Radio Vatican
(RV) Entretien- La situation s’aggrave au Soudan du Sud. Alors que les combats entre les forces du président Salva Kiir et celles de son rival Riek Machar ne faiblissent pas, la communauté internationale s’inquiète de voir basculer la jeune nation dans le chaos. Les civils paient en tout cas un lourd tribut aux combats : l’ONU a ainsi dénoncé des massacres ethniques dans la ville de Bentiu, reprises récemment par les rebelles, évoquant des dizaines de corps gisant dans les rues, mosquée ou église. La Maison Blanche a fait part ce mardi de son « abomination ».
Les exactions ont provoqué le déplacement de près d’un million de personnes, et la situation humanitaire devient critique dans un pays où les infrastructures sont déjà très pauvres. Olivier Bonnel a joint à Juba David Nash, chef de mission de Médecins Sans Frontières au Soudan du Sud RealAudioMP3
«La situation est déjà mauvaise et empire. Le conflit fait de nombreuses victimes, tuées ou blessées. A cela s’ajoute qu’environ 1 million de personnes sont déplacées, ont été poussées à fuir leur maisons. Dans trois états du pays, tout a été détruit, et la vie est vraiment très difficile.
Il faut savoir que la plupart des gens sont des fermiers, ils mangent ce qu’ils cultivent. La saison des semences approche à présent, et ces personnes ne cultivent plus, n’ont plus rien à manger. Le niveau de destruction est tel dans ces trois états que plus de 3 millions de personnes ne peuvent planifier aucune récolte, en raison de l’insécurité. Il y a vraiment de grandes craintes à avoir pour l’avenir.
Comment les équipes de MSF travaillent-elles dans de telles conditions ?
L’accès est vraiment très difficile, quand vos équipes sont sur la ligne de front, il devient vraiment très délicat d’œuvrer, en particulier en ce qui concerne l’accès médical aux patients. Ces zones de combat étaient auparavant accessibles par la route, mais ce n’est à présent plus le cas. Le Soudan du Sud a des infrastructures très faibles et la saison des pluies approche et les routes vont être impraticables. Pendant plusieurs mois, l’unique moyen d’accéder à ces régions sera par voie aérienne, mais quand il s’agit d’aide médicale, de nourriture thérapeutique, cela devient une tâche très lourde et très complexe.
De nombreux civils ont fui le pays pour se réfugier notamment en Ouganda. Comment faites-vous face à cette question des déplacés ?
Ils ont fui pas seulement en Ouganda mais aussi au Kenya et en Ethiopie. A présent, environ 300 000 personnes ont déjà quitté leur domicile. MSF est présent pour accueillir ces gens dans des camps de ces trois pays. , en fournissant notamment les premiers soins médicaux et en facilitant les hospitalisations si nécessaire. Mais ce nombre immense de personne ne nécessite pas seulement de l’aide médicale, ils ont besoin de nourriture et d’eau potable, pour ne pas tomber malade. Face à la densité de ces réfugiés dans les camps, il faut éviter les risques d’épidémie. MSF mène ainsi des campagnes de vaccinations, contre le choléra et la rougeole, qui sont mortels dans ces zones.
Il faut rappeler aussi qu’au-delà de ces réfugiés, e conflit a fait près d’un million de déplacés à l’intérieur- même du Soudan du Sud. Certains ont pu rallier des camps dans des zones sécurisées où nous les assistons. Nous avons une vingtaine de structures d’accueil dans le pays à présent. Mais pour toutes les personnes qui vivent dans des zones encore non sûres, cela devient très difficile de leur fournir de l’assistance.
Les Nations Unies ont parlé de risque de génocide et de massacres ethniques, en particulier à Bentiu, en avez-vous eu connaissance ?
Je ne peux parler que de ce que l’on voit directement, mais une chose est sûre ces rapport existent en ce qui concerne les récents combats à Bentiu. Nous y avons une équipe ainsi que dans les villes voisines, et nous avons reçu des centaines de personnes blessées. Ces histoires de massacres ethniques sont extrêmement préoccupantes. Le conflit semble prendre un mauvais tournant avec des attaques de représailles des deux côtés.
S’agit-il de la pire crise humanitaire en cours ?
L’échelle de la crise est immense, avec 3 millions de personnes en danger, avec l’insécurité alimentaire. Et le conflit qui ne cesse pas rend l’accès humanitaire extrêmement précaire. Les Nations Unies ont dit qu’il y avait besoin d’un milliard de dollars pour fournir de l’aide humanitaire à ces gens. Je crois que seulement un tiers de cette somme a été versée. Il faut beaucoup plus, surtout quand il faut acheminer par avion les denrées et matériels médicaux, la nourriture, c’est incroyablement difficile et cher. MSF ne cherche pas à savoir qui est blâmer dans ce conflit, mais souhaite seulement rappeler que ces civils, des hommes, des femmes et leurs bébés ont besoin de notre aide.»
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