Côte d’Ivoire crise au FPI: Faut-il brûler Affi ?

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Je veux mettre tout de suite le lecteur à l’aise. Dans la crise qui oppose Pascal Affi N’Guessan à des barons au sein du Front populaire ivoirien (FPI), mon soutien va au premier. Vous comprendrez aisément que mon argumentation ci-dessous sera nécessairement subjective, quoique globalement, elle restera intellectuellement honnête. Cela dit, je commence cette introduction par la conclusion en répondant à la question posée en titre. Faut-il brûler Affi ? Ma réponse est radicalement simple : non !
Je l’ai déjà dit, Affi a commis six péchés lors du remaniement du « gouvernement » du FPI. Des péchés allant de la tentative de parricide subtile, à la mise à l’écart royale des exilés, en passant par les coups d’Etat sans effusion de sang sur Simone Gbagbo et Laurent Akoun, jusque-là secrétaire général.

Akoun, Douaty, Sangaré et compagnie
Je pense qu’il est temps qu’on se dise quelques petites vérités entre amis. Quels sont les faits d’armes d’Akoun ? Un : il a fait la prison sous Alassane Ouattara, Affi aussi. D’ailleurs, le second a passé plus de temps derrière les barreaux que le premier. Deux : il n’est pas un militant de la première heure du FPI, Affi si. Trois, parlons de la période la plus déterminante pour le FPI : la crise postélectorale de décembre 2010 à avril 2011. J’ai beau fouillé dans les méninges de mon souvenir, je n’ai trouvé aucune déclaration, aucune action, aucun fait qui accréditerait la thèse selon laquelle il a mené le combat pendant la crise postélectorale. Dieu seul sait que c’est pendant cette période qu’il fallait montrer qu’on en a dans le froc. Affi par contre, et les archives sont là, tenait encore des meetings inconséquents (il faut bien le reconnaître), insultait encore Ouattara et la communauté internationale, même quand les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) étaient aux portes d’Abidjan.
Je reproche la même disparition des écrans radar politiques lors de la crise postélectorale à Alphonse Douaty. Je n’ai retrouvé aucune trace de lui pendant cette période. Ceux qui étaient au front à cette époque sont bien connus : Affi, Blé Goudé, Simone Gbagbo, Koné Katinan, Ahoua Don Mello, Eugène Djué, Ouattara Gnonzié, Odette Lorougnon…et une bonne partie de ceux qui sont actuellement au Ghana, ou en sont rentrés. Je n’ai entendu ni Douaty, ni Aboudrahamane Sangaré, l’autoproclamé gardien du temple socialiste. Ce dernier, je le dis très fermement, a aujourd’hui le beau rôle. Durant les onze ans de pouvoir de Gbagbo, il s’est contenté de jouir de son poste taillé sur mesure (l’Inspection générale d’Etat érigée en Institution) et de se laisser bercer par une indéniable beauté juvénile (on se comprend) sans jamais monter au front. Le seul fait d’armes qu’on connaisse à Sangaré est sa présence (même dans cette crise, il cherchait encore l’ombre tutélaire de Gbagbo) dans le bunker de Cocody, avec mère octogénaire et bagages encombrants.
Le quatrième baron (un certain Tapé Kipré) qui conteste ouvertement les choix d’Affi, je ne parlerai pas de lui, parce que je ne le connais pas.
Mais alors, d’où vient-il que ces barons qui avaient totalement disparu, au moment où il fallait le plus défendre Laurent Gbagbo, prétendent subitement être devenus plus Gbagboistes que les autres ?

Arguments fallacieux
Parlons maintenant des arguments. Akoun, Douaty et l’autre que je ne connais pas, déclarent qu’Affi a promu des gens qui n’étaient pas militants du FPI. A cet argument, je réponds simplement que Akoun est mal placé pour critiquer cela. S’il fallait attendre dans le starting-block, avant d’être promu par ordre d’arrivée dans le parti, lui-même, un transfuge de la dernière heure du Parti ivoirien des travailleurs ne serait jamais arrivé à ce niveau.
A moins que Akoun dénonce sournoisement, sans avoir le courage de le dire, la nomination de Michel Gbagbo au Secrétariat général du parti. Le fils du père était certes dans les pas paternels, mais n’avait jusque-là pas franchi officiellement le cap.
En outre, parlons du refus d’Akoun de reconnaître son éviction du poste de secrétaire général du parti. Rappelons-nous, le secrétaire général nommé à l’issue du dernier congrès du FPI (choix validé par Gbagbo) se nomme Sylvain Miaka Ouréto. Quand Affi est sorti de prison et qu’il a nommé Miaka comme vice-président (alors qu’on pensait qu’il allait retrouver son poste de secrétaire général) et confirmé Akoun au poste de secrétaire général qu’il occupait en tant qu’intérimaire, je n’ai entendu aucun « rebelle » d’aujourd’hui dire que cela n’était pas conforme aux textes. Pourquoi donc les nominations d’Affi sont aujourd’hui traitreusement rejetées, alors qu’il s’inspire justement de la jurisprudence Miaka et respecte le parallélisme des formes, quand il a nommé Agnès Monnet ? De quel droit statutaire, les « rebelles » qualifient ses nominations de « nulle et de nul effet » ?
Je vais conclure ce décryptage en répétant ma position préalable: non, Affi ne mérite pas d’être brûlée. Surtout pour une raison que tout le monde élude hypocritement, mais qui a le fâcheux mérite de poser le problème de fond, sous-bassement idéologique de cette rébellion : au FPI, il n’y a pas d’un côté, ceux qui doivent être les « Agni » de service (aucune intention de mépris) et de l’autre, ceux qui doivent jouir de la servitude de ceux-ci.

André Silver Konan, Journaliste-écrivain
Spécialiste des partis politiques ivoiriens

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