Ma tristesse que je ressens quand je pense au décès de Bertin Anassé est grande. Je me souviens comme si c’était hier de son arrivée dans mon bureau, en 2003. Il travaillait déjà comme programmateur musical à Radio-Jam, mais il voulait être journaliste. A vrai dire, je n’étais pas très emballé parce qu’il ne correspondait pas au profil standard que je recherchais: jeune fraîchement diplômé en communication/journalisme de préférence en stage dans une rédaction de la place. Alors, je lui ai dit : « Si tu es en stage, tu auras une minuscule indemnité alors que là où tu es, on te paie ». Il a dit « oui, je veux être journaliste, c’est tout ». Très très vite, je me suis rendu compte qu’en dépit de son « bac+1 » (je crois) de l’époque, il avait une plume à très fort potentiel. Je l’ai mis au service « Culture » (le service où on cultive l’écriture, selon ma pensée à l’époque). Mais je savais que l’objectif, c’était la politique. Il était bon, il avait des saillies brillantes. Ses compétences se sont accrues alors qu’il se formait très sérieusement à l’ISTC, en parallèle avec le boulot. Pour dire la vérité, il n’était pas à l’époque un bon encadreur d’équipes, notamment en raison de son caractère impulsif. Bref. Nous étions très proches, au point qu’il a appelé une de ses filles Théophilia.
Puis, on s’est brouillés. Quand Le Courrier d’Abidjan a connu sa grande crise, il est allé dans l’autre camp. Et nos relations se sont dégradées, jusqu’à devenir inexistantes. Quand le procureur Tchimou a décidé de nous mettre en prison en 2010 (Saint-Claver Oula, Stéphane Bahi et moi), Anassé s’est mis au devant de la bataille pour notre libération. Mais nous n’avons pas vraiment renoué.
Je l’ai eu au téléphone une fois pendant sa maladie, alors que j’avais déjà quitté à Abidjan. Je n’ai rien pu faire pour lui, à part alerter.
Si nous avions plus souvent à l’esprit la fragilité de notre existence, nous prendrions mieux soin de la qualité des relations avec ceux que nous aimons ou que nous avons aimés. Nous nous investirions plus dans la restauration des relations brisées. Hélas.
Hélas, le journaliste ivoirien en ce début du XXIème siècle vivote, sans couverture sociale sécurisée.
Hélas aussi, le travailleur handicapé n’est pas maintenu en entreprise, parce qu’aucun dispositif de soutien et/ou d’exonération n’existe.
Hélas, Anassé n’est plus.
Théophile Kouamouo
[Facebook_Comments_Widget title= » » appId= »331162078124″ href= » » numPosts= »5″ width= »470″ color= »light » code= »html5″]
Les commentaires sont fermés.