De l’immense défaite et de l’humiliation constante que les indépendances africaines nous ont laissées, la plus inacceptable est sans doute notre incapacité à avoir chez nous aussi des hôpitaux où nous pouvons aller nous faire soigner en toute confiance. La santé devait être une priorité de l’État en Afrique et pourtant un peu partout chez nous le budget militaire absorbe une grande partie des maigres ressources de nos malheureux pays.
Certains nous disent : << toi tu es en Suisse, reste tranquille là bas, c’est quoi ton problème>> chacun est libre d’habiter où bon lui semble dans un monde en mutation. Mais se taire devant la forfaiture est indigne du bon sens dont Dieu nous a doté. À ceux là il faut rappeler ici et maintenant que le silence devant le crime, a ses implications de responsabilités devant le crime commis. Le constat est donc dramatique plus de 50 ans après les indépendances.
Nous n’avons même pas été capables d’entretenir les infrastructures hospitalières que le système colonial nous avait laissées. Et pourtant dans le domaine de la formation des cadres hospitaliers, l’Afrique a aujourd’hui de nombreux spécialistes qui font la fierté des hôpitaux européens ou nord américains. Ils sont partis en raison des incohérences de l’État phagocyté par la corruption et incapable de valoriser les métiers liés à la santé de nos populations.
Observez bien l’infirmier du dispensaire du village ou la sage-femme d’une maternité, perdus au fond de la brousse africaine, pensez-vous que leur métier sont valorisés par l’Etat, quand ils se retrouvent sans médicament en cas de morsure de serpent ou de l’urgence d’une césarienne en pleine nuit dans des contrées sans route?
Le contribuable africain est condamné à se faire soigner dans des dispensaires ou hôpitaux sans médicaments. Le mal est tel que si un pays européen offre demain un hôpital tout neuf avec le matériel nécessaire à un pays africain, il ne sera même pas entretenu et dans les trois ans qui suivront tout deviendra méconnaissable.
Voilà pourquoi les chef d’États africains vont se faire soigner à l’étranger avec leur famille pour ne pas crever dans les hôpitaux pourris et dépourvus de matériels que nous avons chez nous. Le malade en Afrique doit venir avec les médicaments pour être soigné, le pharmacien se frotte les mains au passage. Le malade doit payer les gangs pour le chirurgien, les fils et les aiguilles pour les points de sutures et parfois son matelas pour l’hospitalisation par terre dans un couloir de l’hôpital.
Ainsi après avoir privatisé l’eau, l’électricité, les ressources minières et pétrolières, les terres agricoles, on privatise maintenant les routes, les écoles et nous faisons le pari que demain l’état cédera les hôpitaux à des entrepreneurs privés qui lui verseront un loyer mensuel ou annuel, qui ira directement dans la poche des gouvernants. Le président de la Côte d’ivoire, Allassane Dramane Ouattara, qui souffre de douleurs sciatiques a pu aller se soigner le mois dernier à l’hôpital américaine de Neuilly-sur-Seine au 63 Bd Victor Hugo en région parisienne.
Quand en est-il de la majorité des Ivoiriens dont certains meurent par manque des soins les plus élémentaires ?
Faites un tour dans les urgences des CHU d’Abidjan pour voir de vos yeux ce qu’est le visage de l’enfer ici bas. Le président doit vraisemblablement retourner à Paris pour des contrôles dans les prochaines semaines. Imaginez-vous le coût financier du déplacement en avion avec l’équipage, sa famille, ses collaborateurs compris et de l’économie à réaliser si l’opération avait été faite sur place ?
Imaginez-vous la facture d’immobilisation de l’avion sur tarmac de l’aéroport de Paris, de sa révision pour lui permettre un retour en toute sécurité, du plein de carburant en aller et retour ainsi que les factures d’hôtel de tout ce monde. Ne parlons pas ici de l’utilisation du salon d’honneur de l’aéroport de Paris. Qui paiera toutes ces factures, le contribuable ivoirien qui a de la peine à boire de l’eau potable ou le président déjà milliardaire avec son épouse ? Le président à-t-il une couverture maladie pour tous ses frais médicaux ?
Nos contradicteurs mesquins, qui n’ont que leurs visions ethnique, sectaire et malfaisantes comme buts de vie, chercheront ici des mauvaises intentions dans notre questionnement. Non, il s’agit ici de réaction légitime sur la création d’une assurance maladie pour tous qui nous offre des garanties suffisantes capables de nous faire soigner chez nous dans de meilleures conditions.
Nous faisons le pari ici et devant vous que celui qui fait un tel raisonnement sera perçu chez nous comme un ennemi de l’état et de son gouvernement. Voilà pourquoi l’alternance politique pacifique que nous souhaitons tous, est devenue pratiquement impossible dans de nombreux pays africains.
Tout simplement parce l’intellectuel critique de sa propre société est considéré comme un ennemi de l’État nation totalement couché à plat ventre depuis 1960, comme un chien devant les intérêts du capital financier de l’ancien colonisateur, qui ne supporte aucune contradiction de la part des esprits libres et de la société civile africaine. Peut-on être un pays émergeant sans une infrastructure sanitaire digne de ce nom chez soit ?
La mort pitoyable du président gabonais, le mollah de Libreville, El Hadj Omar, Albert Bernard Bongo à Barcelone le 08.juin 2009, fut une honte pour l’Afrique. Voilà quelqu’un qui après plus de 40 ans de règne n’a même pas été capable de construire un seul hôpital digne de ce nom dans son pays.
L’Islam recommande à tous bons musulmans de prier, pour la paix sur terre, pour son pays et pour sa propre fin. Le président Bongo, a pu assister lui-même à sa propre fin, à la mort de sa femme, à la faillite morale, économique et sociale du Gabon et à sa propre fin de vie dans des conditions humiliantes dans un hôpital étranger.
L’avenir sanitaire de nos pays africains et de nos populations s’obscurcie de jour en jour. Feu le Général Gnassingbé Eyadema, du Togo était venu au Centre cardiologique de Lugano, en Suisse pour des examens cardiovasculaires en janvier 2005. Des contrôles étaient prévus en mars 2005, lorsque le mal s’est aggravé entraînant la mort du Général Eyadema le 25 février 2005, à Tunis. De son côté, l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade, s’était fait également opéré de la cataracte en France.
Le président de la République algérienne Abdel Aziz Bouteflika est sorti de l’hôpital militaire du Val-de-Grâce en France le samedi 17 décembre 2005, selon le communiqué médical publié par son Médecin personnel le Pr. Massaoud Zituouni, l’hospitalisation du Président algérien avait été motivée par : << Un ulcère hémorragique au niveau de l’estomac qui nécessitait une intervention chirurgicale, son état de santé évolue très favorablement. >> précise le communiqué. Mais nous voyons tous aujourd’hui en mars 2014, que le président Bouteflika est physiquement affaiblit et malade.
Mesdames et Messieurs, il y a une habitude en Afrique, alors que nos écoles sont devenues des dépotoirs, les enfants de nos élites politiques sont à l’étranger dans les lycées et autres grandes écoles occidentales, ils sont rares ceux d’entre nous qui ont vu les enfants de nos chefs d’états fréquenter les mêmes écoles que nous.
Nos médecins sont dans la précarité avec un manque criant de matériels, nos hôpitaux sont devenus des mouroirs et nos chefs d’états préfèrent aller se soigner à l’étranger, au lieu de promouvoir une santé publique digne de ce nom dans nos pays africains. Suivez notre raisonnement.
– Le Président Francis Koffi Kwamé Nkrumah est mort le 27 avril 1972 à Bucarest en Roumanie, d’un cancer de l’estomac, à cette époque il n’exerçait plus de fonctions officielles.
– Le Président algérien, Houari Boumediene, après avoir été soigné à Moscou, est décédé le 17 décembre 1978 d’une Tumeur cérébrale, à l’hôpital Moustapha Bacha, d’Alger.
– Le président angolais le Poète, Dr Agostino Neto, est lui aussi mort à Moscou officiellement des suites d’une intervention chirurgicale, le 10 septembre 1979.
– Le responsable suprême de la révolution guinéenne, le camarade stratège Ahmed Sékou Touré, pour respecter la phraséologie révolutionnaire, est mort sur la table d’opération du Mémorial Hôpital, sur les bords du Lac Erié à Cleveland dans l’Ohio aux USA. Le 26 mars 1984. Il souffrait d’une déchirure de l’aorte.
– Le Général Seyni Kountché, Président du Niger est mort le 10 novembre 1987, à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris des suites d’une tumeur cérébrale.
– Le 30 novembre 1989, l’ancien président camerounais Ahmadou Babatoura Ahidjo, meurt en exil à Dakar au Sénégal, d’une dépression et d’un diabète avancé.
– Le 7 décembre 1993 Félix Houphouët-Boigny, le président de la Côte d’Ivoire meurt officiellement à Yamoussoukro, après une opération relative à un cancer généralisé de la prostate à l’hôpital Cochin à Paris en France.
– Le 7 septembre 1997, mourrait à Rabat au Maroc, le Maréchal Mobutu Sésé Séko, ancien président du Zaïre, des suites d’un cancer généralisé de la prostate, après une opération au CHIV de Lausanne en Suisse.
– Le Muwalimu, Julus Nyéréré, meurt lui le 14 octobre 1999 dans un hôpital londonien des suites d’une insuffisance rénale
Nous arrêtons ici ce chapelet macabre pour aller à l’essentiel et vous dire que la santé est le bien le plus précieux des êtres humains et quand on est président, la première des choses à faire est de donner au pays qu’on dirige un système sanitaire de qualité, permettant à ses concitoyens de se soigner dans de meilleures conditions.
On peut dire tout ce qu’on veut de Fidel Castro, mais nous savons tous à l’avance que ce n’est pas aux USA qu’il ira se soigner. Le système de santé cubain est l’un des plus viables d’Amérique latine. En dépit de tout ce qu’on peut reprocher à la révolution cubaine, les bienfaits de l’école et la santé restent des acquits précieux des cubains.
Vous imaginez le président Russe aller se faire soigner au Canada ou aux USA.
L’empereur du Japon n’ira jamais se faire soigner à paris ou à Londres.
Le roi d’Espagne n’ira jamais non plus à Rome pour se faire soigner, car cela sera perçu par le peuple espagnol, qui a vécu la longue agonie du Généralissime Francisco Franco, comme un manque de confiance aux structures sanitaires de leur pays.
Mesdames et Messieurs, les infrastructures hospitalières, font parties des instruments de l’indépendance nationale et de développement d’un pays, ceux qui ne l’on pas encore compris doivent se réveiller du profond sommeil quasi comateux dans lequel ils sont plongés car en définitive, on est indépendant que lorsqu’on a des biens propres, pour ne pas dépendre indéfiniment des autres. Si pour une toux ou pour un mal de dent vous devez vous rendre, chez ceux qui vous ont colonisés, alors à quoi bon d’avoir lutté pour être indépendant ?
Nos présidents africains ressemblent pour la plupart à cet esclave du XIXème siècle qui une fois affranchi, marche jusqu’au pas de la porte de la maison de son maître et revient s’asseoir près de lui car il est incapable de penser sa liberté sans son maître. Le pauvre, il n’a jamais appris à décider par lui-même. Voilà l’image minable que nous avons des présidents africains, plus doués à promouvoir le tribalisme, les gabegies, les génocides et incapables de réussir une simple réconciliation nationale dans les pays qu’ils veulent gouverner.
Il ne s’agit pas ici d’une polémique stérile, il s’agit d’un problème de fond qui conditionne l’image que nous donnons de nous même à l’extérieur de l’Afrique. Comment expliquez-vous qu’aucun des chefs d’états que nous venons de citer n’ait pu durant son règne laisser à son pays un hôpital digne de ce nom qui fonctionne et est capable de le prendre en charge sur place en cas de maladie?
Quand nous parlons d’hôpital qui fonctionne, dans notre pensée, c’est hôpital avec le personnel de haute qualité scientifique et du matériel adéquat pour être performant et offrir à nos populations une médecine de qualité. Observez bien le budget de la santé dans nos pays africains, il est en régression partout.
Un peu partout en Afrique, un lieutenant de gendarmerie ou de police gagne mieux qu’un médecin.
Alors que le budget militaire est en augmentation constante. Nous sommes obligés aujourd’hui d’organiser des petites collectes depuis l’étranger pour aider nos hôpitaux, maternités ou dispensaires de villages, cela est-il normal ? Et cela va durer jusqu’à quand ? Voici des questions légitimes qui s’imposent à notre réflexion. Il ne s’agit pas ici d’être à Kinshasa, au Canada, au Mexique, à Conakry ou en Inde. Nous devons être capables d’affronter nos défis et les relever à travers une critique sans concession de nos propres insuffisances, pour faire naître la cohérence dans notre espace public.
Nous interpellons sur ce sujet tous nos compatriotes Africains et nos amis Européens, car nous avons du mal à comprendre l’état de délabrement de nos hôpitaux et le comportement des familles de nos élites qui vont chaque année se faire des bilans médicaux aux frais du contribuable africain qui lui, crèvent de faim, de soif, de pauvreté de maladies et autres pandémies auxquelles il est exposé sans protection par la faute de gouvernants inconscients, irresponsables, hautains et médiocres.
L’hôpital, comme expression de notre indépendance, est une réalité de notre temps, le président, Nelson Mandela, qui souffrait d’une infection pulmonaire avait reçu tous les soins relatifs à sa santé au Mediclinic Heart Hospital de Pretoria. Le Roi Hassan II du Maroc est mort le 23 juillet 1999, au palais royal de Rabat aux mains d’une équipe médical Marocaine. Le président Ghanéen John Atta-Mills est décédé le 12 juillet 2012, à l’hôpital militaire d’Accra. Timidement sans doute, un esprit nouveau émergera, pour mettre l’hôpital au milieu de la cité.
Une chose est certaine, la dignité, c’est aussi l’adéquation entre le dire et le fait.
L’hôpital comme expression de l’indépendance africaine, est une donne que nous devons prendre aujourd’hui en compte pour nous affirmer dans un monde ou nos ennemis cherchent systématiquement à nous maintenir dans l’asservissement continuel et dans les soutes de l’histoire.
Nous avons voulu ici exprimer une préoccupation et la partager avec tous ceux qui croient à une nécessaire remise en cause, pour permettre à nos malheureux peuples africains d’affronter les temps nouveaux avec la certitude que la santé sera une préoccupation des gouvernants.
Comme l’écrivait si bien le prix Nobel de la paix, le Dr Albert Schweitzer, qui fut le fondateur en 1913, de l’hôpital de Lambaréné au Gabon :
« L’éthique du respect de la vie comprend en elle-même tout ce que couvrent les notions d’amour, de dévouement, de partage, de souffrances, de partage de joies et d’engagements pour le bien. »
Tel est le contenu de la réflexion que nous soumettons à votre aimable attention.
Merci d’avance de vos réactions.
Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en Communication
LUGANO (SUISSE)
E-mail: nicolasnzi@bluewin.ch
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