir français, le rendent suspect, raconte Abraham Denis Yaurobat. S’il devient juge à la CPI, son passé pourrait nuire à l’indépendance de sa fonction. »
Un autre ivoirien charge le candidat. Pour l’avocat Fernand Julien Gauze, « Marc Perrin de Brichambaut est un ardent défenseur des intérêts français. » Et le président de l’ONG Agir pour la démocratie, la justice et les libertés en Côte d’Ivoire (ADJL-CO) de rajouter : « Il fait partie de l’élite, il servira les intérêts de son pays auprès de la CPI. »
Une critique facile
Un juge de la CPI peut-il être proche d’un gouvernement et rester impartial ? La critique est facile, pense Aaron Matta, chercheur à The Hague Institute of Global Justice (un centre de recherche créé, entre autres, par la ville de La Haye, NDLR), et ancien employé de la CPI : « Nous savons exactement où les candidats et les juges ont travaillé, et leurs CV sont publics. »
« Mais je ne suis pas naïf non plus. Je sais comment fonctionne le monde de la justice internationale, ajoute Aaron Matta. Si vous suivez les affaires, les juges ont de plus en plus tendance à prendre des décisions en faveur de leur propre pays. » C’est ce qui s’est passé avec la Cour de justice internationale, l’une des raisons du discrédit de cette Cour, si l’on en croit le professeur de droit de Chicago, Eric Posner.
« La CPI ne veut pas faire la même erreur, reprend Aaron Matta, mais les États font ce qu’ils peuvent pour influencer les décisions. Lors de l’AEP, les États soutiennent les autres États en cachette. »
« Des qualités de diplomate peuvent être bien appréciables pour la CPI »
Le professeur Eric Posner ajoute : « On peut se faire du souci car dans le cas où un diplomate de haut niveau est rattaché à la CPI, ce sera considéré plutôt comme une tentative d’influencer la Cour, ou comme une nomination partisane. Cela décrédibilise la Cour. Bien sûr, des qualités de diplomate peuvent être bien appréciables pour la CPI. »
Selon l’ambassade de France aux Pays-Bas, Marc Perrin de Brichambaut, qui est un membre du Conseil d’État, est réputé pour avoir de grandes qualités morales. Il serait connu pour son impartialité et son intégrité.
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