Par Serge Alain Koffi
“Depuis que nous sommes sortis du site après l’attaque, jusqu’à présent il n’y a pas eu d’assistance’’ aux victimes, affirme avec tristesse Julien Kpahi, l’un des rescapés du camp des déplacés de Nahibly à Duékoué, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, attaqué le 20 juillet 2012 par une horde de manifestants.
Le meurtre, quelques jours plus tôt, de quatre personnes dans un quartier de la ville peuplée en majorité des allogènes malinkés (ethnie réputée favorable au chef de l’Etat Alassane Ouattara), en avait été le détonateur. Une foule a attaqué, en représailles, le camp (abritant surtout des réfugiés autochtones guérés, vus comme partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo), tuant, selon un bilan officiel, « au moins sept personnes » sur près de 2.000 qui y vivaient.
Deux ans après ces tragiques événements, des rescapés sont toujours sans assistance, mais continuent de réclamer justice. Parmi eux, Julien Kpahi, la quarantaine, délégué des ressortissants de Niambly (petit village situé à 5 km de Duékoué) vivant dans le camp, à l’époque des faits.
Retourné vivre dans son village après la destruction du camp, il essaie de reconstruire sa vie. “Nous n’avons pas été dédommagés. Certains parmi nous sont restés sans soins après avoir été bastonnés et blessés lors de l’attaque’’, se plaint-il.
Le camp avait été construit à Duekoué par le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) aux premières heures de la crise armée post-électorale survenue entre novembre 2010 et avril 2011, pour recueillir provisoirement les populations fuyant les violences dans leurs villages devant l’avancée des forces fidèles à M. Ouattara.
Aussi, Julien Kpahi dont deux frères ont été tués au cours de l’attaque du camp, comprend mal que le gouvernement ivoirien, le HCR et les autres organisations humanitaires soient restés “muets sur ce dossier jusqu’à présent’’.
M. Ouattara a annoncé le 06 août dernier, la création d’un fonds spécial pour indemniser les victimes de la crise post-électorale avant fin 2014 sans préciser si ceux de l’attaque du camp de Nahibly, survenue un an après la fin de cette crise, sont concernés.
Selon Julien Kpahi, certains parmi les ex-pensionnaires du camp de Nahibly ont regagné, malgré eux, leur village d’origine où ils ont tout perdu, tandis que d’autres continuent d’errer à Duekoué, où ils sont sans abris.
Situé à l’entrée ouest de la ville, le camp bâti sur une superficie de 7 ha, fait place deux ans après à un terrain vague envahi par des herbes. En bordure de la route bitumée, un grand panneau indique que le site est mis en exploitation par un promoteur immobilier dans le cadre du programme gouvernemental des logements sociaux et économiques.
Quelques mètres derrière le panneau, on aperçoit un tas de sable blanc de construction répandu et des briques posées à même le sol. A l’arrière-plan, environ cinq maisons nouvellement construites ont remplacé les tentes d’il y a un peu plus de deux ans des déplacés de guerre.
Comme Julien Kpahi, Léa Oulai, elle aussi rescapée, plaide pour un dédommagement, une prise en charge médicale des ex-pensionnaires du camp de Nahibly. Mais surtout pour que les corps repêchés de puits trois mois après l’attaque et acheminés à Abidjan pour autopsie, soient ramenés à Duekoué et les résultats de l’expertise médicale rendus publics.
Les cadavres de cinq hommes et d’une femme, vraisemblablement des victimes du camp de Nahibly, avaient été découverts dans un puits, en forme de fosse commune, le 11 octobre 2012, dans le quartier Sodeci de Duékoué.
Les résultats de l’enquête promis par les autorités ivoiriennes pour situer sur les causes de cette découverte macabre, se font toujours attendre.
Pour le chef central de Duekoué, François Bah Tahé, “justice doit être faite’’. La seule condition pour que “les cœurs soient apaisés’’ dans cette cité martyre de la crise postélectorale où plusieurs centaines de morts ont été enregistrés sur les quelque 3.000 morts de cette période de violences en Côte d’Ivoire.
SKO/GBK
Alerte-info.net
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