Billet d’humeur d’André Silver Konan
Certains disent : nous ne sommes pas encore indépendants. Je leur réponds : qui doit nous-redonner notre indépendance et comment cela doit se faire ? D’autres disent encore : nous avons eu l’indépendance politique, il nous reste l’indépendance économique. Je leur réponds : aucune Nation au monde, pas même la grande Amérique, n’est totalement indépendante économiquement.
Aux uns et aux autres, je dis ceci : le 7 août 1960, nous avons eu la plus parfaite des indépendances qui détermine toutes les autres indépendances : le droit souverain de mon peuple à disposer de lui-même, avec tout ce que cela implique. Le problème n’est donc pas les autres Nations plus ou moins puissantes qui nous empêcheraient de jouir intégralement de notre indépendance.
Croyez-vous que ça plait à certaines Nations que la Chine soit devenue en l’espace d’une génération, le premier exportateur mondial, devant l’Allemagne et les Etats-Unis ? Croyez-vous que ça plait à tout le monde que l’Inde dispose de l’arme nucléaire ? Pensez-vous que tout le monde accepte que le Brésil prenne le leadership des pays émergents ? Détrompez-vous si vous pensez que tout le monde est ravi que le Japon, ce pays d’Asie, petit comme la Côte d’Ivoire (377 915 km2), bombardé sans ménagement, il y a environ 70 ans, puisse être la troisième puissance économique du monde, devant la France et la Grande-Bretagne ?
Autant cela ne nous plaît pas à nous Ivoiriens, de manger du chocolat importé chèrement de Suisse et de nous voir envahir par les produits chinois, autant nous devons comprendre que tout le monde n’est pas content que nous soyons les premiers producteurs au monde de cacao, devant l’Indonésie et le Brésil. Au demeurant, nous devons comprendre que notre croissance qui frôle les deux chiffres depuis trois ans (même si les effets sont peu perceptibles actuellement du fait du taux très élevé de pauvreté et d’emplois précaires, conséquence de la décennie gâchée ; il est clair que la Côte d’Ivoire prendra une sérieuse option sur la voie de l’émergence économique, si cette tendance est maintenue sur dix ans au minimum) suscite nécessairement des jalousies bien contenues, pour l’heure.
La question que les Ivoiriens en particulier et les Africains en général, devraient donc se poser est : qu’avons-nous fait de notre indépendance acquise par les pères de nos pères et les mères de nos mères, au prix de leur sang et de leurs larmes ?
Quand nous aurons répondu avec responsabilité à cette question, et donc déterminé nos propres faiblesses, nos rendez-vous manqués avec l’Histoire, notre refus d’assumer notre part d’héritage et de sacrifice, nos indisciplines, notre manque de courage et d’initiatives ; nous arrêterons de pleurnicher devant des mots devenus creux face à l’ordre mondial, tels le colonialisme et l’impérialisme. Et alors, nous nous mettrons résolument et fermement au travail qui seul, je dis bien seul, nous libérera des chaînes de la pauvreté, du sous-développement, de l’obscurantisme, bref, de la dépendance. Bonne fête de l’indépendance !
André Silver Konan
Journaliste-écrivain
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