Alors qu’une réforme superficielle de la Cei est discutée entre les partis de la coalition gouvernementale à l’assemblée nationale, LIDER regrette que l’attention ne soit focalisée que sur le nombre de sièges à attribuer à telle ou telle formation politique, au lieu de mettre enfin en place une loi qui assurera une réelle indépendance à l’institution chargée d’organiser les élections. En prélude à la série d’améliorations proposées par LIDER, nous faisons une synthèse des fiascos électoraux en Côte d’Ivoire depuis 1990.
Par LIDER News | 12 mai 2014
Depuis l’instauration de multipartisme, notre pays peine à évoluer vers la démocratie libérale. Les partis d’opposition à l’époque estimaient que le contrôle des élections par le parti qui était au pouvoir depuis 40 ans et que l’on pouvait – à juste titre – soupçonner de vouloir tricher, devait être surveillé. Des noms comme Ipoh Lago sont devenus célèbres parce qu’ils étaient assimilés à la proclamation des résultats-plébiscites entre les années 90 et 95. La décennie 90 s’est terminée par un coup d’Etat après des élections mal organisées en 1995.
L’organisation des élections a toujours été mal faite en Côte d’Ivoire. Si l’on regarde les statistiques des élections sur ces vingt dernières années, nous nous apercevons que le véritable enjeu n’est pas de mettre en place une commission électorale au sein de laquelle toutes les composantes politiques du pays sont représentées, mais qu’il s’agit de rechercher la meilleure formule pour garantir l’expression du suffrage et le calcul du consentement collectif dans notre pays.
Le débat actuel au sujet de la Cei nous ramène, hélas, à une question de personnes à nommer dans la commission, alors que le mal est ailleurs, notamment dans les attributions de la commission, ses modalités de fonctionnement et ses relations avec les autres institutions de la République.
1990
1995
2000
2010
Inscrits
4 408 810
Inconnu
5 475 143
5 780 804
Votants
3 049 133
3 025 037
2 049 008
4 689 366
Suffrages exprimés
2 993 806
1 706 121
1 795 006
4 590 219
Blancs et nuls
55 327
52 822
254 012
99 147
Abstentions
1 359 677
747 280
3 426 125
1 091 438
Le tableau ci-dessus nous montre que jamais nous ne sommes arrivés à simplement organiser des élections. Lorsqu’il n’y avait pas de commission électorale, c’est-à-dire entre 1990 et 2000, il y a eu l’organisation de deux élections qui ont été celle de 90 et celle de 95. Entre ces deux scrutins, le nombre d’inscrits semble avoir baissé ou est inconnu, comme cela est le cas en 95. Le nombre de votants est resté quasiment le même, il a même diminué pendant une période (1995 – 2000), alors qu’en parallèle, la population nationale ne faisait qu’augmenter. Les suffrages exprimés ont aussi baissé entre les deux élections, même si les abstentionnistes ont été moins nombreux en 95 qu’en 90. L’organisation des élections par le ministère de l’Intérieur n’a pas été efficace et a conduit au boycott actif et à l’exclusion de nombreux électeurs pourtant inscrits.
Entre 2000 et 2010, une commission électorale a été instaurée, mais elle n’a jamais été respectée par ceux-là mêmes qui l’avaient mise en place. C’est le général Guéi Robert qui diligenta l’instauration d’une commission électorale indépendante pour les élections de 2000. Au moment des élections, il était le chef de l’Etat. Il n’a jamais considéré que la commission puisse ou doive être indépendante de lui et de son administration. Son problème était d’avoir le contrôle de la commission, et non pas de voir la commission réussir sa mission.
Une des missions de la commission était de préparer la liste électorale et d’organiser au mieux le calcul du consentement collectif. Sur 5,4 millions d’inscrits, seulement environ 2 millions ont pu prendre part au vote. Le nombre de votant de 2000 était plus faible que celui de 1995, qui lui-même était plus faible que celui de 1990. Ceci est donc un fiasco pour la Cei. Plus de 62% des inscrits s’étaient abstenus de voter, laissant seulement 1,7 millions de personnes choisir qui allait être le président de la République. La commission échouait là aussi à organiser des élections autres que calamiteuses, qui ont d’ailleurs été suivies par des affrontements partisans qui ont causé plus de 400 morts.
Avec la situation créée par la crise électorale de 2000, la Côte d’Ivoire se retrouve avec une rébellion qui fait qu’en 2005, aucune élection n’a pu être organisée. Arrive 2010. Le nombre d’inscrits est à peine supérieur à celui de 2000 : après dix ans d’attente, la liste électorale n’a pu enregistrer que 305.000 nouveaux électeurs, là où il nous avait été dit que la Cei devait enregistrer au moins 3 à 5 millions d’électeurs supplémentaires. Fiasco ici aussi de la Cei, contrôlée par les partis politiques.
De plus, en 2010, sur les 5,7 millions d’électeurs inscrits, 1,1 million se sont abstenus de voter, laissant le choix du président de la République dans les mains de 4,5 millions de personnes. Ici encore, nous notons un fiasco de la Cei.
Au moment du résultat, les partis qui composaient la Cei ne se sont pas entendus. Et comme en 2000, un candidat alors chef de l’Etat décide de dessaisir la commission électorale de ses prérogatives et de les attribuer à une autre instance non habilitée. En 2000, le général Guéi dessaisissait Honoré Guié de la commission électorale régulière et légale, au profit de Bamba Check Daniel qui représentait probablement une autre commission électorale ad hoc. Cela déclencha une guerre entre les partisans des deux candidats opposés, qui fit plus de 400 morts. En 2010, sur requête du candidat-président, le Conseil constitutionnel décida de dessaisir la commission de Bakayoko de ses pouvoirs et de se les octroyer de façon ad hoc, puis de redresser les résultats avant de les proclamer en faveur du candidat qui, au moment du vote, était le président de la République. Cette fois aussi, comme en 2000, ce fut la guerre partisane qui a vu l’intervention des forces étrangères comme celles de la Cedeao, de la France, des Nations unies. Le fiasco de la commission électorale partisane nous conduisit à une guerre qui fit tellement de morts qu’après 3.000, l’on décida d’arrêter le compteur.
Après ces amères expériences d’échecs des commissions qui entraînent des destructions de vies humaines, faut-il vraiment encore, pour les élections de 2015, s’acharner à mettre en place une commission électorale avec les mêmes caractéristiques ? A LIDER, nous répondons non !
LIDER, dans les jours à venir, va communiquer une série de propositions pour la mise en place d’une commission électorale qui puisse accomplir sereinement sa mission et réussir à organiser le calcul du consentement collectif en Côte d’Ivoire, en toute crédibilité et en toute transparence. Ensemble, nous réussirons.
(A suivre)
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