Côte d’Ivoire – Tout est bloqué, vers un report de la présidentielle de 2015 ?

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La commission électorale indépendante (CEI), unique institution qui organise les élections en Côte d’Ivoire est en panne depuis la nouvelle reforme. Et pourtant elle a été votée par le parlement ivoirien et promulguée par le président de la république depuis le 18 juin 2014. Aussi à 16 membres sur 17, la nouvelle CEI ne peut être opérationnelle du seul fait du boycott du FPI, principal parti de l’opposition ivoirienne, qui tarde encore à y envoyer son représentant.
Pour le parti de Laurent qui a obtenu selon l’ancienne CEI et la communauté internationale, 46% aux dernières présidentielles de novembre 2010, le nouveau texte tel que proposé par le gouvernement, est sujet à polémique. C’est un texte de loi qui n’est pas conforme à l’esprit du contexte de crise que vit notre pays, expliquent Pascal Affi Nguessan et ses amis. Pour eux la mouture telle que présentée donne une surreprésentation du pouvoir au sein de la nouvelle CEI. Avec 9 représentants pour le pouvoir et seulement 4, pour l’opposition, c’est une façon de torde le cou à la démocratie en jetant les bases d’une élection contestable.
Mais aux dernières nouvelles, le FPI aurait baissé la garde sur l’interprétation du nouveau texte, et aurait proposé au gouvernement que l’opposition obtienne la Présidence de l’institution, un poste de vice président et un poste de secrétaire permanent.

Le gouvernement ne veut pas lâcher la présidence

« On ne sort pas d’une guerre comme si on sort d’un dîner gala » avait lancé l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo lors de la conférence de Kleber en janvier 2003, après les Accords de Marcoussis en France. Et Ouattara semble avoir lui aussi compris la maxime. Lui qui a été sauvé in extremis par la CEI puis par le représentant de l’ONU en Côte d’ivoire au moment où son adversaire politique détenait encore tout l’appareil de l’état, sait le pouvoir du président de la commission électorale indépendante. Ouattara qui donc tient à rempiler un second mandat veut compter sur ses hommes au sein de la nouvelle CEI pour lui garantir une élection tout au moins transparente. Voilà pourquoi, il serait prêt à faire toute sorte de compromis avec l’opposition sauf lui laisser la tête de la CEI. Mais là où Alassane Ouattara fait fort, c’est qu’il va encore nous proposer le contesté et constable ex président de la CEI, Youssouf Bakayoko. Un choix qui fâche l’opposition qui aux dernières nouvelles serait d’accord que la présidence revienne au pouvoir mais à condition que ce choix soit consensuel. C’est-à-dire, il va falloir que l’opposition soit d’accord sur le choix du gouvernement pour la présidence de la CEI. « Si c’est encore du Youssouf Bakayoko qu’on va nous servir, ce n’est même pas la peine d’y aller. Car c’est faire le lit d’une nouvelle guerre en Côte d’Ivoire » a répliqué un membre influent du FPI et d’ajouter : « Youssouf Bakayoko lui-même devrait être gêné s’il était le candidat du pouvoir ».

Affaire le RPP a donné un nom pour l’Alliance

Le débat autour de la participation de l’opposition à la nouvelle CEI est loin de terminer. Le 18 juin dernier, c’est par un décret présidentiel que 15 personnalités entraient à la CEI. Et si les 2 postes vacants revenaient au FPI (1) et l’autre (1) au reste des partis membres de l’alliance des forces démocratiques (AFD), l’on apprenait de source bien introduite que le président Laurent Dona Fologo dont le parti, RPP est membre de l’AFD avec 6 autres formations politiques dont le FPI aurait déjà donné le nom du représentant de l’AFD, donc du reste des partis en dehors du FPI. Le problème que cela pose et c’est un autre cadre du FPI qui le soulève, c’est comment l’AFD peut-il désigner un représentant sans que le président de l’alliance qui se trouve être Pascal Affi Nguessan ne soit informé ? « Il faut que le gouvernement arrête de ruser avec nous. Il ne peut pas prendre en compte ce nom. Nous n’en avons jamais discuté au sein de l’alliance » a martelé ce cadre dont nous taisons le nom. « C’est le problème que nous avons en Afrique. On ne respecte pas nos engagements politiques. Comment peut-on dire qu’on appartient à une alliance qu’on a accepté librement et faire des choses en solo et qui engagent l’alliance. Aussi, pourquoi les autres partis de l’alliance tels que l’AIRD de Eric Kahé ou Boni Claverie ne donneraient pas de nom » a renchéri un autre cadre toujours du FPI.

Le FPI toujours accroché à l’agenda de Laurent Gbagbo

Le FPI qui sort peu à peu de sa tourmente née de la récente dissidence, elle-même née du réaménagement technique du secrétariat général opéré le 4 juillet dernier par le président du parti, est loin de fermer la parenthèse de la palabre. Et AFFI doit désormais faire face à plusieurs fronts à la fois. Comment gagner la bataille du jeu démocratique face au régime de Ouattara, mais aussi comment imposer sa vision d’un FPI renouveau sans Laurent Gbagbo.
Dans le premier cas, Pascal Affi sait qu’il ne gagnera pas cette bataille sans le soutien de la France et de la communauté internationale. Et cela lui a été dit pendant toutes les réceptions qu’il a eu avec les diplomates internationaux en Côte d’Ivoire. La même communauté internationale qui avait conseillé Alassane Ouattara la seule voie des élections pour accéder au pouvoir, conseille aujourd’hui le parti de Laurent Gbagbo la même voie. Malheureusement le FPI qui n’a toujours pas tiré les leçons du passé campe encore sur sa position du refus s’il n’impose pas ses conditions.
« C’est le congrès qui décidera si le FPI participera ou non aux élections de 2015 » avait dit Pascal Affi Nguessan lors d’une rencontre récente avec les structures de base du parti. La question est que toutes les conditions sont-elles réunies pour aller à ce Congrès ? La dernière convention du parti n’avait-elle pas conditionné le prochain congrès à l’agenda du procès de Laurent Gbagbo ?
« Nous voulons aller au congrès, qu’il soit extraordinaire ou ordinaire, mais quand et avec qui » se demande un militant du FPI. « Beaucoup d’entre nous pensent que si nous devons aller au congrès, il faudra tenir compte de l’agenda de Gbagbo. Car s’il est libéré maintenant, il pourra être notre candidat pour les prochaines élections présidentielles. Donc nous attendons » renchérit une militante de première heure du FPI basée à Paris.
Mais AFFI Nguessan et ses camarades le savent, avec la confirmation des charges retenues contre leur champion et qui ouvre un procès indéniable, lequel procès pourrait prendre assez de temps, ne saurait être la seule boussole à leur condition de participer aux prochaines élections présidentielles. Mieux, avec l’autorisation donnée à la défense de Gbagbo d’interjeter appel de la décision de confirmation des charges, il est clair que l’on ne connaîtra pas un début du procès de Laurent Gbagbo avant 2017. En attendant, soit les conditions ne seront pas réunies pour l’organisation de ces élections si on se base sur la non participation du FPI, soit on part à des élections sans l’opposition significative et le risque d’une légitimité du président élu est palpable.
Dans le second cas, le président du FPI conscient que la politique de la chaise vide conduit le FPI droit dans le mur, met les bouchés doubles pour obtenir une majorité plutôt modérée afin d’imposer sa nouvelle vision du renouveau du FPI avec ou sans Laurent Gbagbo. Et le récent remaniement au sein du secrétariat général est bien le test d’une telle politique. Seulement, le FPI étant un appareil très sophistiqué et difficile à manœuvrer, on se demande comment Pascal AFFI Nguessan malgré sa reprise de la main dans le bras de fer interne qui l’oppose aux radicaux du parti, saura-t-il prendre la bonne décision au moment venu ?

Les risques d’un report des présidentielles sont réels

S’il doit avoir report des présidentielles de 2015, cela ne devrait pas être l’unique fait du boycott de l’opposition. Le RHDP, alliance au pouvoir peut bien prendre pour exemple 95, où justement malgré le boycott actif du front républicain ( Alliance FPI-RDR), le PDCI de Henri Konan Bédié a organisé les élections et les a gagnées. Mais là encore on a vu comment le président Bédié a fini. Aujourd’hui avec une situation sécuritaire très critique, on se demande dans quelles conditions ces prochaines présidentielles vont être organisées. Aussi si les FRCI peuvent être une garantie sécuritaire pour les électeurs du pouvoir sortant, ils ne le seraient pour les électeurs des autres candidats et surtout pour le candidat du FPI, principal challenger de Ouattara. Ajouter aux autres conditions telles que le dégel des comptes des pro-Gbagbo, le retour des exilés, la libération des prisonniers politiques et le financement des partis politiques, on se demande comment en si peu de temps le pouvoir d’Abidjan pourra satisfaire toutes ces conditions avant d’aller à une élection apaisée et incontestable en 2015 ? Enfin, Ouattara lui-même qui serait actuellement confronté au refus des FRCI de libérer les cités universitaires, sinon à certains éléments des Forces Nouvelles de déposer les armes, sait très bien qu’organiser des élections dans de telles conditions est un pari. Et la France qui avait pris fait et cause pour lui lors de son affrontement avec son rival politique Laurent Gbagbo en 2011 semble réfléchir désormais par deux fois si elle veut avoir une Côte d’Ivoire stable et propice pour le monde des Affaires.

Philippe KOUHON/ Journaliste analyste
Africa TV
Site : www.africa-tv.info

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