«La culture du Pdci n’est pas celle de l’ingratitude et du mépris de sa jeunesse »
Jeune Professeur à l’Université, écrivain mais également militant du Pdci et membre du Cpj de KKB, Konan Roger Langui parle de sa montée en grade, de ses travaux académiques dont la « Revue Le Didiga » et les « Éditions Didiga » ; en rapport avec le terme didiga connu comme un concept de son maître, feu Prof. Bernard Zadi Zaourou. Il lève un coin du voile sur le combat du Député KKB au sein du Pdci, de l’émergence…Interview.
Vous étiez Docteur et Maître-assistant, aujourd’hui Professeur. Quel effet cela vous fait-il ?
Il faut dire que le terme « Professeur » pour les Maîtres de Conférences pourrait disparaître. Une proposition au Cames voudrait qu’on le réserve désormais aux Professeurs Titulaires. Mais les habitudes le maintiennent encore. Je suis satisfais ; satisfait du travail accompli et les réactions en international. C’est aussi à l’honneur de mon maître, feu le Professeur Bernard Zadi Zaourou.
Vous parlez de votre Maître Bernard Zadi Zaourou qui est l’initiateur du ‘’Didiga’’. Comment se porte ce projet dont on a eu connaissance par voie de presse, il y a peu ?
Oui nous avions créé une revue scientifique pour honorer sa mémoire. Vous pouvez le consulter en ligne à www.revueledidiga.com. C’est une revue qui est connue à travers le monde puisque nous avons des contributeurs de l’Afrique francophone et anglophone, de l’Asie, du monde Arabe de l’Europe et du Canada. Elle est aussi très bien quottée au Cames au vu du succès des candidats qui publient chez nous. Nous venons aussi de lancer une maison d’édition appelée ‘’Les Éditions Didiga’’. Le projet a démarré. D’ici l’année prochaine, nous aurons, grâce à Dieu, les financements nécessaires pour travailler. Nous couvrons tous les genres littéraires, de la poésie au roman en passant par le théâtre, la nouvelle et les chroniques en plus des publications universitaires. Pour le moment, nous sommes en collaboration avec de grandes maisons par rapport aux moyens dont nous ne disposons pas encore. Vous savez que la recherche n’est pas subventionnée chez nous.
Jeune, Enseignant et politicien. Comment alliez-vous tout cela ?
D’abord l’enseignement et la politique n’ont jamais été séparés. La politique est animée d’idéologies. Les idéologies sont exprimées, enseignées dans les joutes universitaires. Ceux qui pensent qu’elle est incompatible à la formation universitaire, se fourvoient. L’enseignant-chercheur est un expert en idéologie, c’est un conseiller et un acteur politique puisque c’est un observateur assidu de la société. C’est par ignorance que nous sommes peu écoutés.
Vous êtes membre du CPJ qui est un mouvement des jeunes cadres du Pdci dirigé par l’ex-Président de la Jpdci, Kouadio Konan Bertin dit KKB. Ce mouvement était très en vogue et était dans une logique de mener un combat pour le positionnement de la jeunesse du Pdci. Doit-on dire que ce combat est perdu puisse qu’on ne voit pratiquement plus personne autour de lui. Par ailleurs, il n’est plus Président des jeunes et n’est plus que député aujourd’hui ?
Il faut savoir que le Président KKB était porteur d’un projet ; celui de permettre au Président Henri Konan Bédié d’accéder au Pouvoir. C’était notre mission. Nous avons fait ce que nous pouvions. Mais suite à une position du Président Bédié lui-même, il avait, souvenez-vous, rétorqué : « tant pis pour vous » ! Ce bout de propos traduisait l’agacement face aux méthodes qui nous ont conduits à perdre ces élections présidentielles. Mais on a l’impression que pour l’instant, nous sommes les seuls qui ont mal. On ne peut pas vouloir faire de la politique et se dérober à certaines situations et événements historiques. Pour n’avoir pas compris cela, le PDCI d’Houphouët est aujourd’hui dans la posture du nécessiteux. Bédié a compté sur des gens qui comptent, eux, sur son argent ; le drame est que lui-même semble s’y complaire. Il les a appelé des « suiveurs » mais il se sert bien d’eux aujourd’hui, tandis qu’il est même devenu ou presque le suiveur de Ouattara. Non, notre combat n’est pas perdu et ce n’est pas nous, les « égarés ». Nous avons simplement compris les nouveaux enjeux. C’est pourquoi pour nous, le PDCI-RDA doit être désormais affranchi de toute tutelle ; notre salut à nous en dépend tout comme la dignité de la mémoire du Président Houphouët ! Le Président Bédié et certains cadres n’attendent plus rien de ce parti. Nous si. C’est pourquoi, nous sommes au laboratoire pour que ce parti puisse rebondir.
Pourtant KKB est toujours seul lors de certaines déclarations relatives à la nouvelle composition de la Commission électorale indépendante (Cei), des débats au sein du Pdci tels que la candidature unique au sein du Rhdp etc. L’on ne voit plus cette effervescence des jeunes cadres autour de leur leader. N’est-ce pas une démission ?
Il ne s’agit pas de céder au désordre non plus. C’est son rôle et il le tient bien. Aujourd’hui, il est un os dans la gorge de Bédié et Ouattara. Pour ce qui concerne la situation que vous décrivez, nous ne sommes plus dans le même contexte qu’à la JPDCI. Ici ce sont des idéaux qu’il faut porter. Le discours qu’il tient est, au-delà des jeunes du Pdci, celui de l’ensemble des jeunes de Côte d’Ivoire. Et nous l’accompagnons autant que nous pouvons. À un moment donné, les uns et les autres apprécieront.
Justement, KKB a récemment fait une déclaration qui a vu la réaction vigoureuse de Touré Mamadou, conseiller auprès du Président de la République chargé de la jeunesse et des sports. Il a même affirmé que KKB était une tope du Fpi lors de la crise postélectorale. Au niveau des proches de KKB, il n’y a pas eu de réaction. Pourquoi ce silence ?
Vous savez, quand vos fondations sont basées sur la guerre, directement ou indirectement menée, il faut en avoir conscience. Déjà, ça. Ça vous évite beaucoup de chose comme l’ignorance qui conduit à de telles sorties. Que KKB soit une tope ou pas, c’est dans quel intérêt son parti et lui l’inscrivent ? Ce sont ni les allégations ni les rumeurs qui font vivre un régime. Pourquoi KKB doit-il payer pour un pacte dont il n’est pas signataire ? A-t-on besoin d’être une tope pour dire à Ouattara que la renonciation de Bédié à exiger sa victoire nous écœure ? Et si KKB a confié, pour autant que ce soit vrai, son indignation devant la tournure des événements à un tiers, fut-il Blé Goudé, il était au moment des faits sur un plateau de télévision pour le même Ouattara. C’était suffisant pour le justifier. Je ne pense pas que KKB soit homme à mentir à lui-même. Vous savez certains peuvent être burkinabé lundi et finir ivoirien mardi, lui n’a pas ce don. Il n’a pas contredit les propos de Blé Goudé, parce que si ça se trouve, il ne sait pas mentir. Il faut laisser jouer ceux qui confondent politique et théâtre. Tout le monde sait que KKB n’a jamais tenu une arme, il n’a jamais menacé personne, ni pour lui-même, ni dans sa volonté de porter Bédié au pouvoir. La JPDCI qu’il dirigeait n’était ni une structure du RHDP, ni du RDR non plus. Ce n’était pas non plus une milice encore moins quelques mouvements de rébellion patriotique. Mais alors ?
Mais il trouve que le Président Alassane Ouattara a été insulté par KKB ?
Bon, s’il trouve que ne pas soutenir la candidature unique, c’est insulter le Président Ouattara, c’est qu’il a du boulot. Ils peuvent prendre Bédié en otage mais pas nous. Mais là où nous réagirons sûrement, c’est le fait qu’un député d’un parti politique exprime une position par rapport à son parti et qu’il se trouve des gens d’un autre parti politique, qui, sans être interpellés, trouvent prétexte à réagir et parfois dans une forme de violence des plus inouïes. Ouattara n’est pas PDCI-RDA, pourquoi doit-il être candidat de ce parti ? Je leur dis simplement une seule chose : le pouvoir est une porte d’entrée à la CPI ; et ce n’est pas valable que pour Gbagbo et Blé Goudé. On a l’impression que ces gens là n’ont pas d’inspiration politique en temps de paix.
Il dit que c’est grâce aux Présidents Ouattara et Bédié que KKB a été élu comme député.
Qu’il dise plutôt que Bédié et Ouattara l’ont nommé député, ce serait plus cohérent. S’il trouve que le Président ne doit pas être critiqué alors qu’il lui trouve une autre fonction. C’est aussi simple ! C’est une mobilisation du Pdci qui a fait de Ouattara Président de ce pays. Si nous disons non aujourd’hui, c’est notre droit le plus absolu. Ils n’ont pas créé leur parti pour que le nôtre soit club de soutien. Nous sommes en droit de retirer notre confiance à leur candidat qui a opté pour le rattrapage. Donc ce clan est encore là pour le faire réélire si ça se trouve. Maintenant Bédié peut se joindre à eux, il a fini chez nous.
Même au sein de votre parti, le Pdci, KKB ne semble pas être compris. L’actuel porte-parole, le ministre Adjoumani a fait une sortie dans la presse le 4 août pour dire que KKB est « un égaré ». Est-ce à dire que KKB mène le mauvais combat ?
Quand un porte-parole tombe dans l’excès, ce sont ses émotions qui parlent. Je ne sais pas ce que KKB a bien pu lui faire personnellement mais nous étions au tribunal quand Gbagbo a voulu l’emprisonner. D’autre part, s’il insulte KKB, c’est parce que Bédié a été le premier à le traiter de « soldat perdu » ! C’est Bédié qu’il reprend. Je crois que la culture du Pdci n’est pas une culture de l’ingratitude ni du mépris de la jeunesse. Bédié veut neutraliser le PDCI parce qu’un pont, qu’il aurait pu construire, porte son nom. Nous ne sommes pas d’accord avec. Le Pdci a une tradition de combat et il a fini ses combats. S’il veut s’engager désormais au RDR, c’est son droit. Alors qu’il prenne une carte de militant.
Vous avez dit que le Président Bédié est en train de se montrer ingrat et méprisable vis-à-vis de sa jeunesse. Alors que nous entendons depuis le dernier congrès en février dernier que le Pdci est en pleine restructuration avec sa jeunesse comme élément prioritaire de cette restructuration ?
Peut-être que c’est mois qui ne connais pas le sens des mots « restructuration » et « rajeunissement ».
Le mardi 5 août 2014, KKB a animé un point de presse en vue de garder le cap sur son combat. Selon lui, le Rhdp était mort, la Cei n’était pas bonne dans sa nouvelle composition, ou encore le Pdci aura bel et bien un candidat en 2015 pour redonner espoir aux Ivoiriens sur tous les plans. Ne croyez-vous pas que cet entêtement peut lui coûter la vie ?
Si l’entêtement pouvait tuer, certains n’auraient jamais été au pouvoir. Maintenant s’ils estiment qu’attenter à sa vie est la solution pour camoufler leurs insuffisances, leur manque d’argument, je crois qu’ils se trompent amèrement.
Vous êtes issu de la Région du Bélier. Alors que pensez-vous du travail abattu par le Premier ministre Ahoussou, Président du Conseil régional de cette région que vous avez soutenu ?
Ce n’est pas le Premier ministre Ahoussou que nous jugerons le moment venu, c’est Bédié. Il nous a été imposé par Bédié. Maintenant, qu’a-t-il fait à ce jour ? Je sais qu’il a organisé les fêtes de Pâques à Tiébissou. J’ai aussi appris qu’il a créé une radio régionale. C’est important mais ce n’est pas pertinent. Il y a une absence de programme et on a l’impression que l’on a tordu la main à notre région pour rien. Néanmoins, nous sommes fiers d’avoir fait preuve de maturité et de discipline. Désormais on ne nous le reprochera pas.
Pour vous donc, pour le moment, l’essentiel n’a-t-il pas encore été fait ?
Pour l’instant, ce que j’estime être du ressort d’un Conseil Régional n’est pas là. Peut-être que ça viendra mais pour le moment ce n’est pas encore là. Et c’est Bédié que je regarde.
Vous vous attendiez à quoi par exemple ?
À ce qu’il mette son programme en œuvre s’il en a. Au niveau des infrastructures, de l’assistance et de la formation de nos populations, projets agricoles, des soutiens à la jeunesse et aux femmes, nous sommes en attente. Au niveau sanitaire plus particulièrement, le ratio est un des plus faibles du pays, en plus des tabous qui forcent les parents à éviter de se soigner dans les hôpitaux. Également, il y a des villages où la famine pousse les gens à l’exode ; environ 70 % des jeunes vivent dans la transhumance saisonnière. Donc s’il a un programme, qu’il le mette en pratique enfin en commençant par des choses simples et urgentes. D’ailleurs, je vous rappelle qu’il n’existe aucune banque à Tiébissou encore moins à Didiévi et à ma connaissance, il n’y en a qu’une seule à Toumodi.
Donc le combat que vous avez mené n’a pas été récompensé comme vous le souhaitiez ?
Pour l’instant, pas du tout. Et la suite n’est pas de bon augure. La récompense ce sont les œuvres sur le terrain et je n’ai pas encore connaissance de quoi que ce soit. Parce que la fête de Pâques, à la tombée du rideau, il n’y a plus rien généralement. Aujourd’hui, je ne peux pas retourner dans les villages où j’ai battu campagne mais ça, je trouverai les mots justes si la situation ne change pas.
Vous êtes un Professeur d’université. Croyez-vous que la Côte d’Ivoire est sur la voie de l’émergence prônée par le Président Alassane Ouattara ?
J’essaie de comprendre ce qu’il veut dire avec ce terme en Côte d’Ivoire. On était hier « pays à revenu intermédiaire », comme le terme « conjoncture » a cédé la place à l’expression « crise financière ». Nous baignons dans la même mythologie des économistes. Ce que le Président Houphouët-Boigny a laissé comme infrastructures, c’est la base de l’émergence. Ce que je comprends, c’est que depuis le décès du Président Houphouët-Boigny, il n’y a eu aucune intelligence créatrice, excusez-moi du terme, pour compléter, mettre en activité ce qui existe. En le disant, je n’insulte personne. Rien de concret n’a été fait à Yamoussoukro malgré le zèle de fin de règne de Gbagbo, ni à San-Pedro, une ville qui devrait exprimer toute la puissance économique de la Côte d’Ivoire, ni à Yamoussoukro où vous aurez des larmes aux yeux devant ces avenues dégradées. Quand ils ajoutent des bouts de chaussée par-ci par-là, la télévision est prise en otage. On ne voit que des noms d’une seule région défiler sur les écrans. Non, l’émergence, à mon sens, n’est pas autre chose que le rattrapage ethnique. Quand un régime ne peut pas mettre à profit la visite du Président Français, ce n’est pas de l’émergence, c’est du désastre. Ce pays a la responsabilité de nous accompagner dans une industrialisation audacieuse. Ça il faut savoir l’exiger ou se tourner vers d’autres.
Mais le Président Bédié était sur la bonne voie avec les 12 chantiers de l’Eléphant d’Afrique ?
Le reproche que je fais au président Bédié, est que, quand on engage une politique, on se donne les moyens de faire face à ceux qui vous combattront. Pas forcément par la force. Ce n’est pas parce qu’Houphouët n’avait pas été combattu qu’il a fait ce qu’il a fait. Il a manqué quelque chose en 1999. Mais il doit nous laisser nous en occuper. J’espère que ce n’est pas le remords et les regrets qui justifient son refus de partir. Mais dans tous les cas, notre génération doit prendre ses responsabilités.
Est-ce à dire que cette « intelligence créatrice » qui manquait est là aujourd’hui avec le Président Ouattara ?
Je ne sais pas. À vous de voir de toute façon. Mais puisque vous me poser la question, cette politique qui consiste à neutraliser systématiquement le FPI par des emprisonnements massifs pour aboutir sans jugement, à des libérations, elles aussi massives, n’est pas de bon augure ; le rattrapage non plus. Voyez quand il a parlé de 800.000 emplois dans l’agriculture lors de son adresse à la nation, des gens se demandaient si c’est au Mont Péko qu’il les a créés. Quel esprit de créativité peut vous amener à frustrer des adversaires qui n’attendront que le vent tourne un jour ? À quoi sert-il de faire des ponts quand d’autres ne jurent qu’à les casser un jour ? Ce que j’appelle « intelligence créatrice » caractérise la politique d’Houphouët-Boigny.
Pour vous donc l’émergence n’est pas possible ?
Si ce terme voulait dire « développement », le gouvernement avec lequel il travail m’inquiète. Je prends quelques exemples : le décès de cette jeune dame qui a défrayé la chronique au Chu de Cocody prouve que les ivoiriens sont en sursis ; l’Université de Cocody a été fermée pendant deux (2) ans, pour nous servir que de l’arrogance parfois. Quand vous voyez un membre du gouvernement affirmer de façon péremptoire que les lettres sont inutiles dans le projet d’émergence, n’est-ce pas que la Côte d’Ivoire est plutôt à terre ? Ce même gouvernement interdit les sachets plastiques le matin et le soir les autorise, oubliant que la logique est d’abord que ceux qui polluent ramassent. On ne peut pas faire un travail ingénieux avec des gens qui sont eux-mêmes démotivés, indécis ou qui se croient au-dessus de la mêlée. C’est pourquoi, je pense que ce projet est une arnaque.
Avez-vous un appel particulier ?
L’appel que je lance aux Ivoiriens, c’est que l’avenir de la Côte d’Ivoire est entre les mains des jeunes. Ceux à qui, il revient de décider. Ils sont majoritaires aujourd’hui et ont leur destin en main avec le Président KKB. Que les gens le traite de « militant du Fpi », « de tope », c’est leur problème. C’est avec lui que le PDCI s’affirme.
Réalisée par Benoît Kadjo
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