Par Serge Alain Koffi
L’ancien directeur général de Notre Voie, le journal du Front populaire ivoirien (FPI), le principal parti de l’opposition en Côte d’Ivoire, César Etou affirme n’avoir « fait aucune malversation » et dit être « victime d’un abus », trois semaines après son limogeage à ce poste, dans une interview à ALERTE INFO dimanche.
Vous avez été débarqué le 17 novembre de votre poste de Président du conseil d’administration (PCA) et de Directeur général (DG) par intérim de la Refondation SA, groupe de presse du FPI. Que s’est-il passé pour en arriver là ?
Il faut savoir que César Etou et une équipe dirigeaient l’entreprise depuis avril 2011 jusqu’au 17 novembre.
A sa sortie de prison, M. Affi N’Guessan qui dans les statuts de l’entreprise en tant que Président du FPI, est actionnaire majoritaire de la Refondation SA, a initié un audit.
Et donc, César Etou en tant que président du conseil d’administration a écrit aux auditeurs pour que l’audit soit réalisé et cela a été fait. Toujours en tant que PCA, j’ai convoqué une réunion pour analyser les résultats de l’audit et les recommandations.
La 1ère réunion a eu lieu le 29 octobre. Nous avons écrit noir sur blanc dans le procès-verbal sanctionnant cette réunion, qu’on est heureux que l’audit n’ait pas fait mention de malversations, de mauvaise gestion ou de détournements.
On devait donc appliquer les mesures commandées par l’audit pour sortir l’entreprise des difficultés financières qu’elle traverse. Nous reprenons la réunion le 10 novembre. Et à la fin de celle-ci, Frank Anderson Kouassi m’apprend que je devais être limogé de mes fonctions.
Pourquoi ? Parce qu’entre le 29 octobre et le 10 novembre, j’ai écrit un article qui est paru le 5 novembre et qui dit : “candidature à la présidence du FPI : Gbagbo dit oui à l’appel de Mama’’.
Selon Frank Anderson, le président Affi a trouvé dans cet article qu’il y a une faute professionnelle et une faute politique. Cela ne pouvait pas prospérer parce que le journaliste qui a écrit cet article n’a pas fait de politique.
C’est à partir des propos de Me Altit depuis La Haye que j’ai décrypté. Pour résumer, j’ai été limogé de toutes mes fonctions parce que j’ai écrit un article pour dire que le président Gbagbo va être candidat à la présidence du FPI.
Vous considérez-vous comme une victime de la guéguerre qui a cours au FPI ?
Je suis une victime. J’ai saisi le comité de contrôle du FPI et l’affaire est en instruction. Je fais confiance au comité de contrôle. Le résultat de l’audit est là. Je n’ai fait aucune malversation.
D’ailleurs, il n’y a pas d’argent. J’ai hérité d’une entreprise complètement cassée avec des dettes énormes. Une entreprise dont les comptes ont été fermés par nos banquiers parce qu’on leur devait. Après le 11 avril 2011, en vérité cette entreprise n’existait plus.
Le siège était occupé par les rebelles. Toutes nos machines de production, nos ordinateurs avaient été emportés.
Donc, il n’y avait rien. J’ai repris cette entreprise dehors par mes relations, sans un sou de personne même pas du président du FPI qui avait lui-même été arrêté et transféré à Bouna. Je suis victime d’un abus.
Pourquoi avez-vous saisi le comité de contrôle du FPI, un organe politique, plutôt que le tribunal du travail ?
Il y a des recours en interne quand vous êtes frappé d’injustice. Comme l’entreprise est la propriété du FPI, on saisit d’abord toutes les voies de recours. C’est quand l’injustice est définitivement consommée qu’on va à l’inspection du travail.
Pour le moment l’affaire n’y est pas encore parce que cette instance supérieure au Président Affi peut annuler la décision si elle est convaincue du bien-fondé de ma démarche.
Comment vous vous occupez-vous depuis votre limogeage ?
Depuis dix ans, je n’ai pas eu de congés dans cette entreprise. Donc, je me considère comme un peu forcé à prendre des congés. Depuis mon limogeage, on me sollicite de partout soit à l’intérieur du FPI soit à l’extérieur pour apporter mon expérience et mon regard sur certains sujets.
Donc, je ne m’ennuis pas du tout. Je suis toujours employé de Notre Voie mais je suis sans responsabilité parce que pour l’instant personne ne m’a signifié que je suis licencié.
C’est pourquoi je ne saisis pas le tribunal du travail. Je ne suis pas licencié, on m’a retiré toute responsabilité.
La crise au FPI, est-ce une guerre de positionnement ou de simples divergences sur les stratégies politiques ?
Ce n’est ni une guerre de positionnement ni des divergences stratégiques. Il y a des gens qui sont en train d’accompagner la communauté internationale pour faire oublier Gbagbo.
Le combat, c’est comment faire pour effacer le nom du président Gbagbo, père fondateur de la démocratie en Côte d’Ivoire. C’est dans cette lutte que le FPI se retrouve plongée.
Pourquoi le président Affi ne veut même plus voir la photo du président Gbagbo dans son propre journal ? Le problème, c’est comment faire pour oublier le président Gbagbo.
C’est ce que ceux qui ont renversé Gbagbo le 11 avril 2011 demandent. C’est dans ces pas que le président Affi et ceux qui le supportent sont entrain de danser. Le président Affi veut le FPI sans Gbagbo.
Concrètement, pour vous, comment peut-on diriger un parti politique en étant en prison à des milliers de kilomètres de son pays ?
Il ne s’agit pas de gérer en étant à des milliers de kilomètres. Il s’agit d’introduire la personne dont les ennemis ne veulent plus en votre sein. De démontrer qu’il reste populaire dans son parti, dans son pays. De montrer qu’il est incontournable si on veut la réconciliation ici.
Si le président Affi faisait ce combat, le président Gbagbo n’allait jamais sentir la nécessité de venir postuler à la tête du FPI. Tout le monde est d’accord que le président Affi s’écarte de la ligne capable de contribuer à la libération immédiate ou pas très lointaine du président Gbagbo. Comment peut-on gérer la maison d’un propriétaire sans son avis ?
Pour certains militants du FPI, faire de Laurent Gbagbo le président du FPI, cela pourrait desservir sa cause dans la procédure à son encontre à la CPI
Ceux qui posent cette question, savent-ils mieux que le prisonnier ce qui est bon pour lui ? Nous ne savons pas mieux que Gbagbo ce qui est bon pour lui.
La base sait qu’autour de son nom l’unité peut se faire. Vous voyez que beaucoup de personnes sont entrain de démissionner autour du président Affi. Avant la lettre de candidature du président Gbagbo, il y avait 67 fédérations qui avaient signé, aujourd’hui il y a plus de 90 fédérations sur 96 qui ont décidé de venir au congrès pour voter le président Gbagbo.
Selon vous, y a-t-il des risques d’implosion du FPI ?
Le parti ne peut plus imploser parce que Gbagbo a pris les choses en main.
Comment appréciez-vous la candidature de Pascal Affi N’guessan ?
Si le président Affi ne retire pas sa candidature, les gens vont penser qu’il est en mission pour casser le FPI. Ce qu’il ne peut pas réussir parce que toute la base a déjà basculé derrière le nom du président Laurent Gbagbo.
Le président Affi a intérêt a retiré sa candidature pour accompagner le mouvement. Il sera obligé s’il ne le fait pas de redevenir un dirigeant quelconque au FPI ou alors de prendre le chemin du Professeur Mamadou Koulibaly.
Des partisans de M. Gbagbo parlent de trahison…
Je considérais au départ la candidature du président Affi comme une candidature normale. Il dirige un parti qui va en congrès. C’est normal qu’il dise qu’il est candidat, mais à partir du moment où le fondateur, lui-même, sollicité par la base, vient te dire je suis candidat, rapidement le président Affi aurait dû se raviser, retirer sa candidature pour conduire même la campagne du président Gbagbo. A partir d’une telle position, le président Affi pouvait continuer à diriger tranquillement le FPI.
Le FPI peut-il durablement survivre à Laurent Gbagbo ?
Un parti politique survit toujours à son fondateur à condition que son fondateur ne soit plus, à condition que son fondateur dévie de la ligne originelle. Mais il est vivant, il est arbitrairement détenu, il est en posture de combat. Houphouët-Boigny vivant, vous pouvez faire le PDCI sans lui ?
Personnellement, pensez-vous que le FPI doit aller aux élections de 2015 ?
La lutte politique a des étapes. Le FPI doit d’abord faire un congrès pour recadrer sa ligne politique, son combat. Un parti est créé pour prendre le pouvoir par les urnes.
Mais pour l’instant le FPI a des problèmes internes à régler. Quelle est la ligne de direction ? Quelles sont les conditions qui sont mises en place pour que les élections se déroulent ? Je peux vous dire que ce n’est même pas sûr que les élections se déroulent en octobre 2015 parce qu’il y a des opérations qui n’ont même pas encore commencé.
Laissez le FPI s’organiser, recadrer sa ligne et enfin se projeter vers les luttes pour l’accession au pouvoir. Pour l’instant, le FPI est mélangé par le président Affi.
SKO
Alerte-info.net
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