Côte d’Ivoire CEI Joël N’guessan “dans une démocratie il appartient au Parlement de décider de la Commission éIectorale”

Joel

Exclusif  “c’est pas notre faute si le FPI n’a pas de députés”

11 mai 2014 | Interview réalisée par Gbansé Douadé Alexis, cofondateur et chef de publication du site Connectionivoiriennet.net

Du 24 au 26 avril 2014, s’est tenu à Rotterdam au Pays-Bas le 59e Congrès de l’Internationale Libérale, organisé par le VVD, le parti de Mark Rutte, actuel premier hollandais. Parmi toutes les délégations venues des quatre coins du monde, une nous intéressait particulièrement. Celle du Rassemblement des Républicains [RDR], parti de l’actuel président de la République de Côte-d’Ivoire, l’Economiste Alassane Ouattara. Nous avons pu approcher quelques responsables de ce parti, grâce à nos contacts avec le Secrétaire aux relations internationales du RDR, M. Aly Touré, aussi Ambassadeur de la Côte-d’Ivoire auprès de la Bourse du Café-cacao basée à Londres. La délégation du RDR comprenant l’actuel Secrétaire Général par intérim Amadou Soumahoro, était conduite par la présidente de la Grande Chancellerie de Côte-d’Ivoire, madame Henriette Dagri Diabaté. C’est dans sa chambre à l’hôtel cinq étoiles Manhattan, situé en face de la gare centrale de trains de Rotterdam, que je suis introduit auprès du porte-parole principal du RDR, le transfuge du MFA, Joël N’guessan, ex ministre des Droits de l’homme. Il se repose en attendant le prochain rendez-vous avec le premier ministre Hollandais, qui doit passer en début de soirée saluer ses amis libéraux en Congrès. L’accueil est chaleureux, directe, sans protocoles. Les civilités échangées, nous commençons par discuter de tout et de rien. Joël N’guessan est légèrement grippé [effets du léger froid], mais avec beaucoup d’émotions, il fait un bref récit de ses relations «familiales» avec l’ex président Laurent Gbagbo [en prison à moins de 60km]. Il me parle de son neveu [fils de sa sœur] Stéphane Kipré, gendre de Laurent Gbagbo, dont il est allé en personne demander la main de la future épouse à «Laurent et Simone». En cet après-midi du vendredi 25 avril 2014, Joël N’guessan et moi parlons de tout, de notre pays la Côte-d’Ivoire, de ma vie en Hollande, de la politique, de ses gardes du corps assassinés, de la crise de 2011, de la presse ivoirienne, des sites d’informations, du Fond de soutien à la presse que son épouse dirige en Côte-d’Ivoire…J’en profite pour lui demander l’autorisation d’enregistrer la conversation. «On pourrait en faire une courte interview même si je n’ai pas préparé grand-chose », je lui demande. «Ok, pas de problèmes, si vous êtes prêt on peut commencer» me lance-t-il. Trois sujets principaux [CEI, recensement, justice] seront ainsi abordés durant le court entretien qui se terminera au restaurant de l’Hôtel, situé plusieurs étages en dessous de nous. Arrivé sur le coup de 17H30, il est 22H30 quand je prends congé de la délégation du RDR.

Aly Touré et Mark Rutte
Aly Touré et Mark Rutte

INTERVIEW

C’est la première fois que nous voyons une si forte délégation de votre parti dans ce pays. Peut-on savoir les raisons de votre présence à Rotterdam ?

Le RDR est membre de l’internationale libérale. En 2012, un an après notre prise du pouvoir, après notre retour sur la scène internationale, les libéraux du monde entier se sont retrouvés à Abidjan. C’était à l’occasion du 58e congrès de l’internationale Libérale. Cette année, deux ans plus tard, le président Ouattara nous a demandé de venir transmettre son message de remerciement pour le geste fort effectué en 2012. Madame Henriette Dagri Diabaté [chef de délégation] a transmis deux messages de remerciement et de présentation de l’état de santé de notre pays, seulement 3 ans après notre prise du pouvoir. Nous venons remercier nos amis libéraux pour nous avoir permis avec leurs aides de renouer avec la scène internationale. Nous avons aussi profité pour nous interroger sur la thématique, sur le thème de cette 59e rencontre. Cette année il est question du Commerce mondial et la grande question que madame Diabaté a eu à poser c’est «Est-ce que dans un climat d’insécurité et de Non Paix on peut développer le commerce international ? ». Ensuite Madame Diabaté a demandé s’il n’était pas possible d’envisager une certaine équité dans le commerce international ? L’Afrique participe pour 2% du commerce mondial, mais cette Afrique est le plus gros pourvoyeur de matières premières. Ne pouvons nous pas envisager une équité ? Voici en sommes quelques points qui motivent la présence RDR au Pays-Bas.

 

“Doudou Diène parle trop…”

 

On vient de recevoir un communiqué de vous, dans lequel vous critiquez l’expert de l’ONU Doudou Diène…

Vous parlez du débat sur la Commission électorale indépendante. Oui, je pense qu’il n’a pas à se prononcer sur cette question. En tout cas, pas de la sorte. M. Doudou Diène est un simple observateur de l’ONU. Ce qui lui est demandé. C’est de ne pas devancer le débat. D’attendre que le débat ait lieu et puis par la suite de faire des recommandations. Là, ce qu’il fait, il se précipite sans attendre que le débat ait lieu. C’est ce que nous condamnons.

Mais apparemment il est intervenu après que le débat soit lancé par le gouvernement…

Mais est ce que les députés ont décidé ? Les députés n’ont pas encore voté. Sait-il ce que les gens vont décider ? Il ne le sait pas. On a l’impression qu’il n’est plus aussi indépendant que ça. Il est un peu trop prompt à s’immiscer dans le débat politique alors que ce n’est pas son rôle. Il n’a pas à s’immiscer dans le débat politique.

Après le vote des députés la loi est adoptée…Est-ce que selon vous dans ce cas, M. Diène a encore une possibilité d’intervention pour d’éventuels amendements, la loi étant adoptée ?

Oui, mais lui il n’a pas a s’immiscer dans nos débats politiques. Il a à apprécier et puis donner des conseils.

Est-ce que le gouvernement ivoirien lui a signifié cela ?

Cela appartient au gouvernement, mais moi en tant que porte-parole principal d’un parti politique, je lui ai fait remarquer cela. J’estime qu’il va trop vite en besogne sur certains sujets qui ne sont pas de son ressort. Et je le lui ai dit.
RDR

Lesquels ?

En l’occurrence la Commission électorale indépendante [CEI], c’est pas son affaire. Il y a ça, mais il y a aussi cette histoire de tous les gens qui ont commis des crimes. Quand il va en Côte-d’Ivoire, il préfère rendre visite aux gens qui ont commis des crimes au lieu de s’intéresser aux victimes. Récemment il a essayé de rattraper cela, mais à la fin de son séjour en Côte-d’Ivoire, il est revenu encore pour faire l’apologie des bourreaux. C’est pour quoi moi je dis non, je ne suis pas d’accord.

Alors, vous aurez souhaité qu’il s’intéresse plus aux victimes ?

Bien sûr. Elles sont plus nombreuses.

Vous avez l’occasion de le rencontrer quand il se rend à Abidjan ?

On le rencontre, on a eu quelques séances d’échanges. Je n’ai jamais manqué de lui faire comprendre que je ne suis pas content de certaines de ses positions.

Vous évoquez un projet de loi. Sans attendre les propositions de l’opposition, on en fait déjà un projet de loi ? A quel niveau selon vous l’opposition peut-elle intervenir si le projet part déjà à l’Assemblée dans la forme adoptée par le gouvernement ?

L’opposition peut intervenir au niveau du débat à l’Assemblée Nationale. Ne vous en faites pas, les députés ne sont pas forcement une boite d’enregistrement. Ils sont capables de tenir compte de l’avis de l’opposition et de l’avis de la société civile.

C’est un avis personnel que vous donnez ou bien c’est une réaction du RDR en tant que structure politique ?

Ah oui, moi je ne parle pas si c’est pas ce que le RDR partage. Moi je parle en tant que RDR. Ce que je dis est une position officielle du RDR, mon parti qui n’est pas d’accord avec la sortie de Doudou Diène. Elle est prématurée.

Vous l’avez signifié à ses supérieurs ?

Ah non, on lui a écrit. J’ai fait un communiqué pour le lui signifier. Qu’il attende que les Ivoiriens fassent leur débat avant qu’il intervienne.

 

“C’est pas à nous de libérer Gbagbo”

 

Que pensez vous des propositions de l’opposition ?

Elles valent ce qu’elles valent. C’est normal. L’opposition s’oppose et le gouvernement gouverne. Le gouvernement a pris un projet de loi, il l’a adopté. C’est normal que l’opposition s’oppose. Mais on est dans une démocratie, il appartient donc à l’assemblée nationale de décider en dernier ressort.

Oui mais les opposants vont vous rétorquer qu’ils n’ont pas de députés à l’Assemblée nationale ?

Ecoutez, c’est pas notre faute s’ils n’ont pas de députés. C’est eux-mêmes qui ne l’ont pas voulu. Ils auraient pu avoir des députés s’ils étaient allés à l’élection. Pourquoi ils ne sont pas venus ?

L’opposition non représentée à l’Assemblée souhaite que les discussions soient menées dans le Cadre Permanent de Dialogue [CPD]…

Mais eux-mêmes ils ont dit qu’il ne veulent plus de ça. Pourtant c’était le cadre idéal pour pouvoir aborder ce sujet.

Boni Claverie, Koulibaly et leurs groupes ou le FPI ?

Le FPI, je parle du FPI qui se considère comme étant le premier parti d’opposition. Je dis bien se considère, car à partir du moment tu n’as ni députés, ni maires, ni conseillers régionaux, je ne sais pas sur quoi tu te bases pour dire que tu es le premier de la classe. Pour l’heure ils font suffisamment de bruits pour qu’on les considère comme le principal parti d’opposition. La réalité c est qu’ils refusent d’aller dans un cadre où on discute de ces questions. Le FPI, le groupe de Danielle Boni et celui de Lider ne se mettent pas d’accord…

Mais nous n’avons pas encore formellement de contre-préposition du FPI ?

Il n’est pas question de proposition. Le FPI ne veut de rien. Ni du recensement, ni de la CEI, encore moins de la réconciliation. Ils ne veulent rien. C’est la négation permanente chez eux.

Ils veulent la libération de Gbagbo…

Mais d’accord ils n’ont qu’à venir voir les gens de La Haye, ils vont le libérer ! (rire). C’est pas à nous de le libérer.

 

“Quand tu perds la guerre, tu es fait prisonnier de guerre”

 

On va revenir à la justice. On vous accuse très souvent de faire une justice des vainqueurs, une justice à deux vitesses…

Montrez moi dans l’histoire du monde quelque part où il y a une eu justice des vaincus…

La Sierra Leone…?

Parlons de la Côte-d’Ivoire. Il y a eu une guerre en Côte-d’Ivoire et généralement quand tu perds la guerre, tu es fait prisonnier de guerre. C’est aussi simple que cela. Le procès de Nuremberg [seconde guerre mondiale] n’a pas jugé les alliés.

Cela veut dire que si la CPI émettait des mandats d’arrêt contre des personnalités proches du président Ouattara, le RDR va marquer son opposition à leurs transfèrements ?

De la seconde guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui, il a été crée ce qu’on appelle la justice transitionnelle. Il y a eu aussi un renforcement de ce qu’on appelle les Droits de l’homme. Le Droit de la guerre est précis, le Droit humanitaire international aussi. Il y a des interdits. Même en temps de guerre il y a des choses qui ne sont pas permises. Quel que soit le camp, les coupables de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité sont obligés d’aller répondre de leurs actes devant la justice.

Vous réagirez positivement à un mandat de la CPI contre des personnalités civiles ou militaires proche de votre camp politique ?

Biensûr, on peut pas faire autrement. Le rôle de la CPI est de connaitre de tout ce qui est crimes de guerre, crimes contre l’humanité et des génocides. Il y a donc trois niveaux de crimes. Chez nous, il y a eu des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Vous savez l’exemple de l’article 125, les patriotes de Gbagbo qui mettaient des pneus au cou des gens pour les bruler. Ou encore les numéros que ces derniers mettaient sur les maisons pour indiquer les origines ethniques de leurs occupants. Tout ça, ce sont des crimes planifiés. Ceux qui n’ont pas été pris en flagrant délit en train de commettre ces crimes, mais qui sont soupçonnés de les avoir commis, seront jugés à la suite des enquêtes faites sur leurs responsabilités.

Je reviens à ma question qui est de savoir si vous êtes prêts à livrer d’éventuels inculpés dans l’entourage du président Ouattara ? Le Procureur Ocampo avait évoqué au moins 6 mandats, 3 de dans chaque camp.

Nous, on attend que les Procureurs de la CPI dévoilent leurs mandats avant d’aviser. On ne peut pas spéculer sur quelque chose qui n’existe pas…

 

“Sous le FPI rien n’a été construit”

 

Arrivons au recensement actuel. Que pensez vous de la position du FPI sur son boycott ?

C’est une position idiote. Elle n’a pas de sens. Dans un principe de développement on a besoin de connaitre le nombre d’habitants. Supposons un seul instant que demain on dise pour rentrer en 6e on demande le récépissé de recensement. Parce que pour construire les écoles le gouvernement tient compte du nombre d’habitants […] Venant d’un monsieur comme Affi Nguessan, je suis surpris. Même si je leur concède le droit de s’opposer.

Vous pensez que le gouvernement ira jusqu’à demander les récépissés pour l’inscription en classe de 6e ?

Moi, je vais vous dire la vérité ! [Un peu irrité, hausse le ton]. Je ne suis pas contre le fait qu’on le demande. Je pense qu’il faille quand même obliger les populations à un certain civisme. Il y a des actes qui sont républicains.

Ce que vous dites pourrait être valable dans un context normal…

Qu’est ce qui est anormal ?

La normalité c’est quand tous les partis politiques dont le FPI s’entendent sur le recensement…

Est-ce que c’est intelligent de leur part ? Selon tout ce que je viens de vous dire. Affi va dire à ses parents de Bongouanou de ne pas se faire recenser alors qu’il sait très bien que c’est sur la base du recensement qu’on va construire le château d’eau de Bongouanou, qu’on va faire l’électricité. Donc il est en train de prononcer le fait que ces parents ne bénéficient d’aucun avantage…

Depuis 1988 il n’y a pas de récemment mais les projets de constructions d’hôpitaux, de routes, de châteaux d’eau, d’écoles etc. ne se sont pas pour autant arrêtés ?

En tout cas c’est pas sous leur règne. Sous eux, ils n’ont rien construit. Ni école, ni châteaux, ni routes, ni hôpitaux…(rire). Nous avec le président Alassane Ouattara on a un programme de choses précises à faire, donc on a besoin des données du recensement. C’est ce à quoi nous nous attelons.

Fin.

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