Atteinte au pluralisme des médias
Lettre ouverte de RSF au ministre de la Communication
Paris, le 3 juin 2014
Madame Affoussiata Bamba Lamine
Ministre de la Communication de la République de Côte d’Ivoire
BP. V 138
ABIDJAN 01
CÔTE D’IVOIRE
Objet : Atteinte au pluralisme des médias
Reporters sans frontières, organisation internationale de défense de la liberté de l’information, souhaite vous faire part de son étonnement à la lecture de votre lettre adressée à votre homologue béninois en date du 14 mai 2014 dans laquelle vous lui demandez de « mettre un terme » aux émissions « Devoir de vérité » et « Devoir de vérité Actu ».
Les émissions ont par la suite été suspendues en date du 30 mai 2014 sur décision de la Haute Autorité de la communication béninoise.
Nous avons pleinement conscience du caractère partisan et de la présentation partiale des faits par ces deux émissions, néanmoins cela ne nous semble pas justifier une telle ingérence dans l’audiovisuel privé d’un pays voisin.
Le 12 mai 2014, lors de notre rencontre à Abidjan, le président Alassane Ouattara avait certes estimé que le climat politique n’était pas encore « propice » à la libéralisation des médias audiovisuels, mais s’était néanmoins déclaré en faveur de l’esprit d’une telle évolution. Comment justifier alors cette plainte qui va clairement à l’encontre du pluralisme et de l’ouverture voulus par le président ?
Quand l’audiovisuel ivoirien sera libéralisé, après les élections de 2015, engagement du président Ouattara, le gouvernement ivoirien aura sûrement à faire face à des opinions très critiques. La solution du ministère de la Communication sera-t-elle alors de faire taire ces voix dissidentes, hors de tout recours légal ?
Nous vous demandons de réaffirmer au plus vite votre attachement au pluralisme des médias audiovisuels et de mettre un terme à ces mesures interventionnistes.
Je vous remercie par avance pour l’attention que vous porterez à notre demande et vous prie d’agréer, Madame la ministre, l’expression de ma haute considération.
Christophe Deloire Secrétaire général de Reporters sans frontières
CC/ Monsieur Komi Koutché, Ministre de la Communication de la République du Bénin
Monsieur Amadou Coulibaly, Conseiller en communication pour l’audiovisuel et les TIC, présidence de la République de Côte d’Ivoire
Monsieur Charles Providence Gomis, Ambassadeur de la République de Côte d’Ivoire en France
Monsieur Théophile Nata, Président de la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication de la République du Bénin
Sur pression de la Côte d’Ivoire, la Haac fait suspendre l’émission « devoir de vérité » de Canal 3
Suite à une plainte du Gouvernement ivoirien, la Haute autorité de l’audiovisuelle et de la Communication a demandé aux responsables de Canal 3 de suspendre la diffusion des émissions « devoir de vérité » et « devoir de vérité actu ». Des espaces consacrés à une opération de communication du Front populaire ivoirien (Fpi) de l’ancien président Laurent Gbagbo.
Les téléspectateurs de la télévision Canal 3-Bénin et son antenne monde ne suivront sans doute plus les émissions « devoir de vérité » et « devoir de vérité actu ». Ces programmes, qui drainent les férus de l’actualité politique ivoirienne vers la chaîne de télévision privée, sont menacés de disparition. « Devoir de vérité » révèle la part de vérité du camp Gbagbo sur les événements politiques ayant marqué la Côte d’Ivoire depuis le début des années 2000. La seconde, « devoir de vérité actu » est consacrée aux activités menées sur le terrain là-bas en Côte d’ivoire et même en dehors par le Front populaire ivoirien (Fpi). L’objectif des deux émissions est la réhabilitation de l’image du Fpi et de son leader charismatique, Laurent Gbagbo, aujourd’hui détenu à la Haye aux Pays-Bas.
La réconciliation en cause ?
Par un courrier en date du 14 mai dernier, Me Affoussiatou Bamba-Lamine s’est plainte à son homologue béninois, Komi Koutché de la diffusion des deux émissions. En les passant, la télévision Canal 3 « viole les principes sacro-saints d’équilibre de l’information, du respect des règles d’éthique et de déontologie qui régissent la profession, écrit la porte-parole adjoint du Gouvernement ivoirien. « Ce faisant », déduit-elle, elle (Canal 3) sape les efforts de réconciliation nationale et de cohésion sociale engagés par le président de la république et son gouvernement(…) Ces émissions se révèlent donc être un espace de communication contre l’actuel régime ivoirien.» « En raison de la gravité des attaques en règle perpétrées contre le chef de l’Etat (Alassane Ouattara, Ndlr) et du gouvernement ivoirien lors des émissions précitées et de l’impact négatif de celles-ci sur l’image de la Côte d’Ivoire aux plans internes et externes, et compte tenu des relations fraternelles qui unissent nos deux Etats, il est important que j’attire votre attention sur cette situation », s’est justifiée la ministre de la Communication de Côte d’Ivoire. Avant de demander à son homologue béninois d’user des mesures dont il dispose pour mettre un terme aux dites émissions.
Sort déjà scellé
Le ministère béninois de la Communication a ensuite saisi la Haute autorité de l’audiovisuelle et de la Communication (Haac).
http://www.lanouvelletribune.info/index.php/actualite/etranger/19733-pression-de-la-cote-d-ivoire-la-haac-fait-suspendre-l-emission-devoir-de-verite-de-canal-3#!/ccomment-comment=159248
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