Par Edwige Fiendé
Les vendeurs du marché du village ivoirien de Prollo à la frontière avec le Libéria, attendent avec impatience leurs clients Libériens, qui n’arrivent plus depuis la fermeture de la frontière le 22 août, en raison du virus Ebola qui sévit dans leur pays.
Ce 04 septembre, comme tous les jeudis, c’est « jour de marché » à Prollo et pourtant il n’y a pas d’affluence. Les Libériens qui viennent vendre et acheter ne franchissent plus le fleuve Cavally, frontière naturelle entre la Côte d’Ivoire et leur pays.
« Les jeudis, les Libériens, de bons payeurs, viennent vendre du kindjus », une liqueur traditionnelle locale du Libéria, dont le nom est une déformation anglaise de cane juice, jus de canne à sucre en français, explique un notable du village, Sondé Tahé
« Ils (Libériens) achètent en retour des chaussures, vivriers, aujourd’hui ils ne viennent plus », regrette M. Tahé, en cassant avec les ongles les pointes de l’enveloppe des graines d’arachide posé sur une table en bois.
Dans le marché, leurs étals sont restés encore vides ce jour et il n’y a que les commerçants locaux qui se contentent de quelques rares acheteurs de vivriers sous le regard de deux soldats des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI, armée).
Avant la fermeture de la frontière le 22 août, le trafic était assuré par une pirogue du village et deux bacs privés dont l’un appartenant au Haut commissariat des réfugiés (HCR).
Depuis la décision des autorités ivoiriennes, le ballet de ces embarcations est interrompu sur le fleuve, d’ailleurs la pirogue du village a été retirée de l’eau et placée sur la berge.
« Tout est aux arrêts depuis la fermeture de la frontière »
« Ça joue sur l’économie du village, chaque jeudi, les gens quittaient au Libéria pour prendre des vivres, mais depuis la fermeture de la frontière, le marché n’avance pas, tout est aux arrêts’’, s’inquiète le président des jeunes, Jean-Luc Tougba, de retour du marché avec des galettes grillées de farine de blé, la mine triste.
« Les marchandises qu’on vend ici, ce sont les Libériens qui payent, mais depuis qu’ils ont fermé la frontière ça ne marche pas, on souffre », se plaint Irika Jeanette, une vendeuse de piment sec et d’oignons.
Les quatre jeunes qui assuraient la traversée à bord de la pirogue du village à raison de 500 FCFA ou 200 FCFA par personne sont forcés au repos.
Egalement les quatre autres employés des bacs privés qui assuraient le trafic des véhicules et autres produits, ont aussi cessé leurs activités, tout comme ceux du HCR qui assuraient le transport de l’hévéa en provenance du Libéria. Mais aujourd’hui un écriteau sur le bac, indique que « l’accès est interdit à toute personne étrangère ».
David Wah, un des piroguiers, exprime l’inquiétude de ses pairs: « Ça ne va pas pour nous les jeunes, parce que c’est ici que nous trouvons l’argent pour survivre, mais aujourd’hui les gens n’arrivent pas ».
Les villageois ont peur du virus Ebola mais s’inquiètent surtout des traversées clandestines
Dans cette zone de quelques 1.500 habitants, les trafics clandestins ne manquent pas.
Le 30 août, des marins ont rapatriés au cours d’une patrouille, une dizaine de clandestins à bord de leurs embarcations entre Prollo et Piméké, un autre village au bord du Cavally, à la frontière libérienne.
Pour les cinq soldats FRCI, quatre gendarmes et trois policiers qui sont relayés chaque semaine par leurs pairs de Tabou à cette frontière, la tâche « n’est pas facile », confie un des leurs car « certains (villageois) ont leur parents » au Libéria, montrant du doigt une piste.
« Tous ceux qui sont ici connaissent beaucoup de pistes pour traverser, quand on va à Tabou on voit des gens qu’on connait au Libéria, on se sait pas comment ils rentrent, on a peur parce que la maladie est dangereuse », regrette David.
« Tout le monde le dit », a répondu le préfet de Tabou, Yacouba Doumbia au sujet des entrées frauduleuses en Côte d’Ivoire.
« C’est pour ça que nous disons que les populations soient impliquées, de sorte que tous les endroits connus soient tenus, notre objectif étant de protéger les populations contre cette maladie », ajoute M. Doumbia
« Les forces de l’ordre qui sont ici sont peu, le fleuve Cavally est très vaste » (515 km de longueur), s’inquiète le chef du village, Justin Klah, chaussé de bottes en caoutchouc, supervisant des travaux d’installation de poteaux électriques.
M. Klah invite le gouvernement à « renforcer » la sécurité de son village qui devrait être connecté mi septembre au réseau électrique, un projet qui date de 1999.
« Tout le monde est près à surveiller », a assuré le chef, « mais on veut un docteur spécialiste du virus Ebola à cette grande frontière internationale » de Prollo où les habitants parcourent 10 kilomètres pour des soins dans le centre de santé publique dans un village voisin.
Le gouvernement ivoirien multiplie les sensibilisations pour empêcher l’entrée du virus Ebola aux portes de la Côte d’Ivoire, ses deux voisins de l’ouest, le Libéra et la Guinée étant parmi les pays touchés par l’épidémie qui a fait plus de 2.000 morts selon le dernier bilan de l’OMS.
Pour le président des jeunes, « c’est Dieu qui nous protège », surtout que la « maladie n’a pas de médicament vraiment il faut avoir peur », lance M. Tayé.
EFI
Alerte-info.net
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