Compaoré: les vraies leçons
Le 28 Octobre, les burkinabés ont entamé une manifestation populaire pour s’opposer à la révision constitutionnelle voulue par Blaise Compaoré. Révision qui avait pour but de modifier la constitution à son avantage afin de lui permettre de se présenter aux élections de 2015. Ce que les Burkinabés ont refusé. Et sous la pression de la rue, Blaise a perdu le pouvoir le jeudi 30 Octobre pour ensuite se retrouver comme réfugié en Côte d’Ivoire le Vendredi 31 Octobre. En tenant compte du principe démocratique qui oblige les chefs d’Etat à respecter la constitution que le peuple a votée, on pourrait donner raison aux populations qui se sont opposées massivement à cette volonté manifeste du beau Blaise de donner le mauvais exemple.
Mais au fond, n’est-ce pas le peuple burkinabé lui-même qui a poussé Blaise à vouloir modifier cette constitution pour se maintenir au pouvoir afin de se protéger et mettre à l’abri ses biens et ses proches? Lorsqu’on rumine constamment vengeance, lorsqu’on menace de le poursuivre à la CPI pour la mort de Thomas Sankara, du journaliste Norbert Zongo et de toutes ses autres victimes, une fois qu’il aura perdu le pouvoir, a quoi devrait-on s’attendre? Voulait-on que Blaise se fasse « hara kiri » ? Voulait-on que Blaise acceptât qu’on le juge pour l’assassinat de Thomas Sankara qui est lui-même venu au pouvoir par un coup d’Etat?
Voulait-on que Blaise, un bon mossi, acceptât de se laisser humilier une fois le pouvoir perdu? Voulait-on que Blaise lâche le pouvoir tout en sachant qu’il aurait pu être lui-même tué ou être contraint à l’exil par ses anciens compagnons qui ont des chances de venir au pouvoir? Quelles sont les garanties que l’on lui donnait? Quel sort
ses compagnons d’hier, qui constituent un gros contingent d’opposants, lui réservaient après qu’il ait abandonné le gouvernail du pays? C’est certainement cette angoisse du lendemain qui a poussé Blaise à vouloir s’accrocher au pouvoir. Ailleurs sur le continent, c’est la même inquiétude qui pousse certains dirigeants à cramponner au pouvoir comme des sangsues.
En effet, quand une personnalité accède à la magistrature suprême, c’est son peuple qui le déifie. C’est ce même peuple qui lui démontre que sans lui, il ne peut s’épanouir. C’est ce même peuple qui fait de lui son sauveur, son Dieu. Et le chef de l’Etat finit par croire en ces mensonges. Il finit par se convaincre qu’il est Dieu. Et quelques temps après, on vient lui démontrer qu’il n’est qu’un simple mortel et qu’il peut partir du trône. Pire, on lui réserve des sanctions extrêmes après la perte du pouvoir. On lui promet l’enfer et la pauvreté à vie. Et ayant vu le sort réservé à ses pairs après la perte de leur pouvoir, le beau Blaise s’est posé beaucoup de questions. Nous restons convaincus que si son peuple lui donnait toutes les garanties, quant à sa sécurité et à ses conditions de vie après la fin de son mandat, c’est certain que Blaise aurait pu revoir sa position à temps. Le cas Blaise doit servir de leçons aux africains. Apprenons à rassurer nos chefs d’Etat en exercice. Evitons de leur promettre l’enfer après l’exercice du pouvoir. Montrons leur qu’il y a une vie meilleure après le palais. Ainsi, nous réduirons le nombre de personnes qui s’accrochent indéfiniment au pouvoir par des artifices juridiques. La démocratie s’en porterait mieux.
Mamadou Traoré
L’Expression
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