PRAO Yao Séraphin
Les présidents Africains ont une grande responsabilité dans le sous-développement du continent. Pour mieux jouer au funambule entre les solutions extrémistes ou ineptes qui recherchent trop souvent des boucs émissaires entre groupes sociaux ou entre nations, on oublie de nommer les bourreaux de l’Afrique. On ne peut plus rendre la seule immixtion étrangère responsable des maux de l’Afrique. Certains présidents africains arrivent au pouvoir par des voies obliques et refusent de partir le plus souvent dans la paix. C’est le cas de Blaise Compaoré que les Burkinabés viennent de chasser du pouvoir dans la honte. Notre présente réflexion s’adresse aux chefs d’Etats africains corrompus qui retardent le développement.
La gestion patrimoniale du pouvoir
En Afrique, les chefs d’Etats se comportent le plus souvent comme des rois. Ils ne sont pas au service des populations mais plutôt le contraire. Ils décident de tout, même de la date à laquelle ils quitteront le pouvoir. La longévité du pouvoir, l’articulation des différents comportements autour du pouvoir, les ambiguïtés qui existent parfois dans les discours, témoignent résolument, de la complexité des pouvoirs politiques usés. Refusant parfois de quitter le pouvoir démocratiquement, ils deviennent progressivement des monarques. En Afrique, ce rêve de pouvoir illimité a maintenu les anciens rapports sociaux du monopartisme, conduisant, ainsi, à l’illusion d’un pouvoir politique héréditaire et l’illusion de nation démocratique. Il se passe, donc, en Afrique, un conflit entre « l’ordre ancien », qui puisait ses excuses dans les sociétés traditionnelles africaines, où le pouvoir est absolu, non partagé et non critiqué, et « le nouvel ordre » qui est l’aventure dans le temps et l’espace et les libertés fondamentales.
Une fois au pouvoir, les chefs d’Etats en Afrique ont un seul objectif : enrichir leurs familles et leurs clans. Des actes qui ne sont pas de nature à faire disparaitre les frustrations et les sentiments d’exclusion qui expliquent, en partie, le recours aux armes comme moyen d’alternance à la tête des pays.
Pourquoi les dirigeants africains sont issus de cette « race » d’hommes dont la course à l’enrichissement illicite est devenue une addiction ? La poursuite de cette nébuleuse idée n’est en réalité qu’un jeu à somme nulle. Dans cette équation, la pauvreté des masses devient nécessaire pour l’enrichissement de quelques-uns, et la corruption du pouvoir politique, l’unique moyen d’y parvenir.
Du coup, l’Afrique a souffert d’une gestion défectueuse des décennies durant, pendant lesquelles ses ressources, au lieu d’être exploitées au bénéfice de sa population, sont devenues une source de détresse. Assis sur un trésor, les peuples africains commencent un nomadisme sans précédent. Ces ressources sont non seulement gaspillées par des gouvernements incompétents mais encore détournées par des autorités corrompues.
La tyrannie des présidents à vie
Au lendemain des indépendances, le vent de la liberté qui a soufflé sur le continent africain s’est vite estompé avec l’apparition de satrapes au pouvoir. Les Etats, devenus aujourd’hui adultes, ont toujours à leur tête des dirigeants dont la gestion est lapidaire. Ces leaders corrompus et avides de pouvoir ne ménagent aucun effort pour s’éterniser à leur poste une fois élu. Au cours des trois années qui viennent, la question va se poser notamment pour Lucas Pohamba de Namibie (fin de mandat en novembre 2014), Pierre Nkurunziza de Burundi (juin 2015), Jakatya Kikwete de Tanzanie (octobre 2015), Thomas Boni Yayi du Bénin (mars 2016), Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville (juillet 2016), Joseph Kabila de la RDC Congo (décembre 2016), Paul Kagame du Rwanda (juillet 2017), Ellen Johnson Sirleaf du Liberia (novembre 2017) et Ernest Koroma de Sierra Leone (2017). Le cas Blaise Compaoré du Burkina Faso (novembre 2015) ne se pose plus puisqu’il a été magistralement chassé du pouvoir. Il faut rappeler que Blaise Compaoré voulait modifier la constitution à travers un référendum en vue de briguer un nouveau mandat. Or, fondamentalement, la Constitution traduit la vision qu’a une société d’elle-même et de son avenir. Elle définit les principes et les idéaux qui président à la configuration des pouvoirs et les conditions juridiques régissant son développement. A ce titre, les textes constitutionnels jouent un rôle primordial dans cette vaste entreprise de construction de la nation dans laquelle les nouveaux pays d’Afrique sont aujourd’hui engagés. D’ailleurs, la plupart des constitutionnalistes estiment que les changements faciles et intempestifs de la Constitution créent une instabilité institutionnelle, mettant à mal l’Etat de droit et la démocratie.
En côte d’ivoire, nous trouvons également les germes de cette caporalisation du pouvoir. Le président Ouattara s’accommode d’un code électoral qui lui donne les pleins pouvoirs sur le processus électoral censé être mené de façon indépendante. Il manigance pour contrôler tout le processus électoral et empêcher le jeu démocratique.
L’avenir du continent dépend des peuples africains
En vérité, les chefs d’Etats africains (les corrompus) n’aiment pas leur peuple et sont responsables de nos malheurs. Comment prétendre aimer son peuple quand on ne vit pas la réalité quotidienne de ses administrés. Du système de santé au système éducatif, ces chefs d’Etat n’assurent pas les besoins élémentaires de leurs populations. Comment améliorer le système de santé quand leur moindre mal est soigné dans les hôpitaux occidentaux ? Comment améliorer le système éducatif quand leurs enfants sont depuis la maternelle inscrits dans les écoles occidentales ? Comment lutter contre l’inflation quand ils font leurs emplettes dans les supermarchés occidentaux ? Comment prétendre aimer son peuple quand sa résidence principale se trouve en occident et la secondaire dans son pays ? Le temps est venu de rompre avec cette déification de la richesse matérielle et avec les abus qui appauvrissent les populations et empêchent notre continent d’accéder au développement économique.
Comme le rappelait le Président Thabo MBEKI « L’Afrique n’a pas besoin non plus de gangsters qui gouvernent en usurpant le pouvoir par des élections frauduleuses, ou en l’achetant par des pots-de-vin et la corruption. Les voleurs et leurs complices, les corrupteurs et les corrompus sont africains comme vous et moi. Nous sommes le corrupteur et le courtisan qui agissent de concert pour avilir notre continent et nous avilir nous-mêmes. Le temps est venu de dire : ça suffit ! D’agir pour bannir la honte et d’être les hérauts de la renaissance africaine ».
Ce que chaque africain doit demander pour son pays, c’est son droit à une vie honorable, à une dignité sans tache, à une indépendance sans restriction.
Conclusion
Aux dirigeants africains, dont la corruption et l’amour du pouvoir ont endurci les cœurs, la révolte des peuples reste la punition ultime et utile. Ayez à l’esprit à chaque instant que l’histoire ne se reproduit jamais à l’identique car les mentalités et les hommes changent et évoluent. A cette génération de dirigeants à l’esprit tourné vers l’enrichissement illicite, le moment est venu d’abandonner cette œuvre sordide et à œuvrer pour le bien-être de vos populations. Vous qui reprenez en échos les couplets des cantiques des instances internationales comme alibi pour appauvrir vos populations, écoutez les sirènes du changement. Vous qui obéissez au doigt et à l’œil à vos maîtres à penser en vous constituant en servile exécutant des plans machiavéliques, le moment est venu de renoncer à ce premier amour. Dans la fonction tribunitienne qui est la sienne, le peuple se battra toujours afin que ce qui est devenu votre panière et bannière soit votre croix.
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