Côte-d’Ivoire – du débat autour de l’asile politique au président Blaise Compaoré

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Par Pierre Soumarey Aly

L’asile politique est une longue tradition dans notre pays, et beaucoup d’Ivoiriens ont bénéficié également du statut d’exilés ou de réfugiés politiques à l’étranger, sans que cela ne suscite débat, ou ne soulève une émotion particulière. Il n’est pas nécessaire d’instruire un procès tant de l’histoire que de l’homme, pour procéder à un examen critique des conditions de séjour du Président Blaise Compaoré en Côte d’Ivoire, et de son statut à ce titre.

Les critères de droit commun, permettant d’octroyer ces différents statuts ne sont pas réellement codifiés dans la Loi interne Ivoirienne. Aussi, ils se rattachent aux conventions internationales, ratifiées par la Côte d’Ivoire, notamment la Convention de Genève du 28 juillet 1951, complétée par le Protocole de New York (dit aussi de Bellagio) du 31 janvier 1967, et plus spécifiquement celui accordé par le HCR dans le cadre de certaines dispositions définies par l’Assemblée Générale de l’ONU. Il s’agit par cet arsenal juridique d’organiser la protection et les conditions de séjour de ceux qui en bénéficient. Des protections complémentaires ou subsidiaires peuvent être mises en œuvre, si les craintes ou menaces encourues par l’intéressé, revêtent un caractère réel, personnel, actuel et un degré de gravité élevée. Rappelons aussi, qu’il s’agit au regard des conventions internationales et multilatérales qui lient la Côte d’Ivoire, d’une obligation d’État, lorsqu’elle est saisie d’une telle demande.

Cependant, l’avantage d’une règle de droit interne permet de donner à l’État, et non à un individu, en l’occurrence à un Chef d’État, la prérogative d’apprécier la situation du bénéficiaire, et le droit d’examiner les conditions ayant conduit à cette situation. Les critères définis par la Loi sont objectifs, et fixés d’avance, de manière impersonnelle. Le droit, c’est la volonté du peuple qui s’exprime à travers sa représentation nationale, qui légifère en sa place et lieu. C’est aussi, la souveraineté du pays qui s’affirme, par sa capacité de décider, choisir, et fixer des règles de séjour. C’est aussi son droit de contrôler sur ce qui se passe sur son territoire du fait de la présence de ces réfugiés politiques sur son sol. C’est une prérogative d’État et non celle d’un individu. C’est le principe de la dépersonnalisation et de la décentralisation du pouvoir et des centres de décision, dans un État moderne et démocratique. C’est enfin, adosser l’action politique, en pareil moment, au droit. Tout le monde y gagne in fine.

Pour revenir au Président Blaise Compaoré, nous constatons qu’il est redevenu un citoyen ordinaire, et que le statut de sa présence sur le sol Ivoirien, n’est pas défini par le droit Ivoirien. Dès lors, il apparait anormal, qu’il puisse jouir des mêmes droits et avantages que la Côte d’Ivoire accorde aux chefs d’État en exercice, lorsqu’elle les reçoit dans le cadre de ses relations politiques et diplomatiques. Il s’agit de relation d’État à État, à la charge du contribuable Ivoirien et pour l’intérêt de ce dernier. Ce n’est plus le cas du Président Blaise Compaoré, qui est accueilli en frère, beau-frère, et ami, même si l’on peut aisément présumer de son statut de réfugié politique, nécessitant une protection particulière. C’est le principe de la séparation entre relations d’État, et relations privées et personnelles.

Les avantages protocolaires et honorifiques, dont jouissent les Anciens Chefs d’État ne se justifient pas nécessairement sur une base statutaire ou réglementaire, ils relèvent du respect du à celui qui, à un moment donné, a incarné la plus haute institution d’un État, et l’a représenté au plus haut niveau à l’extérieur. Aussi, cette pratique est constante en Côte d’Ivoire et ailleurs également. Dès lors, le Président Blaise Compaoré peut jouir de considération et d’égards, de la part de la Côte d’Ivoire, sans y ajouter une dimension personnelle ou historique. La Côte d’Ivoire n’a pas à s’ingérer dans les affaires internes du Burkina-Faso, en prenant partie pour l’un contre l’autre, ou à juger du bien fondé ou pas, des évènements qui s’y sont produits.

Toutefois, la limite à cette considération, est posée par les principes de la République, au sens étymologique du mot, au sens de chose publique. Les biens matériels mis à la disposition de l’ancien président sont actuellement des biens publics. Cela pourrait changer dans le futur, mais pour l’instant c’est le cas. Or, parmi eux se rangent des symboles de la République, tel que le Palais des hôtes de Yamoussoukro. Autant dire que le principe de son accueil privé n’est pas un problème. Ce sont les conditions du séjour qui peuvent en poser, tant qu’il sera logé dans les espaces de la vie Publique et de la République, et que ses activités sur le sol Ivoirien ne seront pas encadrées par des règles de droit interne.

La récupération politique de l’évènement, tant de la part du Pouvoir (reconnaissance historique et amitié personnelle) que de celle de l’opposition et de ses démembrements (responsabilité historique et solidarité idéologique au mouvement social Africain) est mal venue, dans une Côte d’Ivoire encore fragile, qui se relève difficilement de l’épreuve. Ni elle, ni son hôte, en ont besoin. Revenons au principe simple de la neutralité de l’État et renforçons le droit, pour éviter de manquer de boussole, devant des situations inédites, comme celle-là. Pour le reste, le séjour ne fait que commencer, donc nous n’ayons pas assez de recul pour en juger. Les exigences avancées ici et là, ne répondent pas aux exigences du droit. Il y a t-il un principe supérieur au droit ?

SOUMAREY PIERRE AlY

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