Côte d’Ivoire – SOS pour Odienné

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En attendant le retour des fils prodiges

Par Doumouya Adama

Il y a peu, un de mes amis, originaire du pays sénoufo et récemment muté à Odienné m’interpelait en ces termes : « mon frère, pensez un peu à votre ville! » Cette phrase aux allures de conseil sur fond de boutade m’ a profondément bouleversé. Venant d’un allié, j’ai dû évacuer ma honte par quelque réponse peu convaincante en forçant l’humour. Je n’avais en effet pas besoin de réfléchir pour comprendre que mon ami avait raison. Le constat est clair. Les fils d’Odienné qui compte parmi eux de très nombreux cadres ont abandonné leur cité pour les autres villes du pays où ils s’établissent et pour beaucoup d’entre eux, réussissent à prospérer dans leurs affaires. Tout cela est bien. Mais là où les choses se corsent, c’est lorsque, fortune faite, les odiennekas oublient de retourner investir dans leurs villes et villages d’origine. Pourtant, il est de notoriété publique que la communauté odiennéka dont la diaspora s’étend dans plusieurs villes du pays mais aussi à travers le monde entier, figure parmi les plus riches. De Daloa que certains appellent justement « l’autre Odienné de l’Ouest forestier » à Abengourou en passant par San-Pédro, Bouaké et surtout Abidjan, les compatriotes de Vacaba Touré se font remarquer par leur réussite sociale parfois insolente. Ils sont présents dans le transport, l’entreprenariat, la construction, le commerce, les affaires… Fortunés, ils investissent là où ils ont acquis leur richesse, ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi. Toutefois, oublier totalement d’en faire bénéficier leur terroir natal est une aberration inqualifiable. Combien sont-elles les réalisations des cadres d’Odienné à travers le pays ? Très difficile à chiffrer. Quelqu’un un jour me disait que s’il était possible de transférer dans leurs localités d’origine les réalisations immobilières que les fils et filles d’Odienné ont faites ailleurs, aucune place libre n’existerait, tant elles sont nombreuses. En effet, elles sont rares les villes qui ne possèdent pas leur « odiennékourani ». Mais a contrario, ces bâtisseurs ont entrepris combien de réalisations chez eux ? La réponse à cette autre question est très facile quoique désespérante.

FAIRE RENAITRE LA FLAMME FILIALE

Pour expliquer cet abandon de leurs localités par les fils d’Odienné, de nombreuses explications existent. En effet, le malinké a généralement un esprit aventureux et considère le lieu où il peut s’intégrer comme un autre chez lui. Ajouté à cela, les funérailles des proches décédés ne sont pas des occasions de cérémonies particulières qui contraignent à retourner au village. Or dans les autres cultures, notamment les peuples Akan,Krou et les mandés du Sud par exemple, il est inconcevable que l’on enterre un défunt en dehors de son village. Les dioula de Bondoukou ont compris cette urgence et transfèrent de plus en plus leurs morts pour les enterrer au village. Ainsi, les funérailles sont des occasions de retrouvailles et de communion entre les fils et filles résidant hors des cités d’origine et eux restés sur place. Mais le malinké est généralement enterré là où la mort le surprend. Chez nos voisins sénoufo par exemple, il se peut que l’enterrement ait lieu en dehors du village. Mais les funérailles se font généralement au village et sont une occasion de rencontres. Mes arguments visent à montrer que plus les occasions de se rendre au village se multiplient, plus l’amour du village se crée et s’accroît. Par la même circonstance, les fils et filles sont contraints de bâtir des résidences dans leurs villages et les chefs-lieux de département et de région. Ils sont plus enclins à y établir des activités susceptibles de donner un lustre à leurs localités qui, du coup se développent. De plus en plus, la presse se fait régulièrement l’écho de cérémonies initiées par tel ou tel cadre du pays sénoufo ou du pays Koyaka ou Mahouka. La plus récente étant l’union des fils du Woroba regroupant les régions du Béré, du Worodougou et du Bafing, sous l’impulsion du Ministre Hamed Bakayoko. De telles initiatives louables sont très en vogue ailleurs où les mutuelles des cadres et des fils du village sont des institutions de référence qui posent des actes extraordinaires se terminant généralement par l’érection de leurs contrées en sous-préfecture, préfectures… la plupart des villages ou des villes émergentes des autres régions ont été électrifiée et ont pu avoir leur château d’eau grâce à l’union des cadres et des fils qui ont su dépasser leurs querelles et leurs complexes. Ainsi, dans ces autres régions, on ne regarde ni le parti politique, ni le statut social quand sonne l’appel du village.

LA SOURNOISE DISCRIMINATION

Malheureusement, chez nous, la primauté de telle ou telle famille est un fétiche que l’on ne doit pas toucher. Combien de fois, après la nomination d’un cadre à un poste de responsabilité, des délégations officielles et plus souvent officieuses n’ont-t-elles pas été constituées pour désavouer le promu, avec comme argument « qu’on ne le connaît pas », entendez « il ne fait pas partie des familles nobles reconnues à Odienné». Or combien de cadres «métisses» ou adoptés par des localités ne se sont tués pour le développement de celles-ci ? Il est plus qu’urgent que les odiennekas, particulièrement les cadres cessent de se mettre en travers de la route du développement mis en chantier par un des leurs. Il est essentiel que les cadres se donnent la main en visant l’intérêt d’Odienné. La discrimination, la jalousie, l’égocentrisme n’ont jamais bâti une ville. Odienné a payé un lourd tribu depuis 1990 et même avant. Et aujourd’hui encore, tout manque dans le district. Route, électricité, eau, travail… et pourtant, c’est la seule région qui ait donné 98% de voix à Alassane Ouattara. Mais il reste curieux que le Président n’y ait pas encore effectué de visite. Certains avancent la désunion des fils du district pour expliquer cette situation. Si aucune preuve ne vient étayer cet argument, il faut bien reconnaître qu’il est plausible. Certes, quelques initiatives individuelles de développement ont vu le jour. Mais ces élans se sont heurtés à l’incompréhension et souvent à l’adversité des autres fils d’Odienné. Le chanteur Doumbia Moussa alias Tiken Jah Fakoly a entrepris de vastes opérations de retour à la terre. Cet acte sera-t-il suivi par d’autres fils prodiges ?

L’HEURE DU RETOUR EST ARRIVEE

L’heure est arrivée de retourner cultiver le jardin odiennéka. Une des marques caractéristiques de ce peuple est sa grande fierté qui frise même quelquefois l’orgueil. Mais le meilleur usage que l’on doit faire de la fierté, c’est de le traduire dans des actes constructifs pour soi et pour les autres. Déjà, la célébration du Maoulid apparaît comme une opportunité pour (re)découvrir le village, le faso. Il faut traduire cela en indices de développement. Odiennéka, il est temps de regarder du côté du Denguélé et du Folon. Les crises identitaires que notre pays a connues doivent interpeller chaque odiennéka.

DOUMOUYA Adama, originaire du village de Toron-Sokouraba, sous-préfecture de kaniasso, Région du Folon, Disctrict du Denguelé
Doumadam2@gmail.com

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