CPI : Avant son procès, la Défense de Laurent Gbagbo veut gagner du temps (une analyse de Philippe Kouhon)
La défense de Laurent Gbagbo a déposé ce lundi, une requête portant sur la détermination de la date à partir de laquelle courent les délais fixés pour qu’elle puisse déposer une éventuelle demande d’autorisation d’interjecter appel de la décision de confirmation des charges contre Laurent Gbagbo.
A l’appui de cette demande, la défense plaide pour que le délai de 5 jours qu’ont les parties pour demander l’autorisation d’interjecter appel de la décision de confirmation des charges ne courent qu’après la notification de la version française de cette décision et de l’opinion dissidente.
De la demande d’autorisation d’interjecter appel
Selon les Règles de la CPI, les juges ont 60 jours à compter du dépôt des observations finales de la défense pour rendre leur décision concernant l’audience de confirmation des charges. Respectant ce délai, la chambre préliminaire I rendait sa décision le jeudi 12 juin dernier bien avant la date butoir fixée au 18 juin 2014.
Aussi dans leur décision, les juges accordaient aux parties un délai de 5 jours pour faire appel à la décision, comme inscrit à la Règle 155 (1) du règlement de procédure et de preuve de la Cour. Seulement cette Règle sera opposée à la Norme 35 du Règlement de la Cour qui stipule que la demande visant à proroger ou à raccourcir tout délai prévu par le présent Règlement doit être présenté sous forme écrite. La chambre préliminaire n’accède à cette demande de prorogation de délai qu’à condition qu’un motif valable soit présenté.
Profitant donc de cette insuffisance des textes de la CPI, la défense veut ici jouer le tout pour le tout. Car demander à la Chambre préliminaire de lui dire quand elle (Défense) peut déposer une éventuelle demande d’autorisation d’interjecter appel à 48 heures (mercredi 18, fin des 5 jours butoirs) participe de la pure stratégie et pourrait chambouler le calendrier de la Chambre préliminaire qui avait cru se débarrasser de cette affaire devenue encombrante.
De la traduction de la décision en français
Les deux langues de travail à la CPI sont le français et l’anglais (Art. 50).
Mais pour garantir le droit du suspect, la CPI permet que lui soit notifié toutes correspondances dans la langue qu’il maîtrise. On le sait, Laurent Gbagbo ne parle en dehors du bété (langue ivoirienne), le français.
Seulement si la Défense qui se base sur la jurisprudence Jean Pierre Bemba est bien dans son droit d’exiger la traduction des décisions rendues à l’encontre de son client « ce n’est pas la première fois qu’une décision rendue en anglais est notifiée à M. Gbagbo » a rétorqué, M. Fadi El Abdallah, le porte parole de la CPI, joint au téléphone par Africa TV. « Ce n’est pas une règle de la Cour. C’est seule la défense de M. Gbagbo qui demande cela. Dans ce cas, seule la chambre préliminaire tranchera si oui ou non elle accède à cette demande » a-t-il ajouté.
Entre datation et traduction : voici ce que gagne la défense de Gbagbo
Selon une source proche du bureau des traducteurs de la CPI, il faut au minimum 24 heures pour traduire 5 pages d’une décision de la Cour. Calcul fait, il faudra 1 mois pour voir les 140 pages de la décision ( 131 pages pour la décision et 9 pages pour l’opinion dissidente) être traduites.
Hypothèse I
Les juges refusent les deux requêtes de la défense et l’équipe de Me Altit est obligée de déposer si elle le souhaite, sa requête d’interjecter appel au plus tard ce mercredi 18 juin.
Hypothèse II
Les juges acceptent de fixer une nouvelle date de dépôt de demande d’autorisation d’interjecter appel sans tenir compte de la traduction en français et la Défense est contrainte de traduire elle-même les documents et déposer sa requête en appel à la date indiquée.
Hypothèse III
Les juges accèdent aux deux demandes de la défense ( traduction avant fixation de la date) et la défense gagne 1 mois plein pour lire et relire la décision et extraire les failles qu’elle présentera en Appel.
En clair, cette nouvelle requête de la défense de M. Gbagbo qui à en croire certaines indiscrétions ne souhaitait pas faire appel de cette décision de confirmation des charges, est bien une pure stratégie connue des tribunaux internationaux en vue de gagner du temps dans une procédure.
Cependant, on est en droit de se demander ce que cela changera dans une décision prise à la majorité des juges et qui ont décidé de renvoyer l’ex président ivoirien en procès.
Philippe KOUHON (Africa Tv)
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