Par Marc Gballou (Londres)
Nous sommes allé rencontrer l’écrivain Georges B. Beyllignont [photo] à Londres pour ouvrir quelques axes de compréhension d’une situation qui n’est pas prête de s’améliorer si les points essentielles de réflexion ne sont pas identifiés.
Comment imaginez-vous une possible sortie de crise en Côte d’Ivoire ?
Si j’intègre qu’une crise est une situation de blocage, de tension, de refus d’échange et de coopération, subséquente à une situation de conflit dont elle se nourrie. Sortir de cette crise supposera que le conflit lui-même doit d’abord prendre fin. Maintenant la question qui mérite d’être posée est de savoir si le conflit en Côte d’Ivoire a pris fin ?
Ceci dit, Il est évident que toute sortie de crise soit d’abord une question de volonté manifeste de part et d’autre. Cette volonté doit précéder le mode de résolution qu’on doit absolument approprier selon les réalités contextuelles. En Côte d’Ivoire, la division est encore palpable et donne lieu à l’existence de deux camps « ennemis » qui se guettent et se regardent en chien de faïence. Ce n’est pas une situation honorable pour un pays. Donc je souhaite qu’on sorte vite de cette crise le plus rapidement possible. Mais comment sortons-nous de là demeure la question ultime que nous ne cessons de tourner et retourner dans nos têtes ? Devrions-nous aussi constater que la CDVR n’a pas donné des résultats probants donc nous devons envisager renouveler notre volonté de réconcilier les ivoiriens en déterminant un nouveau mode de concertation pour faire bouger les choses. Et si je fais un décryptage honnête de la situation en Côte d’Ivoire, cette volonté doit inclure celle de la France avec qui nous avons une relation multiséculaire et qui est un acteur réel de la crise ivoirienne, mais qui fait comme si elle était neutre dans cette affaire. Pourtant nous savons tous qu’elle continue de tirer les ficelles qui cristallisent les positions et qui empêche la réconciliation en Côte d’Ivoire. Peut-être que la résistance ivoirienne et panafricaine devrait maintenant tourner sa voix vers le Gouvernement français et François Hollande qui a été très habile à utiliser leur support électoral sans contre-parti réel.
Pour répondre directement à la question, le choix technique d’une commission de réconciliation implique que le conflit a pris fin. Car on ne peut que réconcilier des personnes qui ont arrêté de se battre. Par contre si les gens continuent de soutenir leur engagement dans le conflit avec des moyens sobres et non violents, l’illusion de l’absence de violence peut nous conduire à une conclusion hâtive qui précipite la réconciliation comme une voie opérable de sortie de crise. Alors si nous admettons tous aujourd’hui que la réconciliation a échoué de briser la forteresse de la division, c’est peut-être parce que nous n’avons pas encore passé la phase du conflit.
Mon livre fait une appréciation intellectuelle de la dynamique du conflit et il intègre dans sa compréhension que la présence du conflit peut être aussi justifiée par la manifestation d’une résistance ou d’une guerre psychologique. Il faut absolument que nous prenions en compte dans la définition que les intérêts ou objectifs conflictuels peuvent être poursuivis en l’absence de confrontation directe et violente. Je conclus alors qu’à l’opposé de la réconciliation qui pour moi est prématurément déduite d’une appréciation relativement limitée de la situation de conflit, la médiation ou la concertation (peu importe la dénomination du mode d’opération, ce qui compte ici étant l’approche) aura le mérite d’exposer les peurs réciproques et construire un nouveau consensus.
En savoir plus
Georges B. Beyllignont est écrivain, chercheur et consultant en technique de police appliquée à la prévention des conflits, il vient de sortir un livre intitulé :
« Côte d’Ivoire et Afrique francophone, La police face aux défis de prévention des conflits africains. »
Interview réalisé par Marc GBALLOU – Journaliste en France ( N°CCIJP 121137 )
Twitter : @marclenoir – Mail : marclenoir@hotmail.com
Encadré – Georges Beyllignont à propos du livre.
Votre livre a été accueilli par la société civile et des universités en Europe, pensez-vous que les africains comprennent l’opportunité de vos réflexion ?
Mes réflexions ont fait une place de choix à la prévention des conflits et le rôle central de la police dans la réalisation de cette aspiration. On voit ici que je parle alors d’un phénomène récurent qui continu d’éprouver les efforts de stabilisation et de développement de la plupart des pays africains. L’opportunité de mes réflexions s’impose donc d’elle-même selon un nombre de paramètres remarquables qui constituent des références en la matière. La récurrence des conflits en Afrique en est un. Maintenant ce que je tente de faire partager dans ce livre, c’est un certain nombre de réflexion relative par exemple à l’influence de l’ethnisme ou de l’ethnicité dans les dispositions pratiques de développement. Je discute également les questions de la gouvernance et questionne l’opportunité contextuelle de la démocratie. Je décline une étude laborieuse sur les causes et sources des conflits africains, avant d’exposer sur différentes théories de prévention. Je suppose donc qu’il y a une sorte d’harmonie en pensée qui permettra d’apprécier les orientations et la contribution de l’ouvrage.
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