Adulé sur le Web – Vladimir Poutine proposé pour le prix Nobel de la paix

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Vladimir Poutine pourrait figurer parmi les 278 candidats au prix Nobel de la paix.

Le Figaro – par Romain David, AFP agence

Alors que Moscou a entamé un véritable bras de fer avec l’UE et les États-Unis autour de la question ukrainienne, le président russe ferait vraisemblablement partie des candidats au prix Nobel de la paix 2014.

L’intérêt suscité par les Nobel va grandissant. Cette année porte un nouveau record avec 278 nominés pour le prix Nobel de la paix, dont 47 organismes. Si, en théorie, le contenu de cette liste est frappé du sceau du secret pendant 50 ans, il y a fort à parier que le nom de Vladimir Poutine y figure, puisqu’en octobre dernier un groupe de personnalités proches du Kremlin annonçait vouloir porter la candidature du président russe.

Sergueï Komkov, président de la Fondation russe pour l’éducation, s’était alors fait le chantre de Poutine dans une lettre adressée à l’institut norvégien: «En tant que chef de l’un des principaux pays du monde, il a fait tous les efforts pour maintenir la paix et la tranquillité dans son propre État et a activement contribué à un règlement pacifique des conflits sur la planète.» Ce courrier faisait d’abord référence au rôle joué par le président russe dans la crise syrienne, celui-ci ayant suggéré début septembre que l’arsenal chimique syrien soit placé sous contrôle international. Cette candidature a même trouvé des défenseurs outre-Atlantique. Dans une tribune à Fox News, une ex-conseillère à la défense sous le président américain Reagan allait jusqu’à proclamer que «Poutine était celui qui méritait vraiment le prix Nobel de la paix», arguant que «grâce à l’une des manœuvres diplomatiques les plus habiles de tous les temps, il avait sauvé le monde d’une catastrophe à court terme».

La crise en Ukraine pourrait peser dans le choix du lauréat

Selon les statuts de la Fondation Nobel, seules les personnes qui entrent dans l’une des catégories suivantes sont habilitées à déposer une candidature: les membres actuels ou anciens du comité des prix, les lauréats, les parlementaires et les gouvernements, les recteurs d’université, les professeurs de sciences sociales, d’histoire, de philosophie, de droit et de théologie, mais aussi les directeurs d’instituts de recherche sur la paix ou en politique étrangère. Si Komkov n’entre dans aucune de ces catégories, il est possible que sa requête ait trouvé un parrain. Mais à ce stade, une candidature ne constitue pas une quelconque forme de reconnaissance de la part du comité.

Chaque année le PRIO, un institut norvégien de recherche sur la paix, donne son pronostic quant au lauréat. Pour son directeur, le sociologue Kristian Berg Harpviken, «la situation dramatique dans laquelle se trouve l’Ukraine peut influencer la réflexion du comité Nobel». Parmi les personnalités également supposées en lice: l’ancien consultant de la NSA Edward Snowden, l’ex-militaire Bradley Manning, Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, ou encore la jeune Pakistanaise Malala Yousafzai. Mais c’est le pape François qui fait figure de grand favori pour le cru 2014.

Les cinq membres du comité pour la paix, désignés par le Parlement norvégien, devront encore réduire la liste des 278 candidats à cinq noms, avant de choisir le 10 octobre prochain celui du gagnant. Poutine pourrait alors devenir le troisième Russe à remporter ce prix après le physicien et militant pour les droits de l’homme Andreï Sakharov en 1975 et le président Mikhaïl Gorbatchev en 1990. Il est à noter que Staline fut proposé deux fois, en 1945 et 1948.

Pourquoi il y a tant de commentaires pro-Poutine sur le Web

Cette semaine, les médias ont annoncé que des personnalités proches du Kremlin avaient proposé Vladimir Poutine pour le prix Nobel de la paix. Elles vantent son action en Russie et son rôle dans la gestion de la crise syrienne.

FIGAROVOX – Comment comprendre les centaines de commentaires pro-Poutine sur les sites d’info? Réponses avec Pierre-Henri d’Argenson, spécialiste des questions internationales à Sciences Po.

LE FIGARO – On constate, dans les commentaires du Figaro (et dans une moindre mesure, cela peut aussi se voir sur d’autres sites d’info), que beaucoup de nos internautes sont favorables, voire très favorables à Vladimir Poutine. Comment l’expliquer? Y a-t-il sur Internet une réaction à une certaine antipathie des médias «mainstream» à l’égard de Poutine? Pourquoi?

Pierre-Henri D’ARGENSON. – Une partie de cette réaction s’explique par la sympathie pro-russe que l’on retrouve surtout en France au sein des mouvements gaullistes et souverainistes. Ce courant est pétri de la tradition géopolitique française de «l’alliance de revers» entre la France et la Russie, et exprime une vision des relations internationales structurée par la puissance et l’indépendance des nations, contre le projet fédéraliste et atlantiste. Mais c’est une explication bien commode pour ceux qui veulent caricaturer le sentiment «pro-russe». En réalité, ce qui est frappant dans les réactions à la crise ukrainienne, ce n’est pas tellement le nombre de témoignages «pro-russes», mais plutôt le refus implicite de beaucoup de gens de se plier à l’injonction médiatique désignant la Russie de Poutine comme le camp du Mal. Il s’agit d’une révolte intellectuelle, qui relève d’une lame de fond de rejet de l’ordre idéologique régnant. Internet facilite cette révolte en libérant l’expression, et nous assisterons dans les années qui viennent à un soupçon de plus en plus systématique, par principe, à ce qui sera présenté comme la pensée obligatoire sur tel ou tel sujet.

Que révèle selon vous cet engouement pour Poutine à propos des qualités exigées d’un homme politique par les internautes ?

Il y a évidemment une fascination pour la «virilité» du personnage, avec son mélange de sang-froid et d’audace guerrière, mais là aussi la raison profonde est ailleurs. Dans l’inconscient collectif, Vladimir Poutine évoque un peu Louis XIV: c’est un monarque absolu, autoritaire, mais capable de protéger le peuple russe contre les puissants. Les médias «mainstream» ne comprennent pas cela. Quand Vladimir Poutine fait emprisonner l’oligarque Mikhaïl Khodorkovski, il rappelle Louis XIV faisant arrêter Fouquet. C’est arbitraire, mais le peuple y trouve son compte: si le roi peut renverser les puissants, c’est qu’il peut défendre les intérêts du peuple… même si ce n’est pas toujours le cas. Or, que disent les critiques de notre système politique? Qu’il a donné le pouvoir à l’oligarchie, aux baronnies, aux multinationales, aux lobbies, qui font et défont les règlements européens sans le moindre contrôle populaire, face à une classe politique toujours prompte à parler de «démocratie» et de «droits de l’homme» mais en réalité impuissante ou consentante. L’engouement pour Poutine révèle ainsi en creux un besoin profond, ancré au sein du peuple et pas des élites, de retrouver des dirigeants qui soient leurs défenseurs, et qui pour cela aient encore en main les instruments de la maîtrise du destin de la nation, aujourd’hui dilués dans de multiples instances insaisissables.

Pourtant, un sondage récent montrait que seuls 14% des Français avaient une bonne opinion de Vladimir Poutine. Comment comprendre ce résultat, quand on lit les commentaires sur le Web? Qu’est-ce qui explique un tel décalage ?

Il faut être prudent avec les sondages… Mais ce décalage n’est pas contradictoire. Dans ce même sondage, Poutine est jugé à 72 % comme «énergique» et à 56% comme «défendant bien les intérêts de son pays». C’est cela qui est valorisé dans les commentaires, pas l’homme Poutine, que les Français ne souhaiteraient pas forcément avoir pour chef d’État. Les commentaires «pro-russes» ne sont pas l’expression d’un «parti de l’étranger». Ce qui s’exprime aujourd’hui, c’est un jugement politique tel qu’on le retrouve presque toujours dans l’histoire: même si les gens n’aiment pas Poutine, ils reconnaissent en lui un grand dirigeant, qui restera dans l’histoire de la Russie. A contrario, des personnalités politiques très populaires en leur temps peuvent rapidement être regardées avec un peu de recul comme ayant été de grands incapables et de piètres hommes d’État.

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