Côte d’Ivoire mauvaise gestion: L’habitude la mieux partagée de la coalition au pouvoir

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Par Séraphin Prao Yao | LIDER | 24 avril 2014

En Côte d’Ivoire, c’est une coalition qui dirige le pays. Cette dernière est composée du Pdci, du Rdr, de l’Udpci et du Mfa. On dit souvent : qui se ressemble s’assemble. C’est une vérité en Côte d’Ivoire où la manière de gouverner de ces quatre partis est la même : on endette le pays pour entreprendre des grands travaux et on en profite pour s’enrichir. Ce que ces partis partagent le mieux, c’est la mauvaise gouvernance. Alors que les Ivoiriens critiquent la gouvernance de la coalition au pouvoir, cette dernière ne fait rien pour changer ni même pour améliorer le bien-être des populations. Les surfacturations sont devenues la norme avec les nouvelles autorités. La seule sanction que vous risquez si vous détournez les deniers publics, c’est une simple affectation à un autre poste. Dans les lignes qui suivent, il s’agira de rappeler aux démocrates ivoiriens que la mauvaise gestion est congénitale pour ceux qui dirigent actuellement la Côte d’Ivoire, notamment le Pdci et le Rdr. La seule alternative qui s’offre aux électeurs est de changer les dirigeants actuels. Retour sur la très longue l’histoire de la gestion des affaires de ces partis.

La gestion des affaires sous Félix Houphouët Boigny (Fhb)

Félix Houphouët-Boigny est un homme politique de premier plan, c’est certain, mais sa gestion des affaires économiques était approximative. La Côte d’Ivoire avait en 1960 un pib par habitant de 159 dollars tandis que ceux de la Corée du Sud et de la Chine étaient respectivement de 152 dollars et 92 dollars. Jusqu’en 1990, le pib par habitant de la Côte d’Ivoire était encore deux fois et demie supérieur à celui de la Chine. En termes de formation brute du capital fixe (fbcf), en 1960, la Côte d’Ivoire devançait la Chine et la Corée du Sud, avec un taux de 21% du pib, là où celui de la Corée était de 11%. Mais à compter de 1970, la Corée du Sud et la Chine ont commencé par devancer la Côte d’Ivoire pour distancer le pays à partir de 1990. La fbcf était de 9% en 1990, 11% en 2000 et 10% en 2008 en Côte d’Ivoire alors que celles de la Corée du Sud et de la Chine représentaient aux mêmes périodes, respectivement 37%, 30% puis 29% et 26%, 34% puis 42%. Aujourd’hui, le pib par habitant de la Côte d’Ivoire est de 1.600 dollars alors que celui de la Corée du Sud est 32.100 dollars.

Fhb reconnait lui-même les erreurs commises lors du 7e congrès de son parti en 1980, en ces termes : «Dans le domaine économique et financier, je relèverai deux erreurs fondamentales. La première a été la prolifération des Sociétés d’Etat. Nous voyons maintenant, avec le recul, de quelle façon notre vigilance a été surprise. La mauvaise gestion presque générale de ces Sociétés d’Etat a fait que leurs résultats ont été presque tous déficitaires. Je constate que ce comportement aveugle a fait apparaître un élément nouveau, surprenant, de l’endettement du pays, alors qu’en bonne gestion, des finances, appuyés sur la constitution qui impose l’équilibre budgétaire, nous aurions dû être loin du seuil critique. La deuxième et lourde erreur est la légèreté avec laquelle ont été menées les négociations pour la création des six complexes sucriers. Délais trop courts pour le remboursement des emprunts, surfacturation, défauts de conception, manque de pièces de rechange, gestion confiée aux propres promoteurs, dont certains se sont comportés de manière scandaleuse, ont fait que nous produisons un sucre non compétitif à un prix supérieur au prix mondial. Je citerai un chiffre : ayant fait contrôler trois de ces complexes par des experts indépendants, il a été constaté 34 milliards de FCFA de surfacturation. Tout cela a encore contribué au surendettement que nous déplorons…» Comme le reconnait Fhb, en Côte d’Ivoire, la réalisation de grands projets structurants dans les secteurs agro-industriels (complexes sucriers et papetier), miniers et des infrastructures (programmes énergétiques par exemple) faisait de l’Etat un agent économique aventurier.

On voit bien que l’endettement de la plupart des pays en développement est en grande partie imputable à la gestion malsaine et aux choix hasardeux des gouvernants. En Côte d’Ivoire, le modèle étatique d’industrialisation s’est caractérisé par un surinvestissement, par une absence de liaisons avec l’environnement et par une faible compétitivité extérieure. Outre ses fonctions initiales, l’Etat a régulé le chômage des diplômés et est devenu un lieu de prélèvement de rente. L’aide est souvent détournée de ses fins et a des effets multiplicateurs limités. Elle crée également des effets pervers : biais en faveur des projets capitalistiques, charges récurrentes. Il y a eu mise en place des projets inadaptés dits «éléphants blancs» et nationalisation des entreprises financées largement par l’endettement extérieur.

Pour le plan quinquennal 1981-1985, la valeur des investissements publics, évaluée à 1.432,6 milliards de fcfa, a été d’environ 41% plus élevée que celle (1.020 milliards de fcfa), déjà très ambitieuse, prévue au plan. Cette frénésie de l’investissement s’est soldée par un accroissement brutal de la dette publique, notamment de la dette extérieure puisque les investissements publics sont financés essentiellement par les emprunts extérieurs.

Selon le rapport du Fmi, en 1979, la dette effective pour les prêts déboursés à la Côte d’Ivoire s’élevait à 3.786 millions de dollars et le service annuel de cette dette représentait 16.6% de ses recettes annuelles d’exportation contre 958 millions de dollars et 6.8% en 1975.

De 1960 à 1993, la gestion des affaires par le président Félix Houphouët-Boigny était lapidaire, pompeuse et légère. Le ministre de l`Economie et des Finances de 1966 à 1977, Konan Bédié, le «surfactureur d’usines», comme on l’appelait à l’époque, avait marqué son passage au ministère ivoirien de l`Economie et des Finances par un véritable scandale financier. C`est l’affaire des «complexes sucriers», révélée par la presse.

La rupture dans la continuité sous Henri Konan Bédié (Hkb)

Une fois aux affaires, Henri Konan Bédié reprend les mêmes pratiques avec ses hommes à lui. Les «douze travaux de l’éléphant d’Afrique» du président Bédié, basés essentiellement sur des projets d’infrastructures, nécessitaient un large recours soit à l’endettement public, générant de lourdes charges, soit au système de la concession de longue durée à des entreprises étrangères. Le redressement durable de la situation financière du pays était donc hypothéqué par la persistance de comportements prédateurs et par une politique de grands projets aux retombées très incertaines pour l’économie nationale.

Dès 1994, les prêts des bailleurs de fonds atteignent la coquette somme de 556 milliards de fcfa, consécutivement à la dévaluation du franc cfa. Sur la période 1994-1997, le régime de Konan Bédié reçoit au total plus de 1.368 milliards de fcfa. S’ajoutent à cette somme colossale 1.063 milliards de gains engrangés grâce aux rééchelonnements obtenus devant le Club de Paris sur quatre ans. Le régime de Hkb gagne un flux total de 2.431 milliards de fcfa. En 1998, la charge de la dette restait extrêmement élevée: ses seuls intérêts représentaient près du quart des autres dépenses de l’État.

Le «scandale Bédié» se résume au détournement des 18 milliards de fcfa de l’Union Européenne. Concernant ce détournement, un audit réalisé en novembre et décembre 1998 par le cabinet 2AC (Associés Audit et Conseil) sur deux programmes d’appui (1995 et 1997) d’un financement de 30 milliards de fcfa, avait relevé des irrégularités dans la conduite des Pin (Programmes indicatifs nationaux). Les auditeurs ont découvert en juin 1999, des surfacturations inimaginables, constatées au ministère de la Santé dirigé par Maurice Kakou Guikahué. Exemples de cette surfacturation, des pèse-bébés à lecture directe de 20.203 fcfa ont été facturés à 1.290.000 fcfa l’unité, quand une boîte à pansement de 30.000 fcfa était surfacturée à 376.000 fcfa. L’ancien ministre de l’Economie devenu président de la République n’avait pas changé ses mauvaises pratiques.

La restauration de la gestion néo-patrimoniale sous Alassane Dramane Ouattara

Le président Ouattara s’inscrit dans le même système politique patrimonial, avec un pouvoir patriarcal très centralisé, exercé par un chef charismatique qui gouverne par le canal de sa famille, de ses fidèles, de ses serviteurs et d’une clientèle captive. La gestion institutionnelle est assimilée à celle d’un «gourou» amalgamant les affaires personnelles et les affaires publiques, politiques, administratives et judiciaires. Le président Ouattara a perpétué les mêmes pratiques de la mauvaise gestion : Toujours entreprendre de vastes programmes, endetter le pays et en profiter pour surfacturer. Après le Pnd, aujourd’hui c’est la promesse de l’émergence. Son ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Cissé Bacongo, peine aujourd’hui à justifier l’utilisation des 110 milliards de fcfa affectés à la réhabilitation des universités publiques du pays. Non seulement, l’argent a été détourné mais aussi le choix était hasardeux. Il le dit lui-même lors de sa visite à l’université de Daloa : «C’est regrettable. On pouvait construire trois universités avec ces fonds. Mais de grâce, on ne peut pas utiliser l’argent des contribuables à d’autres fins personnelles. Les impôts ont coûté 18 milliards de francs à l’entreprise qui avait le marché.». Initialement, cette réhabilitation prévoyait un budget d’environ 45 milliards de fcfa. Avec les 110 milliards de fcfa dépensés, les universités manquent de laboratoires et les enseignants et étudiants travaillent dans des conditions difficiles. Sans qu’un audit n’ait été effectué, le ministre a été affecté à un autre poste comme pour cacher ses fautes.

Pour faire plaisir au président qui serait né le 1er Janvier à Dimbokro, Hamed Bakayoko, son ministre de l’Intérieur, a fait venir en Côte d’Ivoire l’artiste américain Chris Brown et Rihanna, sa petite amie, pour un cachet de 10 millions de dollars pour un concert privé à Assinie.

Le ministre ivoirien des Mines et du pétrole, Adama Toungara, a habité pendant seize mois au 7e étage de l’hôtel Pullman d’Abidjan. Le loyer mensuel de cette suite de cinq chambres revenait à 90 millions fcfa (135 000 €) et c’est le Trésor ivoirien qui payait la note. Pendant que les Ivoiriens végètent, le clan Ouattara s’adonne à des plaisirs interdits. Monsieur Toungara est toujours ministre, car toute sanction est interdite pour les proches d’Alassane Dramane Ouattara.

Conclusion

Il ne faut jamais demander à un «coupeur de têtes» d’apprécier la beauté de notre tête, car la conséquence est connue. La coalition Rhdp au pouvoir ne pourra pas aider les Ivoiriens et endettera le pays comme par le passé. Le président Ouattara ne fera pas mieux que son allié Bédié, tant ils ont en commun les habitudes de mauvaise gestion, de gaspillage des ressources et de laxisme. Nous devons donc dès maintenant nous unir pour les mettre à la retraite politique.

Le Dr. Séraphin Prao est le Délégué national au Système monétaire et financier de LIDER

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