Côte d’Ivoire: la petite monnaie, une pièce rare à Abidjan (REPORTAGE)

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« Montez avec la monnaie »,  » Préparez la monnaie exacte ». Ces prescriptions sont estampillées dans les bus de la Société de transport abidjanais (Sotra, parapublique), dans les taxis et des surfaces commerciales de la capitale économique ivoirienne, Abidjan, où la question de la petite monnaie dans les échanges commerciaux se pose avec acuité.

« Je suis allé dans une pharmacie, après avoir donné 5.000 francs pour une ordonnance d’un peu plus de 4.900, la caissière a proposé de me signer un avoir faute de monnaie », rapporte A. Bahi, un agent de police qui ajoute être reparti sans prendre l’avoir et sans réclamer sa monnaie.

« A moi, on m’a proposé dans un supermarché des bonbons à la place de la monnaie », affirme Pierre André, fonctionnaire de son état.

A la boulangerie, chez le boutiquier du quartier, au marché ou dans les supermarchés, les rapports entre clients et commerçants ne sont pas sans heurts à cause du problème de la monnaie à remettre.

Dans la majorité des cas, les usagers sont contraints de faire des achats imprévus ou d’acheter des biens non nécessaires ( mouchoirs, chewing-gums, etc.), dans le seul but d’avoir des pièces de monnaie.

Bien souvent, c’est au bout d’une gymnastique arithmétique que le vendeur finit par remettre la monnaie, s’il ne refoule pas simplement le client.

« Après avoir fait le rang pendant une dizaine de minutes, j’ai été prié de descendre d’un woro woro (taxi banalisé) parce que j’ ai tendu un billet de 1 000 francs au lieu de la somme de 600 pour le transport », rapporte un usager de la ligne Yopougon-Cocody.

Il arrive même que passagers et apprentis-chauffeurs en viennent aux mains à propos de la monnaie.

Ces scènes sont chose banale dans les gares de taxis ou de mini cars de transport à Abidjan communément appelés « gbaka » où les rabatteurs et autres chargeurs crient à tue-tête aux passagers de préparer la monnaie exacte avant de monter à bord des véhicules.

DES RESEAUX DE RETENTION ET DE TRAFIC

Selon une étude d’experts, statisticiens et économistes ivoiriens, la rareté de la monnaie est créée par une rétention et un trafic organisés par les commerçants.

Un autre rapport sur le sujet avait identifié une trentaine de points de trafic dans la capitale économique ivoirienne où les billets de banque sont échangés contre la petite monnaie, moyennant un prélèvement de 10%.

Des jeunes filles, commerçantes d’eau en sachet, par exemple, vendent à la fin de la journée leur recette, constituée de pièces de monnaie, à d’autres commerçants.

« La monnaie se vend, c’est pourquoi les commerçants sont réticents à donner les pièces quand il s’agit de rembourser le client », affirme un vendeur d’ignames dans un marché d’Abidjan.

Les commerçants agréent à ce trafic de petite monnaie d’autant plus qu’il leur permet d’écouler facilement leurs marchandises.

« Quand on a la monnaie, on vend beaucoup. Mais si pour un billet de 5.000 ou 2.000 ou même 1.000 francs, on est obligé de faire le tour du marché pour chercher la monnaie sans même être certain d’en trouver, on perd son temps et jusqu’au soir on gagne rien », affirme un boucher qui avoue « acheter la monnaie pour pouvoir vendre ».

« En tout cas, ça nous arrange », soutient-il.

Les pompistes, dans les stations de carburant, forment également un autre groupe de vendeurs de la petite monnaie.

« Avant d’aller déposer la recette, les soirs on vend la monnaie à des restaurateurs, boutiquiers et autres personnes qui ont besoin de petites pièces », confie Horo Mohomed, anciennement employé dans une station-service.

Mme Désirée Kouadio, responsable de la comptabilité de plusieurs magasins de photocopie, révèle qu’elle échange ses pièces de monnaie contre du savon dans une pharmacie.

Un autre circuit de trafic de monnaie est alimenté par les apprentis-chauffeurs de « gbaka » et les mendiants postés devant les mosquées.

Par exemple, les vendeuses ambulantes de mouchoirs en papier et de serviettes de poche qui pullulent dans les gares routières ont leur portefeuille attaché à leur rein bourré de jetons qu’elles achètent les soirs avec les apprentis-chauffeurs de « gbaka » moyennant 50 francs pour un billet de 1.000 francs, selon des sources bien introduites.

Une autre poche de rétention de la petite monnaie est constituée par les mendiants.

Assis devant les mosquées, tous les jours, ils reçoivent dans leurs bols posés à leurs pieds, à longueur de journée, des pièces sonnantes de personnes désireuses de faire l’aumône, une obligation chez les musulmans.

Bon nombre d’Abidjanais pensent tout simplement que les jetons se font rares parce que les banques n’arrivent pas à satisfaire la demande en petite monnaie des clients.

Xinhua

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