TRIBUNE
Depuis bientôt quelques semaines, des fillettes à peines nubiles pour certaines et hier encore scolarisés dans ce que leurs ravisseurs nomme maladroitement « l’école des blancs » ont été raptées. Leurs ravisseurs, sont des membres de la nébuleuse islamique Boko Haram. Pour ces fous de Dieu-comme s’il en avait besoin-, l’occident et tout ce dont il est porteur et dépositaire, sont à bannir et fuir, sa paideia surtout. Elle est à leurs yeux, satanique, athée, corruptrice pour nos mœurs (lesquelles ?). En un mot, tout ce qui est occident-mot lui aussi tout aussi mythifié tant par les occidentaux eux-mêmes que par leurs adversaires- doit être banni, rejeté, vomi, pourfendu, fusse au prix des armes et des vies humaines.
Ce dernier forfait de ces libidineux autoproclamés soldats de Dieu, a suscité une vive indignation de part et d’autres du monde. Néanmoins, dans ce concert d’indignations légitimes, sincères ou hypocrites soient-elles ; un grand silence, qui par moment équivaut à un adoubement tacite, me gêne m’indigne et me révolte : le silence des musulmans, des pays dits musulmans-je n’en connais aucun- et des organisations islamiques internationales.
Pourquoi ce silence inacceptable ?
Soyons tout de suite clair, j’écris ici en tant que musulman, mais aussi en tant qu’homme. Il faut tout aussi préciser que je trouve malséant le raisonnement argutieux pavloviennement débité par certains musulmans, consistant à affirmer qu’il faille « chercher qui arme ces derniers, qu’il s’agit de victimes de l’impérialisme… ». Ce complotisme naïf, absolvant, justificateur de tout et déresponsabilisant face aux devoirs qui sont les nôtres, me parait tout aussi criminel que l’acte de ces corsaires de l’intégrisme musulman.
Je ne suis pas, un admirateur de ce que l’on nomme abusivement occident. Son mode de vie par moment liberticide et libertaire me laisse de marbre. Je suis un pourfendeur viscéral de son impérialisme constant, son capitalisme génocidaire, son colonialisme atavique…Il nous faut, nous musulmans tout de même reconnaitre que cette civilisation ne peut pas être vérolée dans sa totalité. Aucune civilisation ne l’est d’ailleurs, chacune à ces grandeurs et ses petitesses. Nous musulmans avons beaucoup à apprendre de l’occident, sa capacité à l’autocritique surtout.
Combien d’entre nous sommes heureux de voir les rabbins du Naturei Karta dénoncer le sionisme et ses aberrations ? Combien d’entre nous, partageons avec enthousiasme sur divers forums les coups de gueule d’un Laurent Louis, Georges Gallaway, Jean-Luc Melenchon ? Combien sommes-nous fiers, de citer au détour de certaines conversations, le remarquable travail de Michel Collon, Jacob Cohen, Noam Chomsky, Jean Ziegler, Jean Bricmont… Combien de personnes, de politiques et d’intellectuels d’un tel pédigrée avons-nous produits ? Très peu ou aucun, les rares qui osent parler sont automatiquement ostracisés et violement critiqués. Ces occidentaux que nous admirons tant ne sont pourtant pas musulmans ; athées pour la plupart, ils nous défendent contre leurs pays. Ils sont tout simplement humains ou humanistes. Nous musulmans, avons-nous perdu le sens de l’humanisme ? J’en doute fort, par contre la timidité dans la réaction de ce que j’appelle « l’international islamique » me semble résulter de plusieurs causes, dont deux seront brièvement évoquées, afin de ne pas inutilement rallonger ce post.
L’interprétation ‘’ inflationelle’’ de la notion de oumma : pour l’islam et cela est une constance dans toutes les religions, tous les musulmans sont frères, appartiennent à une communauté une et indivisible « la oumma». A ce titre, ils se doivent solidarité et assistance. Inconsciemment donc, pour certains hiérarques de notre communauté, dont les esprits binairement constitués ne conçoivent les musulmans qu’en opposition avec les autres-certains juifs et chrétiens en font de même-, athées ou religieux soient-ils, vitupérer les « nôtres », reviendrait à trahir l’obligation de solidarité incombant à tout membre de cette oumma au contours mal définis et idéalement fantasmée. Ainsi lorsque des Irakiens, Pakistanais, Afghans et Afghanes sont injustement massacrés et torturés par les ‘’occidentaux’’ ; le monde musulman -autre formulation floue- se mobilisera, organisera des marches, renverra des ambassadeurs, écrira des livres. A contrario, lorsque les guérilleros ‘’islamistes’’ libyens du Cnt massacrerons les tribus noirs de Toubous (cf Samuel Laurent dans son ouvrage Sahelistan), quand les voyous du Mujao passeront les maliens-assurément plus musulmans qu’eux- au fil de leur épées certifiées par un Dieu à qui ; ils font dire ce qu’ils veulent entendre, aucune organisation musulmane-à ma connaissance- ne réagira. Bien au contraire, l’inénarrable association internationale des ulémas d’Europe trouvera à redire de l’intervention des Français au Mali. A ce jour, le seul Savant musulman internationalement reconnu ayant dénoncé sans ambigüité ces exactions et ce racisme primaire des islamistes est Sheikh Imran Hosein. Bien au delà de cet article, il peut être fait état du racisme et de la négrophobie pathologique qui dans l’indifférence générale, sévit dans les pays du Maghreb et de l’orient. A cette solidarité mécanique expliquant le silence relatif de nos hiérarques, une autre raison peut être évoquée : le triomphe de l’intégrisme.
Le triomphe de l’intégrisme : il y a de l’intégrisme chez les musulmans comme il y en a dans toutes les autres religions et dans tout faits humains, le nier comme nous le faisons souvent nous dessert beaucoup plus qu’il ne nous sert. Bien sure, cet intégrisme et cette violence ne nait pas ex nihilo, elle s’explique par divers facteurs sociologiques, anthropologiques, politiques, historiques… Les musulmans sont à n’en point douter victimes d’oppression, de néo colonisation, de dictature souvent soutenu par « les occidentaux », nier cette réalité serait tout aussi infondée que la première négation plus haut expliquée. Cependant, il faut toujours revenir à la critique de soi, ce dont il est en réalité question dans ce post.
Nous musulmans devons éviter de tomber dans ce piège équationnel contre lequel Malek Bennabi -l’un des plus grands penseurs musulmans du siècle passé- nous mettait en garde. Ce piège est le suivant : l’islam est une religion parfaite ; donc les musulmans sont parfaits. S’il nous faut indubitablement adhérer aux prémices de cette équation, la conclusion qu’on en tire me paraît par contre fausse. Bien au contraire, cette perfection principielle et réelle de notre religion, doit nous pousser à faire un grand effort afin d’acquérir et conquérir cette perfection. Il ne s’agit ni de la clamer et proclamer, mais de la cueillir et l’accueillir. Cette quête passe par le fait, que chez nous et en nous, nous apprenions à dénoncer radicalement s’il le faut les tares des nôtres. Nous devons, nous dévêtir de cette candeur prétentieuse, dont nous croyions être les détenteurs exclusifs. Cet exercice, nous permettra de nous saisir d’une réalité de plus en plus frappante : dans l’islam officiel et visible, l’intégrisme semble avoir triomphé. Cette réalité brillamment analysée par Hamadi Redissi (cf Le pacte du Nadjd ou comment l’islam sectaire est devenu l’islam), se manifeste par le fait que l’islam intolérant, sectaire, terrorisant et terroriste, asséchant et desséchant pour l’intelligence soit passé -pour des raisons compréhensibles par moment- d’un l’islam rejeté et pourfendu par l’orthodoxie musulmane à un islam accepté et acceptable. Il sera long et fastidieux de reprendre l’analyse brillante faite par cet auteur sur cette question, néanmoins ; le constant est sans ambages : le terrorisme islamique semble aujourd’hui beaucoup plus acceptable qu’il y a de cela plusieurs décennies. Une des raisons à cette situation, est le fait que ce térrorisme aux yeux de certains musulmans, semble être la réponse, face aux injustices subies par les musulmans du fait de l’impérialisme ‘’occidental’’ constant, dont ils demeurent victimes. Devrons-nous pour autant être des besaciers ?
Ne pas être des besaciers : La Fontaine dans la septième fable du livre premier de son œuvre du même titre (cf Les fables de la fontaine), évoque ces êtres qui : ‘’ lynx envers leurs pareils, sont taupes envers eux-mêmes’’. Il conclut en les qualifiant de besaciers ‘’ayant la poche de derrière pour leurs défauts, et celle de devant pour les défauts d’autrui’’. C’est justement à cette nature humaine-puisque la providence nous fit tel pense t’il- que nous devons échapper. Personne n’ignore les enjeux politiques et géopolitiques, qui sont au cœur du « monde musulman », personne n’ignore non plus toutes les injustices dont sont victimes les musulmans. Certains de nous n’ignorent pas comme le rappelait Pierre Hillard pourtant catholique, la guerre parfois faite à l’islam. Tout ceci ne doit tout de même pas nous empêcher de dire non, de nous désolidariser des errances de gnomes qui profitant de notre silence et de notre religion commettent des actes ignobles. D’ailleurs, en quoi enlever plus deux cent filles, afin d’en faire des esclaves sexuelles est anticoloniale, antioccidental ou islamique ? Que les détracteurs les plus rabiques (les islamophobes maladifs) de l’islam et ses défenseurs les plus intégristes (les fieffés islamophiles ) nous montrent dans le Coran et dans les propos de notre Saint prophète, des dires, versets ou attitudes justifiant cette barbarie injustifiable. Puisqu’ils n’y arriveront pas, alors nous musulmans n’avons pas à nous taire quoi qu’en disent nos clercs fourbes, et toutes ces pseudos organisations sans mandat ni de nous, ni de notre Dieu ; qui prétendent parler en nos noms et au nom de Dieu. Nous ne leurs sommes pas soumis.
Nous sommes avant tout des soumis à Dieu et demeurons des disciples du prophète Mohamed. A ce titre donc, nous devons vitupérer toutes attitudes, qui nous paraitra aller à l’encontre de son enseignement et du Coran qui est notre crédo. Nous ne devons point au nom de la Oumma, nous sentir solidaires des éconduites, et du terrorisme tant de Boko Haram, que de n’importe quel attardés qui au nom de Dieu agira de manière préjudiciable non seulement à des innocents, mais surtout à notre religion et à son image.
De surcroit, il est aujourd’hui déplorable de constater qu’une religion comme la notre, ayant donnée naissance à une civilisation aussi géante que la civilisation islamique dans le califat Abbasside, et celui de Cordoue (cf Singrind Hunke dans le Soleil de Allah brille sur l’occident et Alain de Libera dans le don de l’islam à l’occident), ait pour seul représentant Boko Haram, Al quaida, les imposteurs du Cnt, les terroristes égorgeurs de Syrie… Nous les musulmans majoritaires et silencieux qui vivons dans la paix, nous sentant beaucoup plus proches de Rumi, Cheikh Ahmadou Bamba, Thierno Boccar (le sage de bandiagara)… que de Ben Laden devons dire non ! Non quand bien même, aucun parlement d’aucun pays musulmans-laissant cette tâche aux occidentaux- n’a daigné se réunir pour trouver une solution au forfait de Boko Haram, quand ni l’Arabie Saoudite, ni le Qatar et plein d’autres états n’ont pas osés dénoncer ce crime, ni proposer leur aide ; alors qu’ils sont âpres à dépenser des milliards en armes et logistiques pour des guerres inutiles contre d’autres musulmans. Nous devons dire non à notre petite échelle, non quand de la Côte d’ivoire au Mali, du Sénégal à la Guinée…Aucune organisation musulmane n’a courageusement dénoncé –même si elles le reprouvent- ces actes. Nous ne devons par nous taire parce qu’en dernier ressort, c’est ce que notre prophète nous a conseillé-le seul homme dont nous soyons vraiment les disciples- quand il affirma avec la sagesse qui fût la sienne : « Que celui d’entre vous qui voit une chose blâmable la corrige avec sa main. S’il ne le peut pas avec sa main, qu’il la corrige avec sa langue. S’il ne le peut pas avec sa langue, qu’il le corrige avec cœur, c’est la, le degré le plus faible de la foi »
Un musulman
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