Côte d’Ivoire – Le monopole sur le marché du médicament rend la gratuité des soins irréalisable

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LIDER News | 02 avril 2014

«Il y a deux choses que le gouvernement ivoirien aime: l’argent et les pauvres. Il fait tout pour avoir le plus des deux, le plus longtemps possible. Pour leur bonheur, les hommes au pouvoir en Côte d’Ivoire ont besoin de fabriquer de nombreux pauvres devant lesquels, chaque jour, ils étalent leurs richesses pour se faire admirer et envier.» (Mamadou Koulibaly)

Depuis de longues années, nous échangeons fréquemment avec des personnels hospitaliers, médecins, pharmaciens, infirmiers, sages-femmes et autres administratifs des grandes villes et des campagnes. Leurs conditions de travail sont des plus difficiles. Ils sont blâmables pour beaucoup de choses, mais pour d’autres, ils le sont moins. Les conditions dans lesquelles se trouvent nos hôpitaux sont catastrophiques. Les conditions dans lesquelles les usagers sont accueillis sont déplorables. Elles sont ainsi depuis au moins 1977, date du début de la conjoncture qui conduira au programme d’ajustements structurels puis à la dévaluation, ancêtres des crises récentes.

Nous n’avons pas à faire une guerre contre les hôpitaux, mais à rechercher les causes de toutes les mauvaises pratiques qui deviennent le lot quotidien de malédictions pour la grande masse de la population, qui n’a pas le choix et est obligée de se soigner ici, et non en France ou ailleurs, pour des traitements que notre système de santé peut en principe dispenser.

Ce qui est en cause, c’est le système de la santé publique et, en partie, la politique du médicament. La question a bien des aspects plus ou moins complexes, plus ou moins délicats. Oublions momentanément nos révoltes particulières et l’émergence de nos vexations, suite aux comportements intolérables qui nous choquent de plus en plus, et concentrons-nous sur cette question.

Observons la soit disant politique de la gratuité des soins dans les hôpitaux publics. Les soins sont gratuits en théorie, mais n’existent pas ou sont rationnés dans la réalité. Les soins gratuits impliquent que l’offre de médicaments est gratuite, ainsi que l’offre de médecins. Les médecins dans les hôpitaux publics sont des fonctionnaires, donc le malade ne paie pas d’honoraires. Prix du service : zéro franc. Mais le médicament gratuit signifie que l’hôpital dispose de stocks de médicaments en quantités suffisantes pour les malades qui s’y présentent. L’Etat, qui a décrété la gratuité, doit pouvoir acheter et offrir des médicaments en quantités voulues. Soit l’Etat le fait et, comme partout ailleurs, il y a des prévaricateurs qui les volent, soit il n’est pas capable de le faire, parce que le coût du médicament est prohibitif, même pour l’Etat qui achète dans des conditions non compétitives.

Alors que la concurrence mondiale rend le médicament de moins en moins cher avec les productions des marchés émergents des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) et autres pays développés, en Côte d’Ivoire, nous continuons de dépendre d’un seul fournisseur en situation de monopole : Eurimex Pharma, installé en France, est l’unique compagnie par laquelle tous les médicaments disponibles officiellement en Côte d’Ivoire passent pour être autorisés à la vente sur notre territoire. Vous voulez des médicaments made in Brésil ou fabriqués en Inde ou ailleurs dans le monde ? Si Eurimex Pharma ne l’achète pas pour vous, au prix du vendeur, et en y ajoutant ses services, ses marges et ses coûts, vous ne pouvez le commercialiser que sur le marché noir et non dans les pharmacies et les hôpitaux.

Les consommateurs et malades ivoiriens dépendent aussi de quatre redistributeurs exclusifs des médicaments qui arrivent d’Eurimex Pharma. Ce sont Laborex (France), Dpci, (France) et Copharmed (France/Côte d’Ivoire) et la pharmacie de la santé publique. Ce monopole ahurissant et les oligopoles qui y sont attachés rendent le médicament plus cher dans notre pays, aussi bien pour l’Etat que pour les particuliers. Nous sommes victimes des vestiges du pacte colonial. Pour en sortir, il ne nous reste que la concurrence sur le marché du médicament et dans la fourniture des médicaments aux hôpitaux et centres de santé publique. Décréter la gratuité des soins lorsque des services de santé convenables n’existent pas et que l’approvisionnement en médicaments est otage d’un monopole destructeur relève du mensonge d’Etat.

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