Côte d’Ivoire – Vertu d’un sous-chef et guerriers au repos ! (Shlomit Abel)

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Shlomit Abel, 24 octobre 2014

Hier paraissait un texte fort élogieux sur Mr Daniel Kablan Duncan, apparemment victime d’une cabale injuste montée contre lui par d’ingrats ivoiriens. Ce texte, d’abord paru sur le mur FB de Joël Touré, journaliste à l’Intelligent d’Abidjan, avant de devenir la prose d’un profil intitulé « Le Premier Ministre de la Côte d’Ivoire », personnage collectif, nous revient maintenant sous la signature de Yao Noël grand professionnel du journalisme, autrefois très apprécié, au delà même de son lectorat PDCI, reconverti en Conseiller spécial auprès du premier Ministre, mais qui, selon le commentaire d’un internaute lisant l’article, « n’est plus ce qu’il était ».

Et pour cause ! Quel que soit l’auteur de cette contribution, ce qui saute aux yeux, c’est qu’elle relève de préoccupations bassement alimentaires : on écrit, non pas pour dire la vérité, ou du moins relater le plus objectivement possible certains faits, mais parce qu’il faut bien manger, et que la flatterie est encore une denrée monnayable dans ce pays : face aux nombreux scandales qui ébranlent l’édifice gouvernemental, les tenants du pouvoir ont tout intérêt à faire momentanément transiter leur propagande par la plume de vrais journalistes, « déclassés » jusque-là au profit des seuls rattrapés, mais pourvus, eux, d’un vrai talent. La nouvelle information spectacle des médias aux ordres les avait, dès le 11 avril 2011, balayés du devant de la scène, pour faire place à la Com – entendez « Comédie » – de super ministres, tellement différents des “corrompus” de la Refondation ! A ces héros de l’après-Gbagbo, fiers à bon droit de n’avoir été choisis que pour mieux brader la CIV aux intérêts du grand capital étranger, fiers de se laisser guider dans leurs choix, non par l’intégrité, la consécration et le souci du petit peuple – autant de vertus désuètes du “méchant” Laurent –, mais par le goût du lucre, il fallait alors une presse sur mesure, recrutée dans les bas-fond de la médiocrité.

Aujourd’hui, usure aidant, ce sont les élites journalistiques de l’ère Gbagbo qui se rallient à la cause, ou plutôt à la chose – « Cosa Nostra » – du palais, volant au secours de ces grands initiés de la vie de château, obsédés par le souci légitime d’imiter les gangsters occidentaux, leurs maîtres en vie facile et profits magiques. Et voilà nos Ali Baba et 40 affidés de la Côte d’Ivoire des mille et une nuits, forts de tels panégyriques, encouragés à ne plus quitter leurs suites luxueuses, à prolonger leurs beuveries au champagne, entourés d’assistantes aux doigts effilés, virtuoses du clavier d’ordinateur en présence des collaborateurs de leur chef, avant d’exercer loin des regards cette virtuosité sur le chef en personne, et là, plus besoin d’ordinateur…

Dans son éloge dithyrambique du Premier Ministre, injustement attaqué pour quelques millions de francs évanouis, alors qu’il se voue corps et âme à cette tâche ingrate et difficile, notre journaliste excelle dans l’art de louer un homme sur le point de se tuer à la tâche, volant de congrès en congrès, discourant d’économie toute la journée, mais il s’abstient soigneusement d’évoquer tous les trous de l’actualité ivoirienne : trous budgétaires, trous dans la chaussée, trous criblant les corps d’innombrables victimes, et dont les assassins courent toujours, quand ils ne caracolent pas dans les allées du pouvoir.

Non, Monsieur le journaliste, ce n’est pas parce que quelqu’un fait bien son travail qu’il a raison de dépenser 120 millions de plus que le budget prévu – là où un dépassement de 10% aurait déjà frisé de seuil de l’admissible –, alors que nous en sommes à comptabiliser chaque semaine les gaspillages, les détournements, les « erreurs » dans la gestion du budget. Si Daniel Kablan Duncan était un premier ministre irréprochable, comment pourrait-il ne pas se sentir responsable des ministres qu’il dirige ? Comment pourrait-il admettre que ses subordonnés abusent ainsi de la situation ? A supposer même qu’il dispose de la baguette magique permettant de réparer, rien que d’un claquement de doigts, les dégâts causés par une telle gabegie, aurait-il le droit de couvrir des entorses aussi graves à la simple morale ?

Autre argument de notre gratte-papier : la confiance du “patron” à l’égard de son PM serait un gage de sérieux ! Demandez donc à la plus grosse moitié de la Côte d’Ivoire, celle qui n’a pas voté pour Ouattara en 2010, si elle fait lui confiance aujourd’hui ! Et si, à plus forte raison, elle est prête à faire confiance à ses amis de la rébellion ! Les économistes les plus en vue des nations occidentales en banqueroute auront beau le plébisciter, le “maître” économiste Ouattara n’engendrera aucun disciple digne d’être retenu par l’Histoire, pas même le PM Duncan Kablan, en dépit de sa belle prestance. L’expérience internationale n’a pas transformé le diplômé travaillant au département des ressources humaines du FMI en un génie sur le terrain ivoirien.

Antoine Bohoun Bouhabré, tout au contraire, fera des émules, des disciples, il aura une descendance, en Côte d’Ivoire et dans toute l’Afrique de l’Ouest, parce qu’il a obtenu des résultats là où les diplômés avaient échoué. Sa vie s’est achevée misérablement, tout cela parce qu’un Economiste médiocre a préféré le sacrifier sur l’autel du profit, plutôt que de lui permettre de se soigner et de sauver de la misère des milliers d’Ivoiriens ! Et dire que la république bananière va ouvrir des procès pour « génocides », alors que les criminels avérés jouent aux grands de ce monde ! Bien que mort, Bohoun Bouabré aura un avenir, l’avenir dessiné par ceux qui s’inspireront de son modèle budget sécurisé, quitte à en dépasser les audaces !

Aujourd’hui, on peut dire qu’il n’est pas un seul de ses 1293 jours de captivité où Laurent Gbagbo n’ait engendré de nouveaux enfants : des milliers, des millions d’enfants, en Côte d’Ivoire et dans toute l’Afrique; et chaque jour, il y en aura d’autres. Mais quel avenir pour un dirigeant au cœur sec, fort de son alliance avec un adepte du cigare et de la bouteille, ne souriant qu’à l’étranger et devant les caméras ? Quelles perspectives d’avenir, en vue de quels engendrements ? On ne peut qu’évoquer des cendres et de la poussière, des crimes sans châtiment, des enlèvements et des tortures, des vies ôtées, des familles brisées… La stérilité n’enfantant que le vent, c’est à point nommé que ce gouvernement et ses médias s’emplissent déjà du bruissement de leurs factures et de leurs dettes, en prélude au fracas des inévitables ouragans à venir…

Venir agiter les décorations et la reconnaissance internationale n’est pas un gage d’authenticité non plus. Pouvez-vous me dire si le PhD américain du burkinabé Ouattara et ses 4 doctorats honoris causa l’ont rendu plus intelligent, et surtout meilleur, compatissant, intègre, réfractaire au gâchis ? Même les prix Nobel ne sont plus ce qu’ils étaient : diplôme d’encouragement par anticipation décerné à un Obama auquel nous devrons peut-être le déclenchement d’une troisième guerre mondiale, récompense décernée à une gamine pakistanaise de 17 ans, manipulable à souhait : cette distinction ne vient plus couronner l’œuvre d’une vie bien remplie, mais seulement accorder le feu vert des maitres-marionnettistes à leurs lauréats-pantins…

Il aurait mieux valu écrire à propos du PM Kablan Duncan qu’il peut s’honorer de porter le  » label » de la communauté internationale, mais que ce label virtuel n’a pas plus de valeur qu’un chiffon de papier : les conséquences de son choix ne s’écrivent qu’en termes de dette, au lieu de s’écrire en termes de balance commerciale excédentaire, d’investissements judicieux; en termes d’écoles, d’hôpitaux, de bourses d’études, d’usines de transformation sur place des ressources, et autres initiatives salutaires…

Enfin, en choisissant l’anglais « homework » – devoirs d’école – pour désigner le travail incombant à chaque Ivoirien, notre journaliste laisse entendre que jamais aucun citoyen de ce pays ne dépassera le stade de l’infantilisme auquel le condamne la médiocrité des instituteurs au pouvoir… Mais c’est voulu, me direz-vous ! Les homework du professeur Kandia Camara, pour ne parler que de cette perle rare, ne seront pas trop difficiles à rédiger; l’avenir continuera de s’écrire sans universités, réduites à de simples promesse, comme celle du Zanzan, qui, deux ans après, n’est toujours pas sortie de terre ! Et notre Solution nationale ne manquera certainement pas d’en rajouter une deuxième à sa livraison de poudre aux yeux, parmi les engagements solennels qui émailleront sa campagne électorale !

Dans cette Côte d’Ivoire exemplaire, futur pôle de la nanotechnologie et autres technologies de pointe, berceau des Silicon Valleys à venir; dans cette Côte d’Ivoire de rêve chantée par Ouattara en Corée, il faudra beaucoup plus prosaïquement se résoudre à patienter, dans l’espoir que ce train de l’émergence à bord duquel tous sont conviés devienne autre chose qu’un concept purement théorique : il ne pourra commencer à rouler que lorsqu’on aura posé les rails et aménagé les gares jalonnant son parcours… En attendant, comme tout est dans la frime et dans la Com, les vrais diplômés n’ayant le choix qu’entre le chômage et la prostitution, on se contentera de fêter des remises de diplômes honoris causa, certificats de pacotille épargnant aux candidats la nécessité de passer par les cases licence et master : plus besoin de courir longtemps, comme autrefois des années, voire des vies entières, pour se voir couronné !

Alors, Mrs les Ministres, après avoir dévalisé la Côte d’ivoire, dépêchez-vous de donner les noms de vos valeureuses coéquipières à la grande chancelière, pour lui permettre d’épingler bientôt sur le soyeux corsage de vos splendides assistantes ministérielles surbookées ces médailles du mérite, car la fatigue du jour se fait sentir, et les nuits sont bien longues… Vous qui semblez préférer deux jeunes assistantes de 20 ans, Eva et Elsa, à une collaboratrice expérimentée de 40, profitez des perspectives de vie dorée que vous offre l’espoir d’un autre mandat de cinq ans ! Heureusement que malgré son grand âge, la décoratrice en chef de cet opéra bouffe-sous aime encore semer à tous vents les médailles : il est urgent de récompenser à la hauteur de ses mérites notre fine élite doctorante ès rattrapage, afin que le monde entier n’ait d’autre choix que d’envier le niveau de vie et d’intelligence de cette terre d’excellence et d’exception. Gageons que l’ami Claude Bartolone, qui est attendu aujourd’hui, pour rencontrer son homologue Guillume Soro, et même le grand Chef, aura lui aussi droit à sa décoration : à défaut d’une pluie de milliards imbibant ses bagages au retour, ces milliards dont la France EVP – En Voie de Paupérisation – aurait tant besoin, il ne retournera pas chez lui sans quelques breloques dorées…

Shlomit Abel, 24 octobre 2014

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