Par Issiaka N’Guessan, à Abidjan Jeune-Afrique
La presse ivoirienne, très politisée, est en crise depuis une dizaine d’années. La presse ivoirienne, très politisée, est en crise depuis une dizaine d’années. © AFP
Les prix de la plupart des journaux ivoiriens sont passés vendredi dernier de 300 à 400 francs CFA. Une augmentation qui vise à renflouer une presse en crise, en attendant la reprise économique et les aides promises par le gouvernement. État des lieux.
Après deux décennies de stagnation, c’est une petite révolution. Les prix de vente des journaux ivoiriens ont sensiblement augmenté, vendredi 2 avril, passant de 300 à 400 F CFA. « Les prix ne correspondaient pas à la réalité. Depuis 22 ans, ils restaient fixés à 200 et 300 F CFA, avec un prélèvement de 33% des ventes pour Edipresse » (société de distribution de la presse), explique Amédée Assi Adon, le président du groupement des éditeurs de la presse de Côte d’Ivoire (Gepci).
« On aurait dû aller jusqu’à 500 F CFA, le prix réel sans la publicité, mais nous comptons sur la reprise économique pour combler le manque à gagner ». Cela suffira-t-il ? Fortement politisée, la presse ivoirienne est en difficulté depuis au moins dix ans. « Tout est parti de la crise militaro-politique de 2002 à 2011. Les journaux n’étaient pas vendus sur l’ensemble du territoire, et la paupérisation de nombreux Ivoiriens a conduit à l’usage de la « titrologie » [le commentaire des unes des quotidiens, NDLR] et à la location de journaux dans les ministères et institutions », poursuit Amédée Assi Adon. Conséquence : les journaux cumulent des dizaines de millions de F CFA de dette vis-à-vis des imprimeurs, les salaires des journalistes sont péniblement payés, et les éditeurs attendent avec impatience la concrétisation des aides promises par l’État.
Les éditeurs accusent l’État d’avoir créé des « conditionnalités rigides » autour du Fonds de soutien à la presse.
En 2012, le président Ouattara avait promis au secteur de la presse son inscription dans le Programme national de développement (PND) 2012-2015, sans préciser d’enveloppe budgétaire. Toutefois, cela avait mis du baume au cœur des journalistes. Le « paiement des frais d’impression » sur 6 mois pendant 3 ans à hauteur de 45 millions de F CFA, soit 7,5 millions de F CFA par mois, est aujourd’hui une attente des éditeurs qui accusent l’État d’avoir créé des « conditionnalités rigides » autour du Fonds de soutien à la presse : 1,5 milliard de F CFA.
Les pro-Gbagbo défavorisés ?
Ce montant représente l’apport initial consenti par l’État pour garantir auprès de la banque nationale d’investissement (BNI, publique) les emprunts futurs des éditeurs de presse. Pour y être éligible, il faut être professionel – c’est à dire déclarer et payer les journalistes selon leur convention collective – et surtout ne pas avoir été sanctionné par le Conseil national de la presse au second degré (suspension de parution sur une certaine période), ce qui est arrivé fréquemment aux journaux pro-Gbagbo… Une raison qui explique, selon Amédée Assi Adon, que « pas plus de cinq organes n’ont sollicité ce fonds. »
Enfin, dernier problème structurel de la presse : l’évolution du modèle économique vers le web gratuit, qui nécessite de nouveaux investissements. Le groupe Olympe (Soir Info, l’Inter, Star Magazine) et Fraternité Matin ont respectivement créé linfodrome et fratmat.info pour aller à l’assaut des internautes, tandis que le Gepci a en projet le e.kiosk, une centrale d’éditions digitales afin de rapprocher les journaux « imprimés » de leurs lecteurs potentiels. Et de permettre à la presse de gagner en indépendance par rapport à abidjan.net, seul à commercialiser pour le moment la plupart des éditions en ligne des journaux ivoriens.
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