Depuis plus de deux mois, les Ivoiriens sont en plein recensement de la population. Une lourde tâche : le dernier a eu lieu il y a 16 ans ! Et c’est sans compter la réticence de certains habitants et les critiques des pro-Gbagbo, qui, pour la plupart, refusent cette initiative gouvernementale.
Dessin du journal d’humour ivoirien « Gbich ». Avec l’aimable autorisation de Simplice Illary, co-fondateur et rédacteur en chef du journal.
26.05.2014Par Laura Mousset« Ce recensement a été mal lancé, avec une mauvaise communication. Les gens ont pensé que c’était un recensement électoral », assure Patrice Yao, chef du département des rédactions et directeur de la publication du journal « Le Nouveau Réveil » en Côte d’Ivoire.
Lancée le 17 mars dernier avec l’enregistrement du président de la République Alassane Ouattara « pour montrer l’exemple », l’opération, qui ne devait durer qu’un mois, n’est toujours pas terminée. Sur le terrain, les équipes du Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH) connaissent des difficultés. Après un démarrage compliqué suite à la livraison tardive des smartphones contenant les questionnaires, en provenance de Dakar, les équipes ont dû faire face à d’autres soucis.
Dessin du journal d’humour ivoirien « Gbich ». Avec l’aimable autorisation de Simplice Illary, co-fondateur et rédacteur en chef du journal.
Critique de l’opposition
« Les politiques s’en sont mêlés alors que c’est une opération scientifique », explique Aka Doré, coordonnateur régional du district d’Abidjan. Rapidement, après le début du recensement, le Front Populaire Ivoirien (FPI), le parti de l’ex-chef d’Etat Laurent Gbagbo a appelé au boycott de l’opération. Une action qui a indéniablement eu « un impact sur le démarrage du projet » note Aka Doré.
Selon Patrice Yao, « le FPI n’a pas adhéré au projet car il pensait que cela cachait quelque chose. Ce recensement n’a pas de but électoral, c’est une opération pour relancer le développement et cerner le besoin des populations en fonction des zones, des régions et des contrées. »
L’opposition est totalement contre ce recensement « dans ces conditions ». Pour les membres du FPI, le contexte n’est pas approprié. En effet, il y a eu « un déplacement massif des populations durant la crise de 2008 et beaucoup de gens ne sont pas encore revenus. De plus, il n’y a pas eu assez de temps pour former les agents et le processus a pris du retard » explique Franck Anderson Kouassi, conseiller en communication de Pascal Affi N’guessa, président du FPI. Selon lui, le climat politique est toujours trop « tendu » pour effectuer ce dénombrement. D’autant plus qu’il considère qu’ « une opération comme celle-là doit être consensuelle, or le gouvernement ne nous a pas consultés ».
Réticence de la population
30 000 enquêteurs ont été dépêchés sur le terrain mais beaucoup d’habitants sont réticents à cette enquête et le font comprendre : certains gentiment, d’autres de manière plus agressive. « Dans certaines localités, l’opération a été difficile. Parfois des enquêteurs se font agresser » affirme Patrice Yao. Dans certains quartiers d’Abidjan, « les enquêteurs sont violentés ou poursuivis à la machette ou l’arme blanche » s’inquiète Aka Doré. Selon lui, beaucoup d’Ivoiriens été mal informés de l’objectif de cette initiative. Certains pensent que c’est une manœuvre électorale, en vue du prochain scrutin de 2015. « Parfois, les gens se demandent même si on ne va pas faire des cartes électorales après ce recensement. Ils font un amalgame ».
Réticence également du côté des populations étrangères : « Nous avons essuyé des refus de la part de Libanais, Nigérians et Nigériens par exemple », raconte Aka Doré. Une partie de la population ne sera donc pas recensée. Ajoutées à ces problèmes, les difficultés d’accès dans certaines régions reculées n’ont pas facilité la tâche aux agents de recensement.
Le FPI, « regrette les dérapages sur le terrain. Mais nous n’avons jamais appelé à un boycott actif (ou violent). Nous avons d’ailleurs relancés un appel à plus de retenue », souligne Franck Anderson Kouassi, conseiller en communication de Pascal Affi N’guessa, président du FPI.
Zoom:
Dessin du journal d’humour ivoirien « Gbich ». Avec l’aimable autorisation de Simplice Illary, co-fondateur et rédacteur en chef du journal.
» La fin de l’opération est prévue le 31 mai prochain, à Abidjan » assure Aka Doré. Les dernières statistiques datent de 1998. Le pays comptait alors plus de 16 millions d’habitants, soit 6 à 7 millions de moins que la population estimée aujourd’hui. En 2008, le recensement prévu avait rapidement été balayé par la crise post-électorale qui opposait le Nord favorable à Alassane Ouattara et le Sud pro-Gbagbo.
TV5
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