Côte d’Ivoire – A qui profite les propos extrêmes du FPI ?

Marthe

Lettre ouverte d’Odette Lorougnon au président François Hollande

Non Madame, quand on ne s’appelle pas Vladimir Poutine, on ne peut pas tout dire à tout moment

Par un communiqué de la Secrétaire Générale, Agnès Monnet, la direction du FPI a réagi promptement en prenant ses distances de la « lettre ouverte » que madame Lorougnon a adressée au président français en fin de semaine dernière. Tout en saluant cette réaction de la direction du parti, je l’invite à être dorénavant plus tranchant et intransigeant vis-à-vis de tous ces cadres du FPI qui veulent réduire la politique à « des explosions ou accès d’émotions ».

Au-delà d’Odette Lorougnon, il est grand temps de rappeler à tous ces cadres du FPI et plus généralement à tous ces « pro-Gbagbo » qui se disputent la prime de « diseurs de vérités crues » que le président Gbagbo a certes été déchu le 11 avril 2011, mais il n’a pas emporté avec lui la politique en prison. Alors si le FPI aime Gbagbo et désire sa libération, il doit faire la politique, rien que la politique.

Car, le FPI, même s’il est aujourd’hui dans l’opposition par la force des choses, a vocation à incarner la stature et la carrure d’un parti de gouvernement. On ne peut pas avoir gouverné un pays, membre de la communauté des nations unies, et se comporter comme un groupe de syndicalistes portés par la seule émotion de revendications corporatistes.

C’est bien beau de rappeler à François Hollande qu’il ne bénéficie que 15% de soutien au sein de ses concitoyens. Mais quid des soutiens du FPI, en Afrique et dans le monde depuis avril 2011? Quand on a fini de constater l’impopularité du président français, il est tout aussi impératif d’observer que depuis que des gens comme Katinan Koné et bien d’autres ont fait du discours antioccidental et anti-impérialiste la trame principale de leur « résistance », les soutiens du FPI ne se bousculent ni aux portes de la Côte d’Ivoire ni dans le monde. Or, toute lutte politique n’a de chances d’aboutir que si le discours politique qui la porte est universalisé, s’il réussit à élargir son champ d’adhésion au-delà de ses propres frontières. Cela a été vrai hier pour les luttes des indépendances africaines, pour le Printemps Arabe et, comme le montre l’actualité récente, cela reste vrai aujourd’hui encore pour le peuple Burkinabé.

En réalité, ces récriminations morales, ces invectives et diatribes contre l’Occident concourent à conforter les représentations caricaturales sur le président Gbagbo que Sarkozy et ses officines de communication ont distillées en Occident et dans le monde entier: Ouattara le pro-français, pro-blanc, pro-occidental, à contrario de Gbagbo et de ses partisans qui eux, veulent chasser tous les étrangers et fermer la Côte d’Ivoire au monde entier. Bien sûr qu’il s’agit là d’une caricature grotesque, moralement et éthiquement insoutenable. Mais le fait est que dans l’ère du numérique et de la communication dans laquelle nous vivons, c’est cette image de Gbagbo qui est encore et toujours majoritairement répandue.

Dans ces circonstances, le contenu de lettres comme celle de madame Lorougnon apparaissent comme une insulte à l’intelligence du FPI et des pro-Gbagbo, l’intelligence étant prise dans son acception banale en tant que capacité pour l’être humain à s’adapter à toutes situations nouvelles dans laquelle il se trouve. Si on ne s’appelle pas Vladimir Poutine, dire toutes les vérités pour le plaisir de les dire, n’est rien d’autre que l’irresponsabilité politique. C’est une façon de tromper la masse de militants FPI. Autrement dit, tenir exactement des propos virulents qu’un militant d’Attiécoubé ou de Yopougon veut entendre pour le gonfler ainsi à blanc, relève du populisme politique. Or, le FPI n’est pas un parti populiste et ne saurait le devenir parce que le président Gbagbo est en prison!

Vérité Historique versus « vérité politique »

Pour la gouverne de madame Lorougnon, Koffi Koffi Lazare, madame Ago Marthe, Koné Katinan, Alphose Douaty, Stéphane Kipré et toutes ces personnalités qui aiment s’enivrer de soi-disant « vérités crues » pour nourrir leur égo, j’aimerais humblement rappeler ici qu’à ce jour, il n’existe pas de prix Nobel de « vérité politique ». La vérité politique qui n’existe qu’en tant que construction des hommes, est toujours fonction de forces politiques du moment. A ce titre, elle est fuyante, contextuelle et jamais figée, ce qui est politiquement vrai aujourd’hui pouvant devenir faux demain, et vice-versa. S’il y avait une vérité politique, le président Gbagbo ne serait pas à La Haye, tandis que ceux qui ont bâti leur carrière politique sur le mensonge ambiant restent intouchables…pour le moment.

Au contraire de la vérité politique qui n’existe que contextuellement, il existe bien une vérité qui, elle, est intemporelle et finit toujours par se révéler: la Vérité de l’Histoire. Même si cette vérité a son propre temps d’incubation ou de maturation que personne ne peut déterminer à l’avance, certains événements actuels et d’un passé récent dans la vie des peuples et des nations, semblent indiquer que la Vérité de l’Histoire ne peut se dissimuler au-delà d’une génération de vie humaine, estimée en général à un quart de siècle. Sans prétendre ici dériver de ce constat une théorie tangible et établie, il me plaît simplement de prendre ici en soutien de mon propos, trois faits historiques majeurs qui ont en commun d’avoir duré 27 années dans le temps:

27 ans: mur de Berlin- combat de Mandela (paix à son âme) – règne de Compaoré

Dans l’imaginaire collectif, ces trois faits majeurs ont relevé pendant toute leur durée de
l’impensable, voire de l’impossible, tant les forces qui maintenaient ces vérités politiques momentanées étaient fortes. Mais par le jeu de l’ordre normal de la vie des nations, des actes banals d’individus ou de groupes, ont brutalement mis fin à cette impossibilité. Ainsi, Nelson Mandela a dû être libéré pour restaurer la Vérité Historique, à savoir qu’il se battait pour que Noirs et Blancs de son pays vivent libres, égaux et en paix sur la terre de leurs ancêtres. Le Mur politique qui a divisé l’Allemagne en deux, est tombé et la Vérité Historique s’est établie: il n’existe qu’une seule Allemagne forte et prospère. Plus récemment au Burkina, Compaoré a étouffé pendant 27 ans par la force brutale la Vérité Historique qui est qu’il n’a jamais été le choix du vaillant peuple Burkinabé mais qu’un usurpateur. Cette vérité s’est établie depuis le 31octobre 2014.

De petits esprits verront évidemment dans ces quelques lignes la suggestion que le président Gbagbo soit abandonné pendant 27 ans jusqu’à ce que la Vérité Historique éclate. Loin de moi cette intention. En tant qu’historien, Ggabgo sait certainement qu’en l’état actuel des forces politiques en présence, vouloir extorquer la Vérité sur les événements de 2010 en Côte d’Ivoire, relève de l’impossible…pour l’heure. D’où la nécessité pour ses partisans de changer radicalement de discours pour réaliser le double défis majeurs qui se présente à eux: sauver d’une part l’individu Gbagbo pour l’amour que la Cote d’Ivoire lui porte, et les acquis de libertés démocratiques qu’il a donnés à la Côte d’Ivoire entière, d’autre part.

Par Fabrice Goré
fabricegore@yahoo.fr
Militant, républicain ivoirien, Suisse

Commentaires Facebook

Les commentaires sont fermés.