Au moment où je rédige cette contribution, deux propos du Président Gbagbo me viennent à l’esprit et je voudrais les rappeler (de mémoire, ils ne sont donc pas cités exactement à la lettre). L’un a été lu dans le livre vérité de F. Mattei : « J’étais entouré de compromissions, de traitrises, d’alliances mercantiles, de duplicité. Bien sûr qu’on avait noyauté mon entourage…». L’autre était inscrit sur de grands panneaux d’affiche en Côte d’Ivoire pendant et après les élections de 2010: « Un jour viendra où dans ce pays, deux camps s’affronteront. D’un côté, le camp de ceux pour qui la souveraineté nationale a un sens et mérite un combat, un engagement constant. De l’autre, celui de ceux pour qui la souveraineté n’a pas de sens et qui ont décidé de pactiser avec nos fossoyeurs ». Pourquoi ce sont ces propos qui me viennent à l’esprit ? Sont-ils adoptés au contexte et au présent texte ? Je n’en sais rien. Je laisse au lecteur le soin d’y répondre au terme de sa lecture. Ceci étant dit, venons-en à mon propos relatif à la question de cet article : « Pour la présidence du FPI, pourquoi l’unité de tous s’impose autour du Président Laurent Gbagbo ? »
1- La bonne question à se poser:
quel candidat pour rassembler et remobiliser les militants du FPI?
«Un FPI uni et remobilisé pour la libération du Président Laurent Gbagbo indispensable à la réconciliation nationale et pour la reconquête démocratique du pouvoir d’Etat », tel est le thème de ce congrès. Il traduit les préoccupations ou les problèmes actuels au FPI et qui sont exprimés dans des termes très clairs : absence d’unité ; absence de mobilisation. Aujourd’hui donc, ce qu’il fait défaut au FPI, ce sont l’unité et la mobilisation. Quelle est donc la candidature qui peut unir et remobiliser les militants afin que leur parti adopte enfin la posture de combat pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixés? C’est de cela qu’il s’agit et de rien d’autre.
2- Le Président Gbagbo est le candidat qui peut favoriser l’unité et la remobilisation du FPI
Le fait que le Président Gbagbo soit en prison n’y change rien. En politique, ce n’est pas la présence physique du leader qui doit être mise en avant, mais le symbole qu’il représente et la légitimité qu’il incarne. Ce sont ces ingrédients-là qui sont déterminants pour la mobilisation populaire autour d’une cause. Même en otage à La Haye, le Président Gbagbo Laurent a laissé derrière lui des traces en Côte d’Ivoire qui parlent pour lui et ce n’est pas sans raison que nous nous réclamons de lui et qu’il est le recours.
3- Les raisons de la grande confiance au Président Gbagbo sont nombreuses. Citons-en quelques-unes.
Dans le parti qu’il a créé avec quatre autres camarades, il a toujours su rester humble et à l’écoute de tous et en particulier de la base. Il a toujours su se soumettre au point de vue majoritaire sans aucun passage en force et sans se prévaloir de son statut de membre fondateur du FPI. C’est parce qu’il a toujours eu la grande confiance de la base qu’il a souvent obtenu l’adhésion de la majorité à son point de vue. La chaleur humaine ambiante dans le parti c’était sa marque. C’est dans une ambiance toujours fraternelle et festive qu’il a su mobiliser les militants et au-delà du FPI les autres démocrates ivoiriens pour arracher dans la lutte d’une fermeté exemplaire, ce dont nous sommes fiers aujourd’hui : le retour au multipartisme, le bulletin unique, le vote à 18 ans, l’urne transparente, l’organisation des élections par une commission électorale indépendante et non plus par le ministère de l’intérieur, le financement des partis politiques, etc. C’est de cet homme-là qu’il s’agit à propos de la future présidence du FPI. C’est donc lui l’homme de la situation.
4- Le camarade Affi aurait pu être l’homme de la situation s’il ne s’était pas discrédité depuis sa sortie de prison par des actes précis qu’il m’est loisible de rappeler ici à toutes fins utiles.
Je sais que certains camarades parlent d’un mauvais procès fait au camarade Affi que de l’accuser d’avoir tourné le dos aux idéaux du parti, de tourner la page Gbagbo pour ouvrir sa propre page. Qu’il me soit permis de m’en tenir à quelque chose d’encore plus simple : le camarade Affi N’Guessan n’inspire-plus confiance à beaucoup d’entre nous pour qu’il soit encore porté à la tête du FPI, et, ce, après 13 ans de présidence dont le bilan politique et financier reste très attendu dans ce congrès. Les actes précis ? Quand on est démocrate et homme de gauche, des comportements s’imposent à nous. Ici, je rappellerai plusieurs actes posés qui sont contraires aux idéaux chers aux démocrates et hommes de gauche. Premier acte, le 4 Juillet 2014, Affi a nommé ses propres hommes à la place de camarades qu’il jugeait peu malléables, oubliant que c’est par les débats contradictoires qu’on fait passer son point de vue et non pas en se donnant artificiellement une majorité par des nominations de personnes acquises à sa cause. Deuxième acte, il s’est soustrait aux décisions majoritaires dégagées lors des sessions des organes de direction. La Convention comme le Comité central du parti lui ont intimé l’ordre d’organiser les actions de masse et d’envergure autour de nos revendications. Il y a tourné le dos s’inscrivant dans ses propres positions, celles d’entrer dans le jeu politique du pouvoir. Troisième acte, il a engagé le FPI à la CEI sans aucun débat et sans aucune onction des organes de direction. Quatrième acte, aujourd’hui, il intente une action en justice à l’encontre du journal de gauche LG Infos, suite à un article, alors que lui comme nous continuons de décrier la justice des vainqueurs. Cinquième acte, il fait limoger le PCA et DG intérimaire du journal Notre Voie (Refondation-SA) en réalité pour avoir sorti un numéro titrant sur la fin des conjectures relativement à la candidature du Président Gbagbo : « candidature de Gbagbo à la présidence du FPI : le débat est clos ». Et sixième acte, pour s’en tenir à cette liste non exhaustive, il a fait aujourd’hui de l’instrument de communication du FPI, Notre Voie, son porte-voix. C’est par Affi que la cohésion et l’unité du parti viennent de prendre un sérieux coup. Dans ces conditions, il peut être tout sauf le candidat de l’unité et de la cohésion dont le parti a besoin.
5- Les manœuvres actuelles du camarade Affi pour être le candidat unique ne sont pas bonnes pour son image déjà écornée
Ce camarade manque d’humilité et a une démarche méprisante des autres. En effet, pour lui, la candidature de Gbagbo est une rumeur parce que celui-ci ne l’aurait pas appelé pour le lui dire. Lui, a-t-il appelé Gbagbo pour lui dire ses propres intentions ou pour en savoir davantage avant de se répandre dans les meetings de manière si désobligeante pour notre Président ? Ses manœuvres actuelles pour invalider la candidature du Président Gbagbo qui viennent couronner le tout sont révoltantes et dégoutantes. Les raisons qu’il évoque dans sa lettre (Cf. lettre de réclamation adressée le 19 novembre au président du Comité de Contrôle) pour demander de déclarer irrecevable la candidature du Président Gbagbo sont au nombre de quatre et d’une faiblesse politique incroyable. Je voudrais m’arrêter à celle qui porte sur l’incapacité présumée du Président Gbagbo du fait qu’il serait en prison et engagé dans une procédure judiciaire à la Cour Pénale internationale (CPI) depuis 3 ans. Pour Affi, le début du procès étant fixé au 07 juillet 2015, soit 8 mois après la tenue du Congrès du Parti, le Président Laurent Gbagbo ne peut être physiquement présent au moment de l’élection du Président du FPI qui a lieu le 14 décembre 2014. Il y aurait donc vacance de la présidence dès l’élection éventuelle du Président Laurent Gbagbo, qui violerait ainsi l’article 18 alinéa 7 du Règlement intérieur qui stipule : « En cas de vacance de la Présidence, le Premier vice-président convoque un Congrès extraordinaire, en accord avec le Comité Central, pour l’élection d’un nouveau Président si la durée à courir du mandat en cours est supérieure à un (1) an et demi ». Il résulterait de la lecture de cette disposition qu’on ne peut accepter la candidature d’un militant qui est dans l’impossibilité physique d’exercer immédiatement la fonction de Président du Parti, conclut-il. Est-ce vraiment quelqu’un qui est de nos rangs qui parle ainsi ?
6- Les militants du Front Populaire Ivoirien doivent s’interroger sur la signification de la récusation de la candidature de Gbagbo par Affi
Le Président Gbagbo est un prisonnier politique, otage de la communauté internationale aux fins de permettre à Ouattara qu’ils ont installé à la tête de l’Etat d’assumer sans cauchemar les charges du pouvoir volé au Président Gbagbo et au peuple de Côte d’Ivoire. Comment un démocrate, un homme de gauche, quelqu’un qui, de surcroit, est toujours à la tête du FPI, peut-il décemment prendre prétexte de cette incarcération politique injuste pour déclarer irrecevable la candidature de ce dernier ? Le camarade Pascal Affi N’Guessan évoque l’article 90 des Statuts et Règlements du FPI pour spéculer sur une vacance à la tête du parti si le Président Gbagbo était élu. Dans sa volonté d’en finir en effet avec le Président Gbagbo en évoquant maladroitement sa détention à la CPI, le Président Affi N’Guessan oublie que juridiquement, il est lui-même dans la même situation que le président Gbagbo. Le Président est en détention et Affi est en liberté provisoire ; mais tous les deux n’ont pas encore été jugés ni condamnés. Le Président Affi sait-il l’issue du procès pour épiloguer sur l’incapacité du Président Gbagbo à diriger le parti à la suite de son procès de juillet? Comment le camarade peut-il alors inspirer confiance aux militants en tenant de tels propos aux seules fins d’être candidat unique à la présidence du parti ?
7-Le coup de pouce qu’Affi vient de recevoir du gouvernement pour se maintenir à la tête du FPI achève de nous convaincre qu’avec lui le FPI demain sera sous tutelle
Pourquoi un conseil des ministres du pouvoir Ouattara s’invite-t-il dans le débat sur la candidature à la présidence du FPI, embouchant la même trompette que le camarade Affi ? En réalité, il y a comme un jeu de rôle entre lui et le pouvoir qui se dévoile au grand jour ; rien qu’à écouter le porte parole du Gouvernement Koné Bruno, qui au sortir d’un conseil de ministres s’est prononcé sur les candidatures à la présidence du FPI en ces termes : « Le régime Ouattara souhaite que le président du FPI soit élu conformément aux lois ivoiriennes.» Quelles sont ces lois que l’on prétend que nous ignorerions ? Il ne faut pas nous distraire car les intentions commencent à se dévoiler dans un schéma diabolique que nous soupçonnons d’avoir pour finalité la suspension ou l’interdiction du FPI ou à tout le moins la suspension du congrès et des activités du parti au cas où tout leur échapperait. A quelle fin ? Pour ouvrir le boulevard à Affi. Quelqu’un n’avait-il pas laissé échapper qu’il faut tout mélanger avant de partir ? Mais, partir où ? Certainement à terme vers la création de son parti car il ne peut pas être allé aussi loin si l’objectif final n’est pas de partir. Mais ce ne sera jamais sur les cendres de notre FPI. Pourquoi vouloir détruire ce qu’on n’a pas souffert pour créer et pourquoi ne pas partir et laisser tranquille le FPI comme un devancier l’a fait avant lui ?
8- Mais l’exigence de cohésion interne n’impose-t-elle pas de faire la synthèse et le compromis pour sauver le parti ?
Nous devons tous sauver le parti et son unité et c’est précisément pour cela que nous avons recours à la candidature du Président Gbagbo alors que nous savons que nombre de cadres pouvaient battre Affi dans les urnes. Mais il faut savoir en plus que la question de la ligne est déterminante. Ce qui est en jeu, c’est de savoir si le FPI doit renoncer à sa ligne de combat contre toute domination sur la Côte d’Ivoire en Côte d’Ivoire pour adopter une ligne de collaboration avec le pouvoir et l’impérialisme. Pour moi, c’est la ligne de démarcation. Je rappelle que c’est de cela qu’il s’agit lorsqu’on fait le distinguo entre la contradiction principale et la contradiction secondaire ou encore lorsque l’on parle de caractère antagonique d’une contradiction. Une synthèse oui ! Un compromis oui ! Mais pas au détriment de la ligne souverainiste du FPI et du combat pour la libération du président légitime de Côte d’Ivoire, le Président Gbagbo. Ce serait une compromission et cela n’est pas envisageable.
Conclusion
Pour terminer, je voudrais lancer un appel au rassemblement des camarades autour du candidat le Président Laurent Gbagbo pour relever les nombreux défis qui attendent notre parti. Au camarade Affi, je lui demande de prendre de la hauteur dans ses propos pour le débat et la campagne à venir. Mon souhait final, c’est qu’au sortir de cette expression démocratique plurielle interne le parti sorte encore plus déterminé et adossé aux fondamentaux qui font sa force et son ancrage à gauche et dans les masses populaires.
Professeur Koudou Kessié Raymond
Ambassadeur de Côte d’Ivoire
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