Par Lamon Rutten
La population mondiale au 1er juillet 2014 a été estimée à 7,244 milliards de personnes, et chaque jour s’ajoute un quart de million de personnes. Les gens sont de plus en plus riches, ce qui nécessite plus de nourriture et de meilleure qualité, augmentant ainsi la pression sur les terres agricoles. En même temps, la surface de ces terres est en train de reculer en raison de l’urbanisation et l’érosion. Ainsi, au cours des 150 dernières années, la moitié de la terre arable de la planète a disparu. La demande alimentaire va continuer à augmenter alors que la production aura du mal à suivre le rythme, créant le risque de hausse des prix et la certitude d’une forte volatilité des prix.
Dans de nombreux pays de l’ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique), l’agriculture est la principale source de subsistance en milieu rural. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) indique que près de 80% des personnes vivant dans les zones rurales dépendent de l’agriculture pour leur subsistance. La majorité d’entre elles sont de petits agriculteurs, qui cultivent moins de 5 ha de terres en moyenne. Au cours des dernières années, l’attention mondiale s’est portée sur les petits agriculteurs. Des experts ont élaboré des méthodes innovantes pour améliorer leur productivité, et les entreprises se sont efforcées de mieux les intégrer dans les chaînes de valeur mondiales.
Toutefois, afin d’améliorer les revenus des petits exploitants, tous les niveaux des chaînes de valeur agricoles doivent être consolidés. La production, la transformation, le stockage et la commercialisation, tous exigent une mise à niveau afin qu’ils puissent ensemble soutenir une économie croissante de denrées alimentaires. Malheureusement, l’amélioration des chaînes de valeur a été lente par rapport à la vitesse à laquelle la demande de produits alimentaires continue d’augmenter. Les efforts nationaux et internationaux se sont concentrés sur le début et la fin de la chaîne de valeur (production, accès au marché), avec trop peu d’efforts déployés pour améliorer la partie se trouvant entre les deux, qui reste caractérisée par de grandes pertes post-récolte et de gaspillages massifs.
Il est possible d’adopter une approche beaucoup plus globale de la chaîne de valeur afin de relier les agriculteurs aux marchés, et l’accès au financement jouerait un rôle important dans une telle approche. Par exemple, si les agriculteurs devaient vraiment bénéficier d’une formation sur les meilleures pratiques agricoles, ils doivent en même temps accéder aux sources de crédit/financement qui les aideront à améliorer leurs méthodes de production. Après tout, il est fort probable que les agriculteurs bénéficiaires soient en mesure de rembourser leurs prêts. Actuellement, la tendance de la plupart des gouvernements des pays de l’ACP est de négliger ces questions.
À l’échelle mondiale, les estimations montrent que plus de deux milliards de pauvres dépendent exclusivement de l’agriculture. La demande mondiale pour le financement de la petite agriculture est estimée au minimum à 450 milliards de dollars américains. Moins de 2% de cette demande de financement de l’agriculture est actuellement satisfaite. Cette situation est une opportunité pour les financiers désireux d’apprendre davantage sur le financement de la chaîne de valeur agricole.
Ce dernier est un moyen structuré de financement de l’agriculture qui relie les acteurs opérant dans les chaînes de valeur et les établissements de crédit, et réduit les risques associés au financement agricole traditionnel. Il permet aux institutions de crédit, telles que les banques, de diversifier leur portefeuille d’investissement et de créer un scénario gagnant-gagnant. Avec le financement de la chaîne de valeur, les chaînes de valeur peuvent être transformées débloquant la croissance économique dans les zones rurales. Ce modèle de financement contribue à accroître les revenus des ménages pour une grande partie de la population, et garantit des résultats probants en matière de réduction de la pauvreté et de sécurité alimentaire. Il aide les femmes, qui assurent la majeure partie de la production, mais qui souvent ne possèdent pas la garantie traditionnelle (des terres) sur lesquelles les banques ont tendance à s’appuyer pour accorder les crédits. Mais pour ce faire, des structures financières diversifiées efficaces doivent être mises en place. Ils doivent répondre aux besoins de l’ensemble du spectre des acteurs opérant le long des chaînes de valeur.
Les déficiences du financement de la chaîne de valeur agricole comprennent, entre autres, la méconnaissance des financiers de l’activité agricole et des mécanismes de financement de la chaîne de l’agriculture, la faiblesse des chaînes de valeur, l’incapacité des agriculteurs à livrer les produits que les acheteurs désirent, et/ou les grandes inefficacités dans les infrastructures (production-stockage-transport), les structures de production inefficaces (difficultés pour les agriculteurs d’investir parce qu’ils ne possèdent pas leurs terres, actifs fonciers fragmentés, manque d’organisation des agriculteurs), et l’inefficacité des politiques gouvernementales. Le financement à grande échelle ne se développera dans l’agriculture que si ces obstacles sont surmontés. En d’autres termes, cela sera possible lorsque les gouvernements, avec l’appui des partenaires au développement, en collaboration avec le système privé, créera un écosystème qui est favorable au changement. Un écosystème qui alimente les innovations résultant des transformations de la recherche scientifique, des institutions, des marchés, des systèmes financiers, des politiques et des réglementations, et de la culture.
Doter les financiers avec les connaissances nécessaires sur les chaînes de valeur agricoles et les aider à atténuer les risques auxquels les parties prenantes peuvent être confrontées aidera à rendre attractif le financement de la chaîne de valeur. Partager les réussites et les échecs du passé peut être un point d’entrée. En mettant l’accent sur les modèles de financement de la chaîne de valeur agricole qui ont été testés dans d’autres endroits, nous pouvons les adopter, les reproduire et les remodeler à notre avantage.
Lamon Rutten, Gestionnaire de programme au Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale (CTA)
Article publié en collaboration avec Libre Afrique
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