Par Macaire DAGRY
En politique, on n’est jamais « mort ». Même s’il y a des moments où les doutes, les incertitudes ou des situations difficiles auxquelles nous sommes confrontés peuvent donner l’impression d’une fin. Quelques fois, ce sont ces moments-là qui déterminent notre avenir politique. En Côte d’Ivoire, on peut citer les cas des présidents Gbagbo et Ouattara. En ce moment, Charles Blé Goudé est confronté à son destin politique, face aux juges de la Cour Pénale Internationale (CPI). Soit il rentre dans « la cour des Grands » à l’issu de cette ultime épreuve. Ou alors, son procès mettra fin à une aventure politique que chacun appréciera selon ses intérêts, sa sensibilité politique ou ses attentes.
Le débat politique s’est fait à la machette
La vie politique n’est pas un long fleuve tranquille. Bien au contraire, elle est sans cesse en mouvement, parfois violente et inhumaine. Elle a ses propres codes et règles qu’elle génère selon le continent, le pays et ses modèles culturels et politiques. Pour l’instant, nos jeunes Etats indépendants sont encore enlisés dans des systèmes politiques gangrenés par les assassinats, les guerres civiles, ethniques ou religieuses. En Côte d’Ivoire, le débat politique et idéologique s’est fait à la machette. On manipulait des jeunes gens désœuvrés, intoxiqués par les discours guerriers et xénophobes du « général de la rue » et par une presse qui véhiculait et alimentait la haine et la violence. Lorsque la tension politique était trop grande et difficile, on cherchait des boucs émissaires responsables de tous nos malheurs. Pendant plus d’une décennie, notre taux de chômage et d’analphabétisme était très élevé. C’était la faute de l’autre. Quand les caisses de l’Etat étaient vides à cause des achats massifs d’armes de guerre, c’était encore la faute de l’autre. Celui qui est de l’autre ethnie, de l’autre religion, de l’autre région ou encore de l’autre pays. Alors, on demandait à chaque jeune de descendre dans les rues et de choisir son blanc pour lui faire la peau.
C’était le temps des refondateurs
C’était des années de terreur où tout était permis. Même déterrer la dépouille de la mère d’un opposant devenait un acte politique. A cette époque, la vie politique n’avait aucune limite morale. La dignité et la vie humaine ne faisaient pas partie des valeurs du moment. Puisque le débat politique et idéologique sur la base des idées était volontairement méconnu, on faisait donc régner la terreur pour exister politiquement, en détruisant tout. C’était le temps des refondateurs. Il fallait donc tout détruire pour refonder. Malheureusement, au lieu de construire des universités, des hôpitaux ou des routes, on achetait des armes, et beaucoup d’armes, comme si cela pouvait garantir l’avenir de nos enfants. Non, on ne meurt jamais en politique. Mais on mourrait en suivant des hommes politiques, qui se cachaient quand tout allait mal. Non, on ne meurt jamais en politique. Mais on faisait tuer, ou on tuait parce qu’un pasteur évangélique nous avait fait croire que notre chef était l’élu de Dieu. On tuait aussi pour faire plaisir aux vendeurs d’armes qui rient encore de notre naïveté lorsqu’ils nous voient, menottés, à la CPI.
La légitimité politique des grands hommes d’Etat
Avec son incarcération à la CPI, Blé Goudé vit un moment crucial de son engagement politique. Il n’a jamais fait l’unanimité au sein de son propre parti politique malgré le soutien du président Gbagbo. Pour preuve, son transfèrement à la CPI a été très timidement dénoncé par les caciques du FPI. Chacun y voit un intérêt politique qu’il peut exploiter, y compris Blé Goudé lui-même. Il peut en faire une tribune politique. Va-t-il porter tout seul la responsabilité des nombreux chefs d’accusation que lui reproche la CPI ? Va-t-il enfin payer son excès de zèle et de désinvolture vis-à-vis des poids lourds du FPI ? S’il arrive à se sortir d’affaire avec un non-lieu ou une faible condamnation, il est alors évident qu’il fera un retour triomphal en Côte d’Ivoire. Il aura alors la légitimité politique de tous ces grands hommes d’Etat qui ont d’une manière ou d’une autre marqué l’histoire politique de leur pays. Il aura alors acquis la stature de combattant politique. Pour ses partisans, la légende Blé Goudé naîtra avec une forte possibilité d’un grand destin politique. Pour l’instant, ce destin reste fortement hypothéqué et semble réjouir plusieurs acteurs politiques ivoiriens, y compris au sein du FPI.
Macaire DAGRY
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