PRAO Yao Séraphin, analyste politique
Introduction
La France est le pays occidental qui a des liens très forts avec le continent Africain. Elle profite de son influence en Afrique pour son rayonnement au sein des organisations internationales. Elle est perçue tantôt comme un pays sauveur tantôt comme un pays impérialiste. Au sein de l’élite africaine, ce débat se prolonge en termes de soutien incontournable pour les pays africains d’une part et responsable du retard des Africains d’autre part. Dans cette controverse, il revient à l’histoire de trancher mais notre sentiment est que la France n’a pas la volonté d’en finir avec son passé colonial. Ce pays n’arrive pas à faire fonctionner son économie sans exploiter les Africains. De ce point de vue, nous nous autorisons à affirmer que la France restera toujours ce pays impérialiste. Si la France ne change pas sa politique vis-à-vis des pays Africains, alors pourquoi ces derniers peinent à sortir du pacte colonial ? Une première réponse réside dans la naïveté avec laquelle les dirigeants Africains anticipent les actions françaises en Afrique. Il faut donc rappeler aux Africains que la France n’a pas d’amis, elle cherchera toujours à nuire pour réussir. Tel est l’objet de cette présente réflexion qui s’articule autour de trois points principaux. Le premier présente la France comme un pays sans ressources naturelles colossales mais riche. Le deuxième point sonne comme un avertissement envers les Présidents Africains qui assimilent le changement à la tête de l’Etat français au changement du système impérialiste. Enfin, le troisième point invite les Africains à changer de paradigme s’ils veulent sortir de l’ornière dans laquelle ils se trouvent.
1. La France a un sous-sol pauvre mais elle s’enrichie avec les ressources des autres
La France avec tous ses territoires possède une superficie de 675 417 Km2. C’est le pays le plus étendue de l’Europe occidentale mais avec une faible densité démographique (environ 100 habitants au mètre carré). Elle a une population estimée à 64,5 millions d’habitants. La France est un vieux pays issu d’un vieux continent, car c’est le pays européen le plus anciennement constitué. La France se classe au 7e rang de la richesse moyenne par ménage dans le monde. Les cinq familles les plus riches de France possèdent beaucoup plus que les 30% de ménages les plus pauvres.
La France métropolitaine a un sous-sol pauvre mais elle peut se vanter d’avoir un potentiel grâce à la Polynésie française, la Guyane et la Nouvelle-Calédonie. En effet, la Polynésie française possède environ 50% des réserves mondiales de terres rares et des minerais. La Guyane a de l’or et la Nouvelle-Calédonie, du nickel. Mais la France tire son rayonnement et sa richesse du continent africain. Le pétrole africain appartient d’abord à la France avant de profiter aux Africains. Il en est de même de l’or, du nickel, du bauxite, du coltan, du fer, du cacao, du manganèse etc. Pendant que les pays africains croupissent sous le poids de la dette, la France pille et prête l’argent pour les soulager. L’exemple du Gabon est éloquent. Le pays exporte plus de 13 milliards de dollars de pétrole brut par an. Et pourtant l’espérance de vie des gabonais (55 ans) est à peine supérieur à celle des malgaches (54 ans). Aucun pays africain ne profite de son sous-sol, c’est la France qui profite de tout. Ce qui est bénédiction pour les occidentaux est malédiction pour les Africains. La Norvège a du pétrole mais elle n’a jamais connu la guerre. A contrario, l’Angola, le Congo, la RDC , la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Niger, le Mali ont connu soit une guerre ou des crises graves. Pour une goutte de pétrole, la France n’hésite pas à faire couler le sang.
2. Un changement de Président ne signifie pas la fin du système impérialiste
« La France n’a pas d’amis, elle a ses intérêts à défendre », cette phrase du Général De Gaule doit convaincre les Africains qui pensent encore aujourd’hui que le changement à la tête de l’Etat français, change le système. C’est une ignorance suicidaire et une méconnaissance parfaite de la France. Les observateurs lucides de la vie politique africaine ont dû se rendre compte qu’en période de guerre, les affaires marchent plus en Afrique. Pendant que les angolais s’entretuaient, le pétrole avait gardé sa même destination, pendant que les Ivoiriens détruisaient leur pays, le cacao, l’or et le diamant gardaient la même direction. Et dire que certains pensent, en Afrique, qu’un changement de Président en France signifie la fin du système. Ici encore c’est l’amateurisme et l’immaturité politique qui sont étalés au grand jour. En Côte d’Ivoire, avec l’arrivée de François Hollande à la tête de l’Etat français, quelques frontistes ont jubilé à tort croyant naïvement à un salut hypothétique. Pourtant l’histoire nous interdisait de telle croyance. En effet, le génocide rwandais s’est déroulé avec un gouvernement socialiste en France. Henri Konan Bédié a été chassé du pouvoir en 1999 alors que la droite était au pouvoir en France. Il ne faut pas également penser « acheter » un élément du système pour vaincre le système. Kadhafi a financé la campagne de Nicolas Sarkozy mais ce dernier avec l’aide de l’OTAN l’ont tué. Laurent Gbagbo a cru acheter le système avec les 2 milliards de FCFA accordés à Chirac. Malgré tout, il a été chassé du pouvoir sans la manière. Les positions varient, les techniques de camouflage se sont sophistiquées mais le système est bien en place. Les tyrans et despotes sont les amis de la France, imposés démocratiquement ou par les armes. En échange, ces obséquieux veillent et protègent les intérêts français en Afrique.
3. Les Africains doivent changer de paradigme pour vaincre l’impérialisme
Les Africains doivent compter sur eux-mêmes pour leur développement et ne jamais compter sur les autres. Il est habituel d’entendre des hommes politiques dire qu’il faut compter sur la France pour arriver au pouvoir en Afrique. C’est vraiment pitoyable pour cette élite perdue dans les idées et dans le vent de la renaissance africaine. L’égoïsme ne prospère pas mais plutôt le panafricanisme. L’histoire nous enseigne que les Présidents pantins finissent toujours dans la honte. Nous en voulons pour preuve la fin cauchemardesque de Mobutu, la honteuse fin d’Omar Bongo. N’oublions pas l’humiliation d’Houphouët Boigny à la fin de son règne. Pour ceux qui sont encore en vie, la déchéance n’est pas loin : Paul Biya a perdu sa sérénité et Sassou Nguesso est dans le viseur.
Il faut changer de paradigme. La France a décidé de contrôler totalement le sous-sol de l’Afrique. La guerre en Côte d’Ivoire et celle qui a cours au Mali sont là pour témoigner. Au Mali, le MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad) a été créé et soutenu par les Occidentaux pour contrôler les richesses du Mali. Dans leur schéma, la France compte sur quelques pays voisins pour piller les autres. Au Mali, la France s’appuie sur des pays comme le Burkina Faso et la Mauritanie, où les rebelles ont pignon sur rue et où ils ont des espaces pour s’exprimer. Pourquoi les rebelles cherchent l’autonomie de Kidal et Tessalit ? C’est simplement pour livrer le pétrole, le gaz, l’uranium, l’or et le diamant autour de la région de Kidal, à la France. C’est ainsi que les occidentaux fonctionnent. Ce schéma a marché au Soudan avec la division du pays.
Comme un vampire, la France vit avec le sang des Africains. Prenons le cas du Niger. La France veut avoir l’Uranium du pays sans effort. Les deux filiales d’Areva au Niger, la Somaïr et la Cominak, bénéficient en effet de nombreux avantages fiscaux : exemptions sur les droits de douane, exonérations de TVA ou encore une exonération sur les taxes sur les carburants, qu’elles utilisent pourtant en grande quantité. En 2010, les deux filiales avaient extrait un total de 114 346 tonnes d’uranium au Niger, représentant une valeur d’exportation de 2 300 milliards de francs CFA (plus de 3,5 milliards d’euros). Sur cette somme, le Niger n’aurait touché que 300 milliards de Francs CFA (environ 459 millions d’euros), soit 13% de cette valeur exportée. Pendant ce temps, le quatrième producteur d’uranium au monde et fournisseur stratégique d’Areva et de la France reste l’un des pays les plus pauvres de la planète. En France, une ampoule sur trois est éclairée grâce à l’uranium nigérien. Au Niger, près de 90% de la population n’a pas accès à l’électricité. Pour ne pas livrer les Présidents courageux, les Africains doivent s’entendre pour élaborer ensemble les codes miniers et fixer ensemble les parts qui doivent revenir aux Africains. Avec un tel schéma, il sera impossible de combattre un groupe de pays car les contrats ne seront plus secrets et opaques.
Conclusion
Le continent Africain a tout pour se développer mais son développement tarde. Les Africains ont tout donné aux occidentaux. La population de l’Afrique australe était réduite au rôle de réservoir de main-d’œuvre pour l’industrie minière et pour l’agriculture des colons blancs. L’Afrique centrale et équatoriale était offerte aux compagnies concessionnaires et à des aventuriers qui la décimèrent à travers l’enrôlement et le travail forcé. En Afrique occidentale, depuis l’abolition du commerce des esclaves, une économie de traite commerciale au profit de sociétés européennes évinçait les commerçants traditionnels ou les producteurs d’or locaux, et se développait sur la base d’un échange inégal de produits à partir des comptoirs jalonnant les côtes. L’Europe s’industrialisait, et tout ce commerce était orienté en fonction de ses intérêts capitalistes. Pour les pays d’Afrique francophones, un seul pays, la France retarde le développement du sous-continent en pillant ses ressources minières et pétrolières. Dans ce combat pour la renaissance africaine, nous avons des chances pour réussir contre l’impérialisme français. La France ne change pas ses plans d’actions, elle est restée égale à elle-même. Il revient aux Africains d’élaborer un plan d’action collégiale pour contrer l’imposture coloniale.
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