Il est rentré dimanche 2 mars, recevant dans la foulée le roi du Maroc chez lui dans sa résidence. Le surlendemain, son ami Blaise Campaoré président du Burkina, rencontrait en sa demeure un Ouattara « en pleine forme » comme il l’a dit devant les caméras.
Nous ne savons pas ce qui est sorti de ces échanges, mais il semble bien que les deux compères aient évoqué les articles 37 de la Constitution du Faso et l’article 35 de celle de la Côte d’Ivoire qui compromettent la pérennité de leur avenir politique. La bienséance ivoirienne aurait voulu qu’un chef d’état soit accueilli à sa descente d’avion par le chef d’état qui le reçoit, mais c’est le fidèle Duncan et le Pan qui sont allés l’accueillir. L’homme à la pleine forme a failli, il est limité; c’est un mortel, depuis son retour il n’a honoré de sa présence aucune des inaugurations de chrysanthèmes programmées pour cette période, même s’il arborait son fétiche émergent, le bâton du pouvoir à la mode française… Ainsi Duncan est allé poser une première pierre à sa place, deux visites de condoléances se sont faites sans lui, Dominique évoquant dans la com le « déplacement du couple présidentiel », mais photos, et registre des signatures n’ont retenu que la moitié féminine de leur couple. Et hier, le conseil des ministres traditionnel du mercredi a été carrément supprimé.
Certaines voix de son camp ont révélé que Ouattara se devait de rentrer au pays pour calmer les rumeurs, empêcher les « charognards » de se comporter comme si la place était déjà vacante. Bien sûr le combat des chefs s’est livré sur le dos de la presse de l’opposition et des réseaux sociaux: Hambak, Soro et le PDCI poussant en avant Kablan Duncan ne voulaient pas apparaitre comme les dépeceurs de l’héritage; à son retour, ils ont accueilli tout sourire « l’homme guéri et en bonne santé ». Les calomniateurs sont les gens en face. Mais voilà, certaines indiscrétions dans l’entourage même du convalescent miraculé, chuchotent qu’après avoir joué les dandys à la canne pendant quelques jours, Ouattara serait sur le départ pour recevoir à nouveau des soins appropriés en France. Il semblerait que ce n’est que là-bas, loin de tout, loin des médias qu’il pourrait se reposer et recevoir la rééducation dont il a besoin.De toute évidence chaque jour qui passe nous confirme qu’il s’agit du retour d’un partant ou d’un retour sur fond d’adieux. ( lire ou relire « le retour des adieux » d’Eliahou Abel)
Alors, à quand le départ? Le personnel de l’aéroport a certainement déja les yeux et les oreilles en alerte. Car avouons-le, prétendre rentrer guéri et en pleine forme pour disparaitre à nouveau quelques jours plus tard, voilà qui est pour le moins étrange et ne plaira pas beaucoup à ses suiveurs. Que faudra-t-il lui concocter comme cérémonie à son re-retour? Ressuscité déjà une fois, « Jésus parmi chez les siens » comme l’affichaient certaines banderoles brandies sur le passage du cortège, comment nous reviendra-t-il? Sous quelle forme? Quand? Les questions fusent déjà, alors qu’il n’est pas encore reparti.
Le mensonge et la dissimulation sont des armes à double tranchant, dissimulés ils veulent remonter à la surface, parce que la vérité est vitale, on ne peut naviguer avec le seul vent de la com, présenter un Ouattara « bien portant », c’est empêcher ses héritiers de revendiquer leur place, c’est calmer les rivalités et l’appétit de ces messieurs, c’est donner à la France le temps de peaufiner la version qu’elle livrera aux Ivoiriens, officiellement « constitutionnelle », mais dans les faits, conçue pour assurer une transition en douceur, sans vagues, sans remise en question du désastre de ces trois dernières années, pas plus que des plans déjà échafaudés pour qu’un nouveau désastre lui succède. Pas question de mettre en danger les intérêts français et internationaux. A défaut d’avoir déjà la solution de l’après Ouattara, l’essentiel pour la métropole et ses boys de luxe est d’occuper le terrain pour ne laisser la place à aucun nouvel éclairage qui dévoilerait d’autres chemins à suivre, quitte à se contenter pour l’instant d’une bougie de mauvaise qualité qui se consume et que l’on ranime un peu pour l’empêcher de s’éteindre.
En attendant, le peuple souffre, les grèves prennent de l’ampleur, l’insécurité est à son comble, les assassinats politiques maquillés en crimes crapuleux se multiplient, la maltraitance dont sont victimes les prisonniers politiques ne fait que s’aggraver. Mais la vigueur du peuple, elle, est inversement proportionnelle à celle du président à la canne émergente. La révolte et le souffle d’un peuple déterminé, de tout un peuple mobilisé contre un régime tyrannique, moribond et aux abois, suffiront-ils à hâter la fin de la bougie en place et à empêcher d’autres cierges non moins funèbres de lui succéder?
Shlomit Abel, 6 mars 2014
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