Par Dr Serge-Nicolas NZI, Chercheur en communication
Le gouvernement ivoirien par un communiqué laconique, vient de nous apprendre que le tueur froid de Ouagadougou, est venu se cacher dans le pays qu’il avait hier contribuer à mettre à feu et à sang. Les Baoulés disent quand le singe rentre dans un trou c’est qu’il n’a plus d’alternative. Faut-il avoir de la pitié pour lui et ses compagnons d’infortune ?
Non, ils sont les assassins de Thomas Sankara, et dans ce cas pas de pitié pour les salopards. C’est le titre d’un excellent western dont le beau Blaise Compaoré s’en souvient certainement.
L’asile politique est la protection qu’un pays accorde à une personne persécutée dans son pays d’origine.
La Côte d’ivoire a souvent accordé l’asile à des ressortissants de pays voisins qui étaient en rupture avec les autorités de leur pas. L’histoire humaine nous donne des leçons pour nous éviter de commettre les mêmes erreurs. Erreurs d’appréciation, de jugement et surtout de décision.
Aussi bizarre que cela puisse paraître, Le premier chef d’Etat africain à trouver l’asile politique en Côte d’Ivoire, fut l’ancien président togolais Nicolas Grunitzky. Déposé par le coup d’Etat militaire du 13 janvier 1967 d’un certain Sergent Etienne Eyadema. Il meurt en exil à Paris le 27 septembre 1969, après un accident de la circulation.
Le second asile politique de longue durée que la Côte d’ivoire accorda à un homme politique, fut concédé à l’homme à la barbe biblique, le chef des sécessionnistes biafrais le Général Emeka Odumegwu Ojukwu, le 15 janvier 1970, après l’immense tragédie de la guerre du Biafra. Son exil durera six ans puisse que pour renforcer la réconciliation et la concorde nationale, il fut pardonné par son pays et y retourna dans sa ville natale d’Enugu où il mourut le 26 novembre 2011 à l’âge de 78 ans.
Au milieu des années 1980 précisément en 1984 Maurice Yaméogo le premier président de l’ancienne Haute Volta, vivait en permanence à Abidjan, il n’avait pas fait de demande d’asile politique mais bénéficiait de la protection de son ami le président Félix Houphouët-Boigny. Il avait connu l’humiliation, des déboires judiciaires, la résidence surveillée et deux tentatives de suicides depuis son renversement par un soulèvement populaire le 3 janvier 1966. Dans ce cas précis le président Houphouët-Boigny voulait aider et protéger avec les moyens de l’Etat ivoirien un de ses anciens amis du RDA.
Jean-Bedel Bokassa, avait aussi bénéficié de l’asile politique en Côte d’Ivoire, après sa chute de son fauteuil d’Empereur centrafricain dans la nuit du 20 septembre 1979. Il y résida pendant quatre ans avant de retourner en France puis à Bangui pour affronter ses déboires judiciaires et la mort le 3 novembre 1996.
Le président Hamani Diori du Niger, avait vécu brièvement à Abidjan à sa sortie de prison en 1987, avant de s’installer au Maroc où il meurt le 23 avril 1989 à Rabat.
Cette liste ne prend pas en compte tous les cadres, ministres et hauts fonctionnaires en disgrâce dans leur pays et qui ont reçu gite et couvert en Côte d’Ivoire. Nous tenons à mentionner et cela n’est pas contesté par tous ceux qui ont travaillé avec le président Félix Houphouët-Boigny. Que tous ces amis du RDA, qui étaient en difficulté dans leur pays d’origine recevaient tous les mois une pension que la présidence ivoirienne leur versait pour leur permettre d’avoir une vie décente.
Du président Hubert Maga, au président Soglo en passant par le président Zinssou et Sourou Migan Apity au Benin. Du présent Moctar Ould Dada de Mauritanie, à la famille de Modibo Keita, de Mamadou Konaté, au Mali à la famille de Mamadou Dia au Sénégal, à la veuve Andrée Sékou Touré, nous ne mentionnons même pas de nombreux guinéens dont la présence provoqua la rupture temporaire entre leur pays et la Côte d’ivoire, bref la liste est longue.
La condition de l’Hospitalité
Le président Houphouët-Boigny prenait toujours l’engagement devant le gouvernement du pays d’origine du requérant, l’assurant que la Côte d’Ivoire ne sera pas utilisée comme base de subversion contre un pays africain frère. Sur ce point lors du colloque international sur la guerre du Biafra, à Genève en avril 2000, le général Yakubu Gown, avait affirmé dans sa communication, qu’il avait demandé expressément au président Houphouët-Boigny, de veiller personnellement qu’Ojukwu reste en Côte d’Ivoire, car il avait la certitude que la Côte d’Ivoire ne lui permettra pas d’entreprendre quoi que ce soit contre le Nigeria.
Dans le cas actuel de la présence de Blaise Compaoré, en Côte d’Ivoire. Nous sommes en présence d’une situation qui embarrasse deux pays voisins. L’armée Burkinabè avait formé, entrainé et équipé la rébellion qui a ensanglanté la Côte d’Ivoire de septembre 2002, avant de porter Allassane Ouattara au pouvoir en avril 2011.
Le fait de le recevoir avec tous les égards à Yamoussoukro à quelques heures de route de la frontière avec le Burkina Faso, pays dont Ouattara est originaire pose le problème de l’avenir des relations entre les deux pays et même des projets conçus par les deux hommes pour aller vers une intégration politique et économique entre les deux pays.
Compaoré est-il de passage en Côte d’Ivoire ou va-t-il s’y installer durablement à la Duvalier ? Le gouvernement ivoirien, dans ce cas de figure ne doit-il pas un minimum d’explication à l’opinion publique. Dans le cas de Bokassa, le Bureau politique du PDCI-RDA, parti unique avait publié un communiqué, pour préciser le caractère humanitaire par fidélité aux valeurs chrétiennes et aux traditions qui fondent la grande famille africaine.
Dans le cas de Blaise Compaoré, c’est un criminel, si les nouvelles autorités du Burkina Faso, déposent une demande demain de son extradition afin de le juger pour tous crimes dans son pays, on fait quoi ? L’armée ivoirienne est-elle prête à tirer sur les ivoiriens en cas de manifestations hostiles à sa présence chez nous ? Le communiqué laconique du gouvernement ivoirien n’a rien réglé au contraire il pose des problèmes qu’il faut maintenant affronter s’il veut garder Compaoré et ses proches en Côte d’Ivoire.
Postulat de conclusion
Si la Côte d’Ivoire doit accorder l’asile politique au tueur froid de Ouagadougou, cela doit se faire dans des conditions claires qui n’affectent pas les relations entre les deux pays. L’avenir de Baise Compaoré n’est pas au dessus des relations entre le Burkina-Faso et la Côte d’Ivoire.
Compaoré peut s’il le désire se rendre en France car son épouse Chantal Terrasson a la double nationalité ivoirienne et française. Cela mettra tout le monde à l’aise car le gouvernement français ne s’y opposera pas à une situation juridique de cette nature. La dernière question qu’il faut se poser sur le cas compaoré, c’est : est ce que la colère populaire et le coup d’État pouvait être évité ? La réponse est oui, pourquoi tous les appels à la raison et à un dialogue constructif avec l’opposition ont-ils échoué ?
La réponse est devant nous. L’arrogance, le mépris, la suffisance et la certitude de soit. C’est une maladie chez les gens de pouvoir. De Ferdinand Marcos aux Philippines, de Mohamed Reza Pahlavi en Iran, en passant par Mobutu et son Zaïre, à Moussa Traoré au Mali à Ben Ali en Tunisie. C’est l’aveuglement qui l’emporte toujours pour conduire les dictatures à leur propre perte.
Pourquoi Compaoré n’a-t-il pas renoncé à la modification constitutionnelle de l’article 37 de la constitution de son pays ? La réponse est simple, l’argent, le président du Faso était en réalité un affairiste. Il a soutenu l’Unita angolaise du Dr Jonas Madhero Savimbi pour de l’argent et des diamants, il a soutenu Charles Taylor et les rebelles sierra léonais du Front révolutionnaire unie pour la même raison.
Il a soutenu la rébellion ivoirienne de Soro Guillaume pour de l’argent, le cacao, le café et coton ivoiriens exportés via le port de Lomé était une affaire florissante pour ses proches sans compter les comptoirs de diamants qui ont pion sur rue à Ouagadougou. Il jouissait de plaisir et de bonheur de voir les autres se battre pour qu’il tire les marrons du feu.
Le casse du siècle à Bouaké avec l’argent de la BCEAO dont son pays disait-il n’était pas concerné. Mais dont-les pillages ont révélé qu’une partie de cet argent était chez ses proches à Ouagadougou. Tout cela provoque chez nous un profond dégout.
Dégout pour l’homme sans cœur capable de tuer sans remord ses propres amis. Dégout pour le politicien sans envergure incapable de lire son propre avenir dans son présent. Dégout pour le sang et la dictature criminelle qu’il avait instauré dans son pays. Dégout pour la lâcheté et la fuite face à sa propre forfaiture. Dégout du choix de venir se cacher dans le pays qu’il avait contribué à mettre à feu et à sang hier encore et après toutes honte bue. Tel est le visage d’un Compaoré hagard et hébété, qui voyait dure comme fer que l’exil était pour les autres.
Finalement est-il de son intérêt à s’exiler en Côte d’ivoire ? Nous répondons à cette question par un non clair et net. Pour sa propre sécurité il doit partir du pays des éléphants vers une autre destination. Car en cas de troubles graves son lieu d’habitation sera pris d’assaut part la foule en colère et les familles des victimes de son soutien à la rébellion qui avait endeuillé la Côte d’ivoire. En politique les alliances se font et se défont en permanence, si demain Ouattara n’est plus président la possibilité de le remettre à la justice de son pays est une alternative à ne pas écarter dans cette sous région en ébullition qu’est l’Afrique de l’Ouest.
Mais plus grave, la proximité avec le Burkina voisin l’expose à un attentat possible de tous ces ennemis. C’est ici que nous voulons lui rappeler ce qui est arrivé à un autre dictateur en Amérique latine au cas où il oublierait dans quel monde nous vivons.
– En Amérique Latine le cas qui nous intéresse et nous le soumettons volontiers à la l’attention du tueur froid de Ouagadougou, est celui d’Anastasio Somoza Debayle. De la dictature héréditaire du Nicaragua comparable aujourd’hui à celle du Togo de la Compagnie Eyadema et fils. Les violations répétées des droits de l’homme, le pouvoir oppressif et les exactions de la garde nationale somoziste provoquent une guerre civile entre septembre 1978 et son éviction le 17 juillet 1979.
Il fuit chez ses amis américains à Miami en Floride dans un premier temps, avant d’obtenir ensuite l’asile politique au Paraguay, il se croit sauver, c’est mal connaître la colère des déboulonneurs nicaraguayens. Le matin du 17 septembre 1980, dans une rue d’Asunción, sa voiture est détruite au lance-roquette par un commando spécial nicaraguayen. Les tyrans ne doivent pas mourir toujours dans leur lit, ce serait trop beau et trop facile.
Son corps fut criblé de 84 balles, son visage était méconnaissable, les membres du commando furent accueillis dans une allégresse populaire à Managua et le gouvernement sandiniste de libération nationale revendiqua par la voix de son ministre de l’intérieur le commandant Eden Pastora Gomez, la paternité de l’attaque. Voilà ce que c’est qu’un gouvernement qui sait prendre ses responsabilités face à ce qui reste d’une dictature bestiale et criminelle. L’actuel gouvernement Burkinabè peut recourir tranquillement à cette méthode dans un pays voisin pour en finir avec son ancien dictateur. Voilà pourquoi Compaoré n’a pas intérêt à exposer femme et enfants à une vendetta possible de son pays d’origine.
Finalement Compaoré a eu de la chance dans les quarante huit heures de colère et d’ivresse populaire. Nous voulons lui faire don ici du sort qui fut réservé à un traitre et combinard de la pire espèce semblable à Blaise Compaoré. Nous voulons évoquer ici
La fin de vie malheureuse de celui dont la félonie fut le tombeau : Noury Saïd
La félonie est le contraire du courage et de la lucidité en politique, tous ceux qui pensent diriger leur propre pays au bénéfice d’une puissance étrangère doivent se rappeler qu’ils sont sur le chemin impardonnable de la traitrise qui est une forfaiture. Pour clore ce chapitre nous voulons rapporter à tous ceux qui trahissent les masses africaines dans leurs quêtes de liberté, de bonheur et de justice sociale. Nous leur faisons simplement don ici de l’histoire de Noury Saïd.
– Né dans une famille riche, Noury Saïd, avait fait ses études à l’académie militaire d’Istanbul. Opportuniste jusqu’au bout des doigts, il tomba entre les mains des anglais quand ils occupèrent Bassora pendant la première guerre mondiale. Il leur offrit ses services, c’est le propre des traîtres, comme Compaoré. Ils sont les mêmes partout. Quelque mois plus tard, on le trouvait auprès du fameux colonel Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom de : Lawrence d’Arabie, fomentant « la révolte arabe contre les ottomans entre 1916 et 1918 ».
Les anglais le mirent à la disposition de Faysal, fils du Chérif de la Mecque, qui devint en 1921 Roi d’Irak. Dès 1930 sur la pression de Londres, il devenait premier ministre d’Irak et pourtant il n’est pas irakien, l’histoire se répète partout vous pouvez être premier ministre d’un pays dont vous n’êtes pas le ressortissant. Poste qu’il devait occuper pendant une longue période. Piètre orateur, parlant mal l’arabe, il détestait le Président égyptien Gamal Abdel Nasser qui l’accusait ouvertement d’être un agent au service de l’intelligence service britannique.
Les masses irakiennes le détestaient et priaient pour son malheur dans les mosquées. Car dans la réalité, Il dirigeait et orientait le gouvernement irakien dans le sens des intérêts Britanniques, c’était un traite et un félon. Lors de la révolution irakienne du général Abdel Karim Kassem le 14 juillet 1958, qui met fin à la monarchie en Irak, Noury Saïd, tenta de fuir en se déguisant en femme, mais reconnu il fut abattu. Son corps traîné dans la ville de Bagdad provoqua la joie et les applaudissements de la population et celles des déboulonneurs en liesse.
Il fut jeté sous des voitures jusqu’à l’aplatir et à le rendre méconnaissable. Telle était et est toujours la haine des masses, contre la dictature criminelle, la traîtrise et la félonie politique que nous connaissons au quotidien dans ce vaste tiers monde dont nous sommes les fils.
Nous n’approuvons pas ces méthodes macabres et expéditives, mais la corruption, les exactions, la méchanceté criminelle, la félonie et la traîtrise se paient au prix fort, car très souvent, elles ne laissent pas d’autres choix aux foules enragées de douleurs et de souffrances, qui du jour au lendemain, brisent les chaînes de l’oppression et de la servitude. Ouagadougou vient de nous offrir une belle illustration de cette affirmation dans ces derniers jours d’octobre 2014.
Que tous ceux qui acceptent aujourd’hui encore d’être les agents des intérêts l’étrangers, ceux qui choisissent le chemin de la félonie, du crime et de la traîtrise contre leur peuple et leur propre pays se souviennent du sort que la foule en colère, des déboulonneurs et la rue avaient réservé à Noury Saïd, dans l’après midi du lundi 14 juillet 1958, dans Bagdad en liesse.
Toi qui a offert un torrent de sang et de larmes à ton peuple, toi qui en ces heures sombres a fait le choix courageux de cette fuite que tu n’avais même pas accordée à tes victimes, nous croyons que tu as compris le fond de notre pensée afin de réapprendre à vivre sur cette terre dans le bien et le pardon de tous.
Merci de ton aimable attention
Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en communication
Lugano (Suisse)
Tel. 0041792465353
Mail : nicolasnzi@bluewin.ch
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