Par Dr. Diarra Cheickh Oumar
Le RDR, on le sait, est né d’une dissidence au sein du PDCI, en raison des postures et habitudes antidémocratiques qui y étaient entretenues et de la volonté affichée par le Président Bédié, de tenir d’une main de fer, la nation ivoirienne, mâtant toute velléité de contestation de sa gestion du pouvoir. L’engouement pour le nouveau-né, conduit avec un art politique consommé par feu Djéni Kobina, surtout de la part des ressortissants du septentrion du pays, plongera le successeur constitutionnel de feu Houphouët-Boigny, dans une incompressible et insondable angoisse, l’astreignant à faire feu de tout bois, surtout que celui qui se profilait comme son possible adversaire aux élections à venir, était le premier ministre Alassane Ouattara, mondialement adulé pour son sérieux et ses connaissances profondes des arcanes financiers et bancaires, même si politiquement, surtout selon son verdict africain rimant avec reniement de soi, immoralisme et inhumanisme, il avait encore beaucoup à apprendre, car attaché, de par ses faits et gestes, à l’orthodoxie humaniste et à une certaine forme de praxis libérale, l’expression peut-elle convenir, visant à modifier et à transformer la société qualitativement et quantitativement.
Pour se débarrasser de ce concurrent fort embarrassant, cet aventurier à l’impertinence mal contenue, l’expression n’est pas de moi, qui se serait déjà prévalu de sa burkinabéité sous d’autres cieux, les idéologues du parti seront lancés sous le feu de la rampe dont les nombreuses cogitations aboutiront à une trouvaille de taille : l’Ivoirité, concept catégorisant et ségrégationniste dont les conséquences, en termes de pertes en vie humaine et matérielle, seront fort dommageables pour le pays et, plomberont, durant une bonne décennie, son développement et son progrès harmonieux. Loin de moi cette volonté luciférienne de ressusciter de douloureux souvenirs passés, la guéguerre entre le président Bédié et le premier ministre Alassane Ouattara, dont le grand bénéficiaire fut l’ex président Laurent Gbagbo, en ce moment détenu dans les geôles de Scheveningen (Pays-Bas) par la CPI, est la cause majeure des spasmes et convulsions militaro-politiques qui secoueront notre chère nation, suite au décès du président Houphouët-Boigny.
C’est pourquoi, personnellement et, certainement mu par l’intérêt supérieur de la nation ivoirienne, j’ai salué la naissance du RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix), dans la capitale française, le 18 mai 2005, symbole de l’entente retrouvée, pour mettre un terme définitif à la dictature sanguinaire de Laurent Gbagbo. Objectif qui sera atteint, cinq ans après, avec la défaite de ce dernier, représentant la majorité présidentielle, aux consultations électorales de 2010. Je me réjouis davantage du resserrement des liens entre les partis cosignataires de l’accord de Paris, ayant secrété le RHDP, manifesté par la volonté de présenter une candidature unique aux prochains suffrages universels et, in fine, de fondre harmonieusement en PDCI-RDR, parti unifié, devant, selon les projections faites par le président Bédié, présenter les mensurations d’un bloc monolithique capable de résister à toutes formes de séismes politiques, même si dans la forme, les normes protocolaires et le respect des canons démocratiques devant présider à la prise d’une décision aussi cruciale, n’ont nullement été observés. Cependant, il y a lieu d’avoir le triomphe modeste car, à l’analyse, présenter un candidat unique, en la personne du président Alassane Ouattara, ne veut pas, ipso facto, dire que les militants des autres formations politiques membres du RHDP, comme des ânes bâtés ou un troupeau de bétail sous la conduite tyrannique du berger, se rendront massivement dans les urnes, pour témoigner par leurs votes, leur soutien à un candidat qui relève d’une imposition qui ne dit pas son nom et non d’une décision consensuelle, assumée par tous. Les complaintes et récriminations constatées çà et là, en sont des indices. C’est pourquoi, j’estime que si, dans le fond, l’idée peut être défendue au nom de la paix et de la cohésion sociales, le PDCI et le RDR étant les deux poids lourds du marigot politique ivoirien, il aurait fallu sacrifier à un certain nombre de protocoles en mettant l’accent sur de vastes consultations au sein des différents partis assortis de lobbying ; ce qui conforterait les assises démocratiques et contribuerait à fortifier les formations politiques considérées. Toutefois, la méthodologie usitée, laisse penser à un blanc-seing donné à une certaine forme d’égoïsme et d’égocentrisme qui sont les véritables gangrènes de la politique africaine. Selon les informations diffusées par la presse, la région de l’Iffou est, de toutes les autres, celle qui a bénéficié de la partie la plus substantielle des investissements, dans le cadre du programme présidentiel d’urgence. Cela pousserait tout observateur critique à s’interroger sur l’innocence de la déclaration de Daoukro du 17 Septembre dernier, qui semble avoir été motivée, plus par des intérêts particuliers que par le bien-être général du parti d’Houphouët-Boigny. On pourrait synthétiser la chose de la façon suivante : tant que ma région bénéficiera des plus gros investissements de la part de l’État et que mes proches, mes courtisans et collaborateurs, en somme mes fidèles, c’est-à-dire ceux qui n’osent pas me porter la contradiction, quand bien même je suis en porte-à-faux avec les principes du parti, continueront à jouir des grâces et largesses de l’État, je prendrai toujours cette décision unilatérale de concéder, mieux de brader les voix détenues par ma formation politique. N’en déplaise aux esprits chagrins ! Si tant est que ce sont là les fondements réels de ce soutien, je note que cette approche de la politique est pernicieuse car, dans ce qu’on appelle communément le ‘’V’’ Baoulé, Daoukro d’où l’appel a été lancé, est loin d’être la localité la plus significative. Qui plus est, jusqu’à preuve du contraire, le PDCI ne se réduit pas aux ministres Kobenan Adjoumani, Raymonde Goudou Koffi, Allah Kouadio Rémi, Patrick Achi, Ahoussou Jeannot, au premier ministre Daniel Kablan Duncan, encore moins, à Niamien N’Goran, Patrick Bédié, Venance Konan et à tous ces autres cadres issus des rangs du PDCI occupant des postes juteux dans l’administration générale qui se trouvent être ceux-là mêmes qui défendent mordicus cette candidature unique, traitant avec morgue, les autres militants, les taxant à la limite de sorcellerie. Un peu de retenue ! Il faut mettre fin à cette dérive langagière, ces brimades qui ne feront que durcir les positions, exacerber les clivages, les dissensions. Ces militants ne réclament que ce droit inaliénable et fondateur de la démocratie qui est de donner leurs avis sur une question aussi essentielle, touchant à la vie du parti. C’est d’ailleurs, en mon sens, un élan à saluer, qui démontre à quel point ils sont soucieux du devenir de leur formation politique et de tout cet héritage laissé par le président Houphouët-Boigny.
Au-delà tout cela, le danger le plus inquiétant, vers lequel nous cheminons, allègrement mais sûrement, est cette atomisation du PDCI, fortement débilité par la création du RDR et de l’UPDCI, suite au décès du président Houphouët-Boigny en 1993. Kouadio Konan Bertin, député PDCI, plus connu sous le pseudonyme de KKB, n’est que l’artificier d’une très importante frange de contestataires tapis dans l’ombre. Point n’est besoin d’un exercice fastidieux de la raison pour comprendre que cette décision du président Bédié est loin de faire l’unanimité au sein des caciques et thuriféraires du parti. En effet, beaucoup ruminent hypocritement leur désolation et le manque de considération affiché pour eux et, n’attendent que le moment opportun pour laisser tomber leur masque. Sans prétendre détenir la science infuse, le PDCI ou le PDCI renouveau, aura bel et bien son candidat. Aubaine qu’attend impatiemment le FPI, parti de l’ex chef d’État, Laurent Gbagbo, à la croisée des chemins, pour rebondir véritablement sur la scène politique et, occuper la place qui était la sienne. Dans cette quête, le PDCI renouveau ou PDCI des frondeurs, sera pour cette formation politique, une vraie béquille pour se refaire une virginité politique et aller à la reconquête du pouvoir dans le cadre d’une coalition, avec le principe d’un partage, une fois le diadème acquis. Vu la configuration actuelle du paysage politique, postuler une alliance entre le FPI et le parti du président Ouattara, le RDR, relèvera de la chimère, tant la haine couvée est grande et viscérale. Accusé d’être l’instigateur d’une justice des vainqueurs ayant conduit à l’embastillement de leur chef à Haye, de son épouse à Odiénné et de nombre de militants de la majorité présidentielle, notamment du FPI, les acteurs se réclamant de cette formation politique et leurs sympathisants, sont dans une posture irréductible du tout sauf Ouattara. Il en ressort que lors des consultations électorales, le candidat du RHDP aura certes à compter sur le PDCI mais pas dans sa totalité. Il ne bénéficiera que des suffrages d’un fragment du parti acquis à sa cause, mais surtout aiguillonné par ses intérêts égoïstes. Il en sera de même pour l’UDPCI, pour le MFA, ainsi que des autres partis signataires et ceux qui voudront, par opportunisme, s’ajouter. Cela ajouté aux problèmes internes au RDR dont les militants, en grand nombre, sont de plus en plus déçus de la politique sociale qui est servie aux populations et de l’attitude orgueilleuse des cadres qui ne leur accordent aucun intérêt, blottis derrière des portes hermétiquement fermées, augure de lendemains quelque peu houleux. Je ne sais pas d’où, certains militants fanatisés, tirent cette assurance quant à une élection éclatante du candidat du RHDP lors des élections à venir. Il n’est pas impossible qu’il soit brillamment élu, mais l’atteinte de cet objectif doit s’adosser à des attitudes plus conciliantes, à de la mesure et de la courtoisie dans les propos, à un véritable travail de reformatage des esprits sur la nécessité de préserver l’héritage du président Houphouët-Boigny qui faisait de la paix, un préalable à tout.
Même si le président Ouattara, dont je ne doute aucunement des qualités de grand bâtisseur, venait à être réélu, il devra payer un très lourd tribut à ce deal politique l’ayant positionné comme candidat unique du RHDP. Ses alliés politiques, surtout le PDCI, le soumettra à un chantage et à une surenchère intolérables, l’astreignant à se lester de pans essentiels de son pouvoir, pis, à lui concéder même la quiddité de sa souveraineté. Selon certaines indiscrétions, il ressort que la vice-présidence et la primature gisent déjà dans sa gibecière. Qui plus est, il demanderait une répartition équitable des postes de responsabilité. Je parie que pour ne pas réveiller les démons de la division, le président Ouattara devra également fermer les yeux sur d’éventuels errements et concussions de certains responsables, dans la gestion de la chose publique. C’est pourquoi, il ne fallait pas, en mon sens, aussi vite cracher sur la formule qui a prévalu en 2010, disposant que chaque formation politique présente son candidat et que le candidat le mieux positionné à l’issue du tour préliminaire soit soutenu par tous les autres au second tour. De cette façon, sans se renier soi-même, se départir de ses fondamentaux et de son identité politique, puisque nous sommes dans le cadre d’une fusion dialectique, circonstanciée, une fois la victoire acquise, chaque parti est représenté au gouvernement, aux postes de responsabilité, au prorata de son poids politique, avec plus de champ de manœuvre et de liberté d’action pour le tenant du sceptre et sa formation politique.
Cependant, en tout état de cause, avec l’évolution des mentalités et la politique qui se précise de plus en plus comme une science exacte, le jeu des alliances s’affirme comme la nouvelle donne avec laquelle il faudra désormais composer. C’est dire qu’il est aujourd’hui difficile à une formation politique, à elle seule, abstraction faite des tripatouillages encore constatés dans certaines aires de la planète assurant des scores soviétiques à ceux qui s’en illustrent, de gagner une élection. C’est bien sur la base des alliances que Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa, avocat et homme d’État français, a été élu le 06 mai 2007 au poste de président de la République française et c’est également, via des ententes officielles et solennelles qu’il sera défait par François Hollande, homme d’État et avocat, le 06 mai 2012. Les choses sont désormais ainsi faites. Mais, à condition d’y mettre la manière et que les piliers servant de substratum à la démocratie, ne soient pas sacrifiés sur l’autel des ambitions et caprices égoïstes et égocentriques. C’est la raison pour laquelle, une fois de plus, sans remettre en cause le noble projet des partis houphouëtistes de fusionner pour faire advenir à la naissance le PDCI-RDR, je dénonce la manière très peu protocolaire et antidémocratique dont la prise de décision a été opérée, sans omettre d’insister sur les dangers inhérents à l’option de candidature unique qui peuvent se révéler fort dommageables, s’ils ne sont pas perçus et traités à temps. Je voudrais, à l’avance, m’excuser, pour tous ceux qui se sentiront heurtés par cette production. Toutefois, j’estime qu’il n’y a pas de dichotomie entre le militantisme politique et les vertus de l’analyse critique qui peuvent être d’un apport fort appréciable dans le progrès recherché, le bonheur quêté qui est la finalité même de la politique, selon le verdict de son concept grec ‘’eudomonia’’. Que Dieu nous garde !!!!
Dr. Diarra Cheickh Oumar
Analyste politique
Diarra.skououmar262@gmail.com
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