Le 7 novembre des colonnes blindées françaises, en provenance du nord de la Côte d’Ivoire, descendent sur Abidjan avec une consigne d’ « ouverture du feu sur toute personne qui empêcherait de passer, civil ou militaire » [note 7].
Dix ans après la mort de neuf soldats français et d’un civil américain, qui entraînèrent des représailles sanglantes de l’armée française sur la population ivoirienne, avec une soixantaine de morts et plus de deux mille blessés, l’association Survie rappelle que l’impunité reste totale dans cette affaire et que le mensonge d’État demeure la règle. Survie, qui publie un dossier spécial rassemblant les faits établis et recensant les nombreuses zones d’ombre qui subsistent, exige que toute la lumière soit enfin faite, par la déclassification d’archives et l’ouverture d’une enquête judiciaire sur ce crime néocolonial majeur.
Le 6 novembre 2004, deux avions de l’armée ivoirienne pilotés par des mercenaires bombardent un camp de l’armée française à Bouaké, tuant 9 soldats français et un civil américain. En représailles, l’armée française détruit la flotte aérienne ivoirienne. Les partisans du président Laurent Gbagbo, craignant une tentative de renversement par la France, descendent dans les rues d’Abidjan. Quatre jours durant, l’armée française mène une véritable opération militaire, dont les victimes seront essentiellement civiles [note 1], une soixantaine de morts et plus de deux mille blessés.
Consécutivement aux plaintes des victimes françaises du bombardement de Bouaké et de leur famille, le bombardement du 6 novembre 2004 (Affaire de Bouaké) est l’objet d’une instruction toujours en cours, depuis bientôt dix ans. Malgré le secret défense systématiquement opposé aux juges [note 2], cette instruction montre que « les mercenaires et leurs complices, identifiés comme auteurs de ce crime avaient été libérés sur instruction ou avec le consentement des autorités françaises » [note 3].
Immédiatement après le bombardement de Bouaké, l’armée française détruit les aéronefs ivoiriens et prend le contrôle de l’aéroport d’Abidjan. Répondant aux appels des partisans du président Laurent Gbagbo, le soir du 6 novembre, des milliers de manifestants se dirigent vers l’aéroport et le camp militaire français voisin. Pour contrer les manifestants, les appareils du 6e Régiment d’hélicoptères de combat effectuent des « tirs sélectifs sur les ponts d’Abidjan interdisant l’accès de la zone à la foule » [note 4,5], des soldats français postés sur des chars tirent à balles réelles et lancent des grenades, et des mines auraient même été disposées aux abords du camp français [note 6].
Le 7 novembre des colonnes blindées françaises, en provenance du nord de la Côte d’Ivoire, descendent sur Abidjan avec une consigne d’ « ouverture du feu sur toute personne qui empêcherait de passer, civil ou militaire » [note 7]. Ces passages en force à la mitrailleuse des barrages érigés dans chaque village ou presque font de nombreux morts, dont le journaliste ivoirien Antoine Massé [note 8]. On comptabilise alors « plus de trente morts et cent blessés côté ivoirien », selon le président de l’Assemblée nationale [note 8 bis].
La nuit, les blindés français se postent devant la résidence du Président ivoirien, alimentant les rumeurs de coup d’État dans la population à l’époque et parmi les connaisseurs du dossier aujourd’hui [note 9]. Finalement, les blindés français s’installent à l’hôtel Ivoire, qui du haut de sa tour domine Abidjan, à quelques centaines de mètres de la résidence présidentielle. Confrontés à des centaines de manifestants, hostiles mais désarmés, qui se sont rassemblés les 8 et 9 novembre, pour faire rempart et exiger le retrait des militaires français, ces derniers ouvrent le feu et commettent un nouveau massacre, faisant des centaines de blessés et sept morts [note 10].
Dix ans après les faits, l’enquête sur l’Affaire de Bouaké semble au point mort – sinon enterrée. Malgré une expertise balistique accablante [note 11], rien n’a été fait en France pour faire la lumière sur les crimes imprescriptibles commis par l’armée française dans les heures et les jours qui ont suivi le bombardement de Bouaké. Ainsi malgré les demandes de Survie, mais aussi d’autres associations comme la Ligue des Droits de l’Homme et la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, malgré quatre propositions de résolution visant à créer une commission d’enquête parlementaire [note 12], les autorités françaises restent sourdes aux demandes d’éclaircissements sur l’intervention française en Côte d’Ivoire.
L’association Survie demande :
· Au Président et au gouvernement, la déclassification complète des documents liés aux événements de novembre 2004 en Côte d’Ivoire ;
· Au Procureur du pôle crimes contre l’humanité et crimes de guerre du Tribunal de grande instance de Paris, de déclencher d’une enquête sur les crimes imputés à l’armée française sur des civils en Côte d’Ivoire durant le mois de novembre 2004 ;
· Le retrait de l’armée française d’Afrique.
Plus de détails sur le déroulement de ces événements et leur analyse :
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