Par Noël Kodia publié en collaboration avec Libre Afrique
Voici un autre ouvrage sur les relations franco-africaines publié en février 2014 aux éditions Fayard par Antoine Glaser, directeur de La Lettre du continent qui focalise son éditorial sur la géopolitique africaine. Un ouvrage qui pourrait se définir comme un complément de La Françafrique de François-Xavier Verschave publié en 1998.
Longtemps soumis aux diktats de la France, les dirigeants africains, grâce à l’ouverture d’autres puissances économiques sur le continent, ne respectent plus totalement les ordres qui viennent de l’ancienne métropole. Celle-ci collabore désormais, malgré elle, avec les dictateurs africains par stratégie politique et économique. Antoine Glaser, dans son document, spécifie quelques faiblesses de la politique actuelle de la France qui est obligée de négocier certains ordres avec quelques dirigeants africains dont elle ne peut plus s’en passer. Dans cet essai, les relations franco-africaines, particulièrement avec les ex-colonies, sont traitées sur les plans politico-économique et militaire.
Parmi les ex-colonies françaises, il y a des pays « vachement » riches qui sont devenus des chasses gardées depuis l’ère coloniale jusqu’à nos jours. Antoine Glaser analyse essentiellement ici chaque pays francophone au niveau des rapports que ceux-ci entretiennent avec la France. Devant la concurrence de certains pays européens et la montée en puissance de la Chine et d’autres pays émergents, la France est obligée de revoir ses relations avec ses ex-colonies auxquelles elle imposait ses exigences sans discussion. On voit par exemple l’Elysée se plier à la demande du Niger quand, après son coup d’Etat, Mahamadou Issoufou demande la revalorisation de son uranium exploité depuis 1960. Avec la chute du mur de Berlin et l’arrivée massive des Chinois sur le continent, la coopération franco-nigérienne va changer. L’aide du Niger dans la libération des otages d’Areva et de Vinci, oblige Hollande d’accepter ce que lui impose Mahamadou Issoufou pour ne pas perdre l’uranium nigérien : l’acceptation de la participation du Niger dans Areva à hauteur de 87%, une garantie sans faille pour le leader nigérien. Une autre matière première intéresse énormément la France : l’or noir. A ce propos, Glaser révèle les dessous des affaires du pétrole dans les relations entre la France et certains de ses ex-colonies qui le produisent comme le Gabon et le Congo qui connait la guerre de juin 1997 où l’implication de ELF est manifeste. Par l’intermédiaire de Total, la France dépend énormément des pays du golfe de Guinée. Antoine Glaser cite l’exemple du Gabon d’Omar Bongo stigmatisant pendant son règne la pauvreté de la France devant la richesse du Gabon. Si de son côté Sassou Nguesso apparaît comme le véritable patron des tours Elf et Bolloré à Paris à cause de tous les avantages qu’il donne à ses amis français, force est de constater que Dos Santos, qui n’est pas francophone, a fait plier la France dans l’affaire de Pierre Falcone poursuivi par la justice française. Devant les avantages qu’elle tire de l’exploitation du pétrole angolais, la France doit demander au président angolais un assouplissement de sa politique de visas à l’égard des expatriés du business français : une attitude qui explique le changement dans le rapport de force entre l’Afrique et la France. Les richesses du continent sont aussi convoitées par les autres puissances comme la Chine. Cette nouvelle donne économique oblige la France à protéger « militairement » certaines zones stratégiques sur le continent.
Antoine Glaser s’intéresse aussi aux nouveaux rapports entre la France et ses ex-colonies dans le domaine des accords de défense post indépendances. Avec la chute du mur de Berlin, finie la guerre froide, finie l’image colonialiste de Jacques Foccard. Plus d’interventions militaires pour remettre au pouvoir certains dirigeants déchus comme Léon Mba au Gabon en 1964 et le retour de David Dako au pouvoir en Centrafrique en 1779. Avant les indépendances et quelques années post 1960, la France garantie l’aide militaire à plusieurs Etats africains francophones. On trouve des bases militaires en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Pour ne pas commettre ses intérêts économiques et stratégiques sur le continent, la France est obligée de respecter les desiderata des Africains. Antoine Glaser nous révèle que, dans la crise malienne, Hollande se soumet aux ordres de Ouattara qui lui demande d’équiper l’armée ivoirienne en logistique pour aller au Mali. Toujours à propos du Mali, Hollande reçoit une grande aide militaire du Tchad. Aussi devient-il de plus en plus cordial avec Idriss Deby qui menace de mettre en cause l’opération Epervier qui aide Paris dans son déploiement au Mali. En position de force, le président tchadien s’impose devant son homologue français qui doit demander à Christine Lagarde du FMI d’arrêter les pressions sur le Tchad dans la gestion de sa manne pétrolière. En Afrique centrale, Hollande est l’obligé d’Idriss Deby et d’Ali Bongo : les bases militaires françaises du Gabon et du Tchad ont permis à Hollande de sécuriser la Centrafrique menacée par la Séléka. En diplomatie, Paris est parfois contraint de faire profil bas dans la résolution de certains problèmes délicats qui perturbent la politique française. Sept travailleurs d’Areva et de Vinci enlevés par un groupe d’al-Quaida au Maghreb islamique, sont libérés grâce au gouvernement nigérien. Au Cameroun, malgré son mutisme, Biya est adoubé par Hollande : sa diplomatie permet de libérer les otages détenus au Nigeria par Boko Haram .
Rédigé à partir d’entretiens de l’auteur avec quelques acteurs politiques français et africains, Africafrance annonce désormais une nouvelle ère des relations franco-africaines : la France n’impose plus aux Africains, mais devient, à certains moments, l’obligée de ceux-ci.
Noël Kodia, essayiste et critique littéraire
Article publié en collaboration avec Libre Afrique
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