La Côte d’Ivoire signe un accord de coopération interparlementaire avec la France

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Soro devant le PAN francais « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits »

Discours du Président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire Guillaume Kigbafori SORO

(…) Chers Collègues Députés,
Mesdames et Messieurs,

Comme annoncé, nous recevons ce jour une forte et importante délégation de l’Assemblée nationale française conduite par mon frère aîné, Claude BARTOLONE, Président de l’Assemblée nationale.

La journée d’aujourd’hui restera longtemps gravée dans nos mémoires de parlementaires, car aussi loin que puissent remonter nos souvenirs, c’est bien la première fois que s’offre à l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, l’occasion de recevoir une personnalité parlementaire française de si haut rang ; chose qui peut paraître étonnante et paradoxale, quand on sait la qualité et l’excellence des liens qui unissent la Côte d’Ivoire à la France et quand on a suivi les différents passages en Côte d’Ivoire, de la quasi-totalité des Présidents la Cinquième République française.
Cela en ajoute à notre honneur car cette visite est l’éloquente manifestation de ce que notre assemblée, l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, compte au nombre des amies de l’Assemblée nationale française, et notre fierté s’en trouve légitimement rehaussée, car la personnalité qui nous fait l’amitié de nous visiter ce jour est le Président de l’une des plus vieilles, de l’une des plus anciennes institutions parlementaires au monde.
Chers invités, Mesdames et Messieurs les Députés, je voudrais donc en votre nom à tous et en mon nom propre, souhaiter la bienvenue à Mon frère aîné Claude BARTOLONE, Président de l’Assemblée nationale Française.

Monsieur le Président,

Je me permets d’utiliser le groupe qualificatif de « frère aîné » en souvenir de cette terre hospitalière de Tunisie qui vous a vu naitre et où vous avez dû apprendre, dès votre tendre enfance qu’en Afrique, nous avons la solidarité et la fraternité en partage.
Vous comprenez donc la joie qui est mienne de vous savoir de retour sur vos terres.
AKWABA donc chez vous Monsieur le Président.
AKWABA en Côte d’Ivoire, à vous et à chacun des membres de l’importante délégation qui vous accompagne et dont je tiens, à nouveau, à présenter ici les principaux membres. Je vous invite à saluer avec moi :

– Mme Patricia Adam, Présidente de la Commission de la Défense, dont j’ai pu constater qu’elle est aussi une doyenne de la politique française ;
– M. Pascal Terrasse, Président du Groupe d’Amitié France-Côte d’Ivoire, mon ami Secrétaire Général Parlementaire de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie ;
– M. Alain MARSAUD, Député
– Mme Corinne Luquiens, Secrétaire Générale de l’Assemblée nationale et de la Présidence, une amie du Parlement ivoirien qu’elle a eu à visiter dès la fin de la crise post-électorale dans le cadre d’une mission d’évaluation de nos besoins urgents ;
– M. Mathias Ott, Chef de Cabinet ;
– Mme Maria Wadjinny, Conseillère Diplomatique ;
– Mme Anaïs Lançon, Conseillère en charge de la communication et de la presse.
Chers Collègues députés,

Avant d’aller plus loin, permettez-moi d’adresser en votre nom à tous, mes vifs remerciements aux distinguées personnalités qui nous honorent de leur présence, en l’occurrence, le Premier Ministre Monsieur Daniel Kablan DUNCAN et les membres du Gouvernement qui l’accompagnent, mes pairs Présidents d’Institution ainsi que Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de Missions Diplomatiques.
Distingués invités,
Honorables Députés,
L’hôte de ce jour qui, et je tiens à le souligner, m’a ouvert les portes de son institution dès les premiers moments de son accession au perchoir, précisément le 2 juillet 2012, jouit de grandes qualités que révèlent sa brillante carrière politique qu’il nous été permis de découvrir. Maire, Ministre, mais surtout député depuis 1981, ce brillant mathématicien et non moins brillant tribun est un parlementaire aguerri qui a occupé de hautes fonctions dans l’institution qu’il dirige aujourd’hui.
Monsieur Claude Bartolone est, je puis l’affirmer, un africain au moins de naissance, car né le 29 juillet 1951 à Tunis, donc en terre africaine.
Diplômé en mathématiques et cadre dans l’industrie pharmaceutique, Monsieur BARTOLONE adhère au Parti Socialiste français en 1974. S’ensuit un long cheminement politique et surtout une carrière d’élu, où Monsieur BARTOLONE bénéficie à plusieurs reprises des suffrages et donc, de la confiance renouvelée des populations, faisant de lui un homme d’Etat à l’expérience politique avérée.
En 1981, il est élu Député de la circonscription de Pré-Saint-Gervais, les Lilas, Pantin et Bagnolet, dans la région parisienne. Depuis cette date, il est réélu sans discontinuer dans la circonscription de la Seine-Saint-Denis, et cela jusqu’aux dernières élections législatives du 17 juin 2012, consacrant la XIVe législature (2012-2017) de l’Assemblée nationale française.
Monsieur le Président, le renouvellement ininterrompu, depuis 33 ans, de votre mandat de Député me donne l’occasion de rappeler à l’ensemble de mes collègues ici présents qu’ « un bon Député est un Député réélu ». Monsieur le Président, vous êtes un bon député !
Pour être complet sur la présentation de notre illustre hôte, il convient de faire noter que le Président Claude BARTOLONE
est d’abord connu comme un élu de proximité du Pré-Saint-Gervais, dont il sera successivement conseiller municipal, maire-adjoint, puis maire ; jusqu’à son entrée au gouvernement du Premier Ministre Lionel JOSPIN en qualité de Ministre délégué à la ville auprès du Ministre de l’Emploi et de la Solidarité de 1998 à 2002.
Parlementaire aguerri, Monsieur Claude Bartolone a assumé les fonctions de Vice-président de l’Assemblée nationale du 02 avril 1992 au 1er avril1993, puis celles de Président de la Commission des Affaires Culturelles, Familiales et Sociales du 17 juin 1997 au 1er avril 1998.
Entre juin et décembre 2011, Claude Bartolone préside la Commission d’Enquête Parlementaire sur les emprunts et produits à risque, souscrits par les Collectivités Territoriales et les acteurs publics locaux, créée à son initiative et adoptée à l’unanimité de l’Assemblée nationale. Son rapport est également adopté à l’unanimité des membres de la commission d’enquête.
Le 21 juin 2012, il est désigné candidat à la présidence de l’Assemblée par ses pairs socialistes.
Le 26 juin 2012, lors de la session inaugurale de la XIVe législature au Palais Bourbon, Monsieur Claude BARTOLONE est élu Président de l’Assemblée nationale, dès le premier tour de scrutin, face au président sortant de l’Assemblée, Monsieur Bernard ACCOYER, candidat de l’UMP.
Par cette élection, il devient le quatrième personnage de l’État français, et le douzième homme titulaire de ce poste sous la Ve République.
C’est ce grand Homme d’Etat, mais remplit d’humilité qui, par sa présence dans cet hémicycle nous offre l’agréable occasion de célébrer, avec un brin de nostalgie pour nos illustres devanciers, la riche histoire multiséculaire qui unit nos deux pays.
Cher Collègue Bartolone,
Votre voyage se situe, en effet, dans le droit fil des relations aussi étroites qu’excellentes qu’entretiennent la Côte d’Ivoire et la France ; relations qui ont été jalonnées de visites officielles de nombreux Présidents de la République, à commencer par le Général de Gaulle en 1958, jusqu’à la toute récente visite du Président François Hollande en juillet 2014, en passant par Georges Pompidou en 1971, Valéry Giscard d’Estaing en 1978 et François Mitterrand en 1982.
Pourtant, je me plais à souligner que la visite officielle que vous effectuez aujourd’hui, au nom du peuple Français et en votre qualité de Président de l’Assemblée nationale française, constitue une grande première pour notre institution.
Votre présence à nos côtés, vous le devinez, véhicule dans cet hémicycle une lourde charge de symbole et d’émotion qui nous offre le prétexte idéal pour renouveler notre gratitude au Peuple Français et particulièrement à l’institution que vous dirigez, pour le soutien constant dont la Représentation nationale ivoirienne est l’objet.
Nous voulons gager que l’accord de coopération interparlementaire que nous venons de signer ce matin, va ouvrir une autre ère de coopération avec votre parlement, car Monsieur le Président, notre volonté de faire de notre Assemblée, une institution moderne et modèle, reste vivace et, les apports d’une Assemblée d’expérience, comme celle que vous dirigez, nous serons toujours utiles, qu’ils s’expriment en termes d’équipements, de formations ou de renforcement de capacités, aussi bien pour les Députés que pour notre personnel administratif.

Monsieur le Président,
L’occasion vous est offerte ici de communiquer au Peuple de Côte d’Ivoire votre message, celui de la France.
Cette France dont vous êtes un illustre représentant et qui a tant contribué de façon indéniable et inoubliable à la construction de l’humanité et de l’histoire parlementaire depuis cette année 1789, année de la révolution dont les valeurs promues sont devenues un patrimoine commun et universel. Ces valeurs résumées dans le triptyque liberté, égalité et fraternité, rappelle l’idéal de vie du vaillant Peuple Français qui, dans la douleur mais avec héroïsme, a conquis le pouvoir de décider pour lui-même, par lui-même :
La liberté, idée chérie par les peuples et les individus opprimés ;
L’égalité, notion au cœur de toutes les revendications, qu’elles soient politiques ou sociales ;
La fraternité, dont le sens commun en France est celui de l’ouverture à l’autre, aux autres peuples.
Ces trois mots qui reflètent l’âme française véhiculent une philosophie de la vie, de la politique, résumée dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen dont les principes servent de fondement aux démocraties modernes.
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ».
Pour nous autres, parlementaires, qui donnons corps à la loi, quelle meilleure expression que celle produite dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, en 1789, par les représentants du peuple français assemblés et qui engage à une réflexion constante sur notre pouvoir.
Faire la loi sans oublier de protéger la liberté ;
Faire la loi sans faire le lit des inégalités ;
Faire la loi en considérant que le droit doit être toujours et partout au service de la liberté, de l’égalité, de la fraternité.
Honorables Députés,
Nous sommes bien placés en tant que parlementaires pour comprendre ces exigences républicaines qui permettent aux peuples du monde entier de s’éveiller à la conscience citoyenne, ces valeurs qui constituent le socle solide comme un roc sur lequel peuvent être édifiées, avec patience et obstination, nos démocraties en émergence.
C’est pourquoi je suis heureux de partager avec vous cette conviction que l’émergence démocratique dont il est ici question est le socle inusable sur lequel se bâtit l’émergence économique et sociale à laquelle le gouvernement ivoirien s’engage sous le contrôle rigoureux et sans complaisance du Législateur ivoirien.
En cela, Monsieur le Président Claude BARTOLONE, les Députés membres de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, qui sont heureux de vous accueillir au sein de cet hémicycle, haut lieu du débat démocratique, sont impatients de vous voir partager avec eux l’expérience française.
C’est pourquoi et sans plus attendre, je voudrais, Monsieur le Président, vous inviter à la tribune.
Je vous remercie !
Guillaume Kigbafori SORO
Président de l’Assemblée nationale
de Côte d’Ivoire

Discours du Président de l’Assemblée Nationale de France Claude BARTOLONE

Excellence Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Cher Guillaume SORO,
Mesdames et Messieurs, Honorables députés,
Chers collègues,
Je mesure l’immense honneur que vous me faites, en m’invitant à m’exprimer devant votre Assemblée. J’en suis extrêmement touché, ému, et je vous en remercie, sincèrement et chaleureusement.
Monsieur le Président, je vous remercie pour les aimables paroles que vous avez eues à mon égard. Vous l’avez dit. Ma visite ici à Abidjan est une « première ».
Je dois vous le confier : je m’en étonne, tant ce déplacement m’est apparu comme une évidence, et, dans le même temps, je m’en réjouis – qui ne serait pas honoré d’être le premier Président de l’Assemblée nationale française à prendre la parole dans votre hémicycle et, à travers vous, chers collègues, de pouvoir m’adresser à la nation ivoirienne ?
Trois mois après le Président de la République, M. François Hollande, en visite à Abidjan à l’invitation de Son Excellence Monsieur Alassane Ouattara, je viens, à mon tour, à votre invitation, vous exprimer le respect et l’estime, l’amitié indéfectible, et la solidarité du peuple français pour le peuple ivoirien. Mme Patricia Adam, présidente de la Commission de la Défense, M. Pascal Terrasse, Président du groupe d’amitié France-Côte d’Ivoire et M. Alain Marsaud, député des Français de l’étranger, m’accompagnent et sont tout aussi heureux que moi de participer à cette visite historique.
Notre proximité, et la singularité des liens qui unissent les Français et les Ivoiriens, sont d’abord le fruit de l’histoire.
Permettez-moi, Monsieur le Président, de revenir quelques minutes sur ce passé conjoint, à la fois douloureux et riche, dense, sur cette histoire qui nous a construits, et nous a légué une langue, des populations, et des cultures en partage.
Je veux rendre un premier hommage à tous les Ivoiriens qui se sont dressés, sur le champ de bataille, pour la France, et pour défendre les valeurs universelles que sont la liberté et l’égalité.
Le peuple français et la Représentation nationale leur sont redevables et pour toujours reconnaissants. Nous n’oublierons pas, nous n’oublierons jamais, que de jeunes soldats ivoiriens, trop nombreux, trop souvent engagés malgré eux, à deux reprises au cours du XXème siècle, ont sacrifié leur vie pour notre pays. Et nous devons particulièrement nous le rappeler en cette année 2014, où nous commémorons le centenaire de la Première guerre mondiale, mais aussi le 70ème anniversaire du débarquement de Provence, commémorations auxquelles le Président de la République, Monsieur Alassane Ouattara, a participé le 15 août dernier.
Je pense également aux Ivoiriens qui se sont investis dans le champ politique français. Une voix d’ici, de Côte d’Ivoire, une voix puissante, s’est levée, dès la sortie de la dernière guerre, dans notre hémicycle. Elle a inspiré, aux députés de métropole, la nécessité de sortir totalement de l’injustice et de l’inégalité entre les peuples.
Cette voix, qui est devenue mondialement connue, vous l’aurez compris, est celle de feu Félix Houphouët-Boigny.
Félix Houphouët-Boigny a consacré sa vie, certes, à votre pays, à votre nation, à la consolidation de votre Etat, mais il a aussi beaucoup donné au nôtre. Son souvenir habite encore le Palais Bourbon.
Désormais, son nom est à jamais gravé dans notre histoire constitutionnelle, puisqu’il figure, en tant que membre du Gouvernement, parmi les signataires de la Constitution qui régit, toujours, le fonctionnement de la République française.
Alors que plus d’un demi-siècle nous sépare des indépendances, nos relations n’ont jamais cessé. Elles ont connu, comme toutes les amitiés intenses, des incompréhensions, des maladresses, et des moments de rejets parfois violents.
Mais les liens humains, culturels, économiques que nous avons tissés ont toujours été plus forts. Aujourd’hui, plus de 100.000 ressortissants ivoiriens en France et plus de 15.000 ressortissants français en Côte d’Ivoire – c’est la communauté française la plus nombreuse de la région – donnent vie à la relation bilatérale. Parmi eux, l’on compte de nombreux franco-ivoiriens, qui lui donnent corps également.
Si la France et la Côte d’Ivoire ont pu, au fil du temps, nouer de nouvelles alliances, instaurer et renforcer des actions de coopération dans leur voisinage immédiat, puis se tourner vers d’autres continents, ma conviction intime est que ces orientations, nouvelles, légitimes, ne doivent pas détourner nos deux pays l’un de l’autre.
Nous avons passé du temps à nous connaître, nous avons souffert, mais cela nous a rendu plus forts, et nous avons, désormais, une langue et des populations en commun. Nous avons donc, aujourd’hui, le devoir de mettre cette proximité au service de nouveaux projets, au profit d’un rapprochement accru, et d’une unité renforcée sur le plan international. C’est ainsi que je vois notre relation : solide dans ses fondations, elle peut se projeter, confiante et sereine, dans l’avenir.
Car c’est aussi ce message que je suis venu délivrer : ma foi en l’avenir. En l’avenir de la Côte d’Ivoire, en l’avenir de la France. En l’avenir de l’Afrique, en celui de l’Europe. Et en ce que nous allons encore pouvoir bâtir ensemble.
Aujourd’hui, en m’exprimant devant vous, Monsieur le Président, Honorables Députés, j’ai conscience que ma visite intervient trois ans après une crise post-électorale meurtrière, moins de dix ans après une guerre civile tragique et après plusieurs années d’une instabilité dont le peuple ivoirien n’a que trop souffert.
Or, je le sais – et je le vois – la Côte d’Ivoire se redresse, déjà !
Vous portez, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, les espoirs et les aspirations du peuple ivoirien. A travers vous, c’est donc à toute la population ivoirienne que je souhaite dire mon optimisme.
Votre pays, le peuple que vous représentez, forcent mon admiration.
Je suis admiratif de la capacité des Ivoiriens à se relever, à réunir leurs forces, à rechercher la cohésion. A rappeler au monde entier que la Côte d’Ivoire est un immense pays, riche de la diversité de ses ressources et de celle de ses femmes et de ses hommes. Á peine trois ans après cette crise, un vent puissant souffle de nouveau, il souffle l’espérance, l’espoir de vous rendre la place qui est la vôtre en Afrique : celle d’un modèle, d’une référence, d’une avant-garde, sur un continent qui lui-même porte l’avenir du monde.
Alors que la reprise économique mondiale reste fragile et incertaine, et que ce sont des regards inquiets qui se tournent vers la zone euro, les résultats économiques de l’Afrique, au contraire, nous confirment la résilience du continent, face à une crise grave, parmi les plus graves que le monde ait connues au cours du dernier siècle.
Au dynamisme de la croissance des pays africains, il faut ajouter leur vitalité démographique, leurs immenses ressources naturelles. Ce potentiel économique, encore insuffisamment exploité, peut faire espérer de multiples bienfaits, à la condition d’une égale répartition des richesses et à celle d’un développement harmonieux du territoire.
La France, vous le savez, veut amener l’Europe à s’investir davantage en Afrique, à s’y impliquer, à s’ouvrir toujours davantage vers le Sud. Je suis un fils de la Méditerranée, un enfant de Sicile, de Malte et de Tunis, et je rêve que nous cessions de voir cet espace comme une frontière culturelle, économique, et humaine infranchissable entre nos deux continents.
Je suis par ailleurs persuadé que la Côte d’Ivoire peut stimuler l’essor de l’Afrique et servir de modèle. Je le dis d’autant plus assurément qu’elle l’a déjà fait.
Je fais référence, vous vous en doutez, au « miracle ivoirien », à cet exemple de développement économique et de stabilité, de cohésion, qui a constitué, dans la seconde moitié du vingtième siècle, une fierté pour la région et le continent.
Et j’en suis convaincu : nous assistons, depuis deux ans, au retour des conditions qui ont fait ce miracle. Le « miracle ivoirien » se rappelle à nous.
Il nous dit que rien n’a changé. Que la foi des hommes est toujours là, que leur courage, leur détermination, leur force de travail, demeurent. Vous avez traversé la guerre civile, connu le conflit et la division, versé du sang et des larmes, mais vous avancez, d’un pas décidé, vers l’unité et la réconciliation. Avec la sagesse de vos traditions, le dynamisme de votre jeunesse, et avec courage, vous avez déjà surmonté d’immenses obstacles, et ce sera, j’en suis persuadé, comme toujours, pour vous imposer avec éclat.
Les crises les plus fortes sont derrière vous, je le crois, nous le croyons en France.
Beaucoup de choses ont été entreprises, depuis trois ans. Sur le plan économique, le constat est sans ambiguïté, avec un taux de croissance de plus de 8%. C’est le reflet d’une paix retrouvée mais aussi le résultat de politiques permettant d’augmenter l’investissement public, de mobiliser l’investissement extérieur, et de réformer l’économie. De la même manière, je veux saluer les progrès réalisés en matière de désarmement et de réinsertion, un chantier délicat après tant d’années de crises. Dans ce domaine aussi, vous êtes un modèle, que d’autres nations observent attentivement.
Ensuite, je le vois, les choses avancent sur le plan politique.
La réconciliation, comme toujours, exige du temps et des efforts, l’équilibre à trouver entre pardon et sanction est délicat. Mais je sais qu’au fond, la volonté de dialoguer est là, de part et d’autre, et c’est l’essentiel. C’est ce qui fait et fera la force de votre pays.
Pour citer, justement, Félix Houphouët-Boigny, « le dialogue est l’arme des forts et non des faibles (…) Dans la recherche de la paix, de la vraie paix, de la paix juste et durable, on ne doit pas hésiter, un seul instant, à recourir, avec obstination au dialogue. ».
Ce dialogue existe, il avance. Je forme donc le vœu qu’à ma prochaine visite, l’ensemble des forces politiques ivoiriennes puissent être représentées à l’Assemblée nationale, pour que le Parlement fasse vivre le débat démocratique, qu’il soit, définitivement, « le cœur battant de la démocratie ».
Evidemment, des incertitudes persistent. Evidemment, des efforts doivent encore être déployés. Mais quel pays pourrait se prévaloir de n’avoir aucun progrès à réaliser ?
Il faut laisser le temps aux réformes. Nous autres, responsables politiques, devons rendre des comptes à des populations d’autant plus impatientes qu’elles sont parfois, trop souvent, dans la souffrance. Nous devons leur montrer le cap, notre volonté, notre détermination à perfectionner toujours notre action.
Je vous le dis donc, non pas en donneur de leçon, mais en observateur engagé, en ami aussi, et en homologue surtout : tout est toujours perfectible. C’est justement ce qui fait la beauté de notre engagement politique et lui donne tout son sens.
Monsieur le Président, Cher Guillaume,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Chers collègues,
Nos Assemblées sont les lieux où vivent et s’épanouissent nos démocraties, où elles se grandissent, où elles se consolident. Elles sont les lieux où toutes les forces et les voix de la nation peuvent être représentées, doivent débattre, pour se confronter ou pour s’unir.
Notre responsabilité d’élu national est grande, notre position est exigeante.
Le premier devoir qui nous incombe, c’est de lutter, sans relâche, pour l’indépendance de nos Parlements. Nous devons faire respecter leurs prérogatives à des gouvernements trop souvent tentés de nous rendre passifs, de nous transformer en chambres d’enregistrement résignées. C’est un combat de tous les instants, auquel je sais que vous vous livrez, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, avec énergie.
Vous avez eu à cœur de rappeler au Gouvernement, à de multiples reprises, que le fait de disposer d’une majorité au Parlement ne garantissait pas d’obtenir systématiquement son soutien. Je vous en félicite. Je le répète d’ailleurs en France, chaque fois que j’en ai l’occasion : il y a le temps du débat, celui du compromis, puis seulement le temps de l’unité. Cette règle, je ne cesse de la rappeler dans mon propre pays.
Le second devoir, c’est celui de l’exemplarité. Il en va de notre crédibilité, de la crédibilité de la classe politique dans son ensemble. Il en va du lien de confiance qui doit relier nos peuples à leurs représentants et donc de la stabilité de la vie politique.
Exemplarité dans le respect des lois et des institutions, exemplarité dans l’usage des deniers publics. J’ai consacré les deux premières années de mon mandat à la Présidence de l’Assemblée nationale française à y renforcer les règles de déontologie, et je m’impose de rester attentif aux mesures prises ailleurs, et dont nous pourrions, encore, nous inspirer.
Le troisième devoir, selon moi, est justement cette nécessité absolue de nouer, avec les autres Parlements de par le monde, des relations de coopération suffisamment denses pour nous rendre plus forts collectivement. C’est indispensable, selon moi, dans un monde qui se globalise, et où les accords entre gouvernements se multiplient.
Ces accords, qui engagent, sur le long terme, les législations, les finances de l’Etat et ses modes de fonctionnement, nous les ratifions, certes. Mais je souhaite que nous puissions mener, directement entre parlementaires, en toute franchise, en amont comme en aval, des discussions approfondies sur les sujets d’intérêt commun.
C’est pour moi le sens de la diplomatie parlementaire. Je veux nouer ce dialogue avec mes partenaires européens, tant nos législations sont désormais liées, mais je veux aussi le nouer avec les Parlements des autres pays frères et amis, au premier rang desquels figure votre Assemblée.
Aujourd’hui, en signant un Protocole d’Accord qui liera durablement nos Assemblées, nous rappelons notre volonté de renforcer notre coopération qui, même si elle n’avait jamais été formalisée, est ancienne et déjà importante – votre Assemblée est, Chers collègues ivoiriens, le premier partenaire de l’Assemblée nationale française en Afrique.
Mais au-delà de cette coopération technique, indispensable au renforcement de nos institutions, je souhaite que la signature de ce Protocole insuffle davantage de dialogue, davantage d’écoute réciproque.
Car Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, si je m’exprime devant votre Assemblée – et c’est un immense honneur que vous me faites – je viens, aussi et surtout, pour écouter, apprendre, et comprendre.
Je viens m’interroger, avec votre aide, sur l’action de la France et son image, sur la façon dont elle peut au mieux vous accompagner, sans préjuger ce dont nous pouvons encore chacun tirer de la relation exceptionnelle qui nous lie.
Je me permets, pour illustrer l’état d’esprit dans lequel je me trouve, de citer l’un de vos plus illustres hommes de lettres, Jean-Marie Adiaffi, qui, dans l’un de ses ouvrages, La carte d’identité, écrivait les mots suivants : « … il faut avoir l’humilité d’écouter la voix des autres et, plutôt que d’en comparer le timbre et la mélodie avec la nôtre, il faut l’entendre par ce qu’elle dit… ».
C’est le sens que je veux – c’est le sens que nous voulons – donner à notre visite.
Le « partenariat » entre nos deux pays est réel. Mais ce terme est froid, il est terne, il ne reflète ni l’émotion que je ressens aujourd’hui, en m’exprimant devant vous, ni la richesse de l’histoire que nous avons en commun. Il n’évoque ni les déchirures que nous avons connues, ni l’intimité à laquelle nous sommes parvenus.
Je veux donc plutôt écouter votre voix comme la voix d’un ami, d’un frère à qui je n’aurais pas eu l’occasion de parler depuis de trop nombreuses années.
Je suis venu à votre rencontre pour vous entendre m’éclairer sur la situation dans votre beau pays.
Je veux aussi vous écouter me parler de la France, et de la France et de la Côte d’Ivoire réunies.
Je ne veux rien comparer, je ne veux rien préjuger, je veux d’abord vous parler.
Lors des échanges que nous aurons au cours des prochaines heures, et dans tous les domaines qui caractérisent la relation franco-ivoirienne, je vous invite donc, avec force et énergie, à me parler avec la même franchise et le même effort de compréhension.
Je suis impatient de ces échanges.
Pour conclure, je voudrais vous remercier, Monsieur le Président, et vous remercier tous collectivement, Mesdames et Messieurs les Députés, pour l’accueil très chaleureux que vous m’avez réservé, ainsi qu’à toute la délégation qui m’accompagne. Je m’en souviendrai toute ma vie.
Vive notre amitié,
Vive notre partenariat !
Vive la France !
Vive la Côte d’Ivoire !

Claude BARTOLONE
Président de l’Assemblée nationale de France

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