Côte-d’Ivoire politique nationale – Bédié en flagrant délit de duperie

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La cause est entendue : Alassane Dramane Ouattara sera le candidat unique du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP, coalition du RDR, du PDCI-RDA, de l’UDPCI, du MFA et de l’UPCI). A l’issue de son deuxième Congrès ordinaire (18, 19 et 20 décembre 2013), l’UDPCI a donné le ton, en investissant son candidat : Alassane Dramane Ouattara et le Congrès a mis le Président Mabri en mission au niveau de ses pairs du RHDP afin d’obtenir la candidature unique du Président Ouattara.

Le 17 septembre 2014, Aimé-Henri Konan Bédié, président du PDCI-RDA, est entré dans la danse en ralliant, officiellement et solitairement, à Daoukro, sa ville natale, la candidature unique du Chef de l’Etat sortant. C’est ce qu’on a appelé «L’appel de Daoukro». Mis devant le fait accompli, élus et cadres du plus vieux parti de Côte d’Ivoire sont, néanmoins, sur le terrain pour convaincre les militants d’adhérer à cette décision du président qui, «assis, voit plus loin qu’eux debout», selon le secrétaire exécutif du parti, Maurice Kakou Guikahué.

Les envoyés de N’Zuéba ont le soutien naturellement de l’UDPCI qui a lancé, depuis novembre 2014, seize missions pour «parcourir» pendant un mois, l’ensemble du territoire national afin de «mobiliser» ses militants autour de la «candidature du Président Alassane Ouattara» au sein du RHDP. Le RDR, grand bénéficiaire de cette donne politique a apporté son soutien «inconditionnel» et «total» à «L’appel de Daoukro».

Après le discours plutôt musclé de Bédié qui ne manquait pas de fustiger le découpage électoral sur mesure et le vol de 600.000 de ses voix à la présidentielle de 2010, le secrétaire général des Républicains, Amadou Soumahoro, ne sachant plus à quel allié se vouer, était dépité: «On savait que notre ennemi, c’est le FPI, mais après cette sortie de Bédié, on ne sait plus vraiment qui est notre ami ou notre ennemi, en plus du FPI». Le RDR, désormais, est aux anges et se mobilise autour de Bédié.

Car, des «récalcitrants» veulent mener la vie dure au président du parti soixantenaire. Le 12è Congrès ordinaire du parti (3, 4 et 5 octobre 2013), sous la présidence de l’ambassadeur Boa Edjampan Amoakon Tiémélé, a retenu la candidature d’un «militant actif» du PDCI-RDA pour la prochaine présidentielle. «Pour le choix du futur candidat du PDCI à la présidentielle de 2015, les congressistes ont souhaité que la personnalité soit un militants actif du parti», déclarait prof. Niamkey Koffi, rapporteur général du Congrès. Mieux, une Convention est même prévue pour choisir cet oiseau rare à même de redonner le pouvoir d’Etat au parti qui a été renversé, en même temps que Bédié, le 24 décembre 1999, à l’issue d’un putsch.

Une campagne médiatique sur mesure.

Mais, voilà, Bédié a décidé de couper l’herbe sous les pieds des 4.000 délégués et de tous les militants du parti. Et le Sphinx de Daoukro est à la manœuvre, avec ses soutiens et une campagne médiatique sur mesure, pour se présenter comme le rassembleur et l’homme de paix. Blé Guirao, 10è vice-président de l’UDPCI chargé des organisations professionnelles et des Ong et président du Groupement d’action pour la candidature unique d’Alassane Dramane Ouattara (GRACU-ADO), s’est engagé à écrire à l’UNESCO aux fins que le prix Nobel de la paix 2015 soit attribué à Bédié.
L’association des élus et cadres du Grand centre (AEC-GC) n’est pas en reste. Sous la direction de Me Jeannnot Ahoussou Kouadio, ex-Premier ministre et président du conseil régional du Bélier, elle a profité de la journée nationale de la paix célébrée les 15 novembre, pour rendre un hommage appuyé à Bédié. L’AEC-GC lui a décerné, grande première, la médaille Grand Or du prix Abla Pokou pour la Paix et la Cohésion.

A cette occasion, Bédié a justifié son appel de Daoukro par rapport aux événements malheureux connus par notre pays depuis plus de dix ans avec la rébellion armée et la crise postélectorale: «Je refuse que la Côte d’Ivoire soit plongée une fois de plus dans un bain de sang», a plaidé le nouvel apôtre de la paix surtout que le père de la nation ivoirienne ne cessait de répéter : «La Paix, ce n’est pas un vain mot, c’est un comportement.»

Entreprise de récupération politique.
Mais il s’agit en fait d’une opération de récupération politique de la crise politico-armée pour enrober de chocolat le discours, faire passer la pilule et séduire l’opinion aussi bien nationale qu’internationale. Le texte fondateur du RHDP, signé le 18 mai 2005 à Paris, contre l’avis de nombre de membres du Bureau politique du PDCI-RDA qui avait proposé Yamoussoukro, indique, en effet, clairement que chaque parti de la plate-forme politique présente son candidat et c’est seulement au second tour de la présidentielle, que la coalition soutient le candidat le mieux placé issu de son rang.
C’est pour cette raison qu’avant la présidentielle de 2010, ceux qui étaient pour la candidature unique, étaient moqués, en 2006, par Ouattara: «Nous avons, le président Bédié et moi, envisagé la candidature unique dans nos discussions. Et nous avons conclu que ce n’est pas la solution. Ceux dans cette salle qui sont du PDCI ou du RDR, c’est de leur dire de nous faire confiance. Vraiment, la candidature unique au premier tour n’est pas la solution; c’est notre analyse, c’est notre conviction. Malheureusement, ceux qui continuent de parler de candidature unique, c’est une perte de temps, car elle n’aura pas lieu».
Et puis, duperie des duperies, la crise postélectorale n’a pas opposé le PDCI-RDA au RDR. Après le premier tour du 31 octobre 2010, sans problème, où tous les leaders des partis membres du RHDP étaient en lice, la coalition a soutenu, en bloc, Alassane Dramane Ouattara, arrivé deuxième, contre Laurent Gbagbo au second tour (28 novembre 2010). Au déclenchement de la crise postélectorale, tous les leaders de la plate-forme, en dehors d’Anaky Kobenan, s’étaient tous retranchés, sous protection des Casques bleus de l’ONUCI, à l’hôtel du Golf où l’embryon du gouvernement actuel avait été formé.

Le doux parfum du parti unique.
En 2015, Alassane Dramane Ouattara ne sera pas le candidat unique de la Côte d’Ivoire; il sera confronté à des candidats dont certains sont déjà connus: Mamadou Koulibaly et Joseph-Martial Ahipeaud notamment. En déclarant donc qu’il refuse que son pays «soit plongé une fois de plus dans un bain de sang», Bédié veut, peut-être, décourager ces candidatures et des velléités de candidatures à même de contrarier le «nouveau bâtisseur de la Côte d’Ivoire».
Et on le sait: Barack Obama a été, prématurément (neuf mois après son investiture), fait prix Nobel de la paix 2009 pour ses appels en faveur d’un monde sans armes nucléaires et ses efforts pour relancer le processus de paix israélo-palestinien; et probablement, après la Pakistanaise Malala Yousafzaï et l’Indien Kailash Satyarthi, prix Nobel 2014, Bédié, aussi, pourrait être le prochain lauréat pour le nouveau climat dans la politique nationale qu’il se bat officiellement pour créer, avec le doux parfum du trentenaire parti unique et de la météorique «démocratie à l’ivoirienne» version Félix Houphouët-Boigny de 1980 à 1990 (avec un seul candidat, Houphouët, à la présidentielle et des candidats multiples aux autres scrutins). Au seul bénéfice du RHDP et des Houphouétistes.

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