Tous choisissent des hôpitaux occidentaux, par snobisme et par pur calcul politique
Après un séjour médical à l’hôpital américain de Neuilly en France, où il a été opéré d’une hernie discale sciatique, Alassane Dramane Ouattara (ADO) rentre au bercail. Et comme on pouvait s’y attendre, une mobilisation des grands jours, à la dimension de la stature de l’homme, lui a été réservée. Un accueil triomphal s’il en est, lequel aura permis au numéro un ivoirien de savourer le grand bain de foule qu’il mettra, à juste titre, sur le compte de l’affection que lui porte une frange importante de la population ivoirienne. En somme, on peut dire que la fête a été grandiose, et la communion totale!
Reste qu’au-delà du flonflon de ces grandes retrouvailles, resurgit la vieille ritournelle de la propension des chefs d’Etat sous nos tropiques, à recourir aux établissements sanitaires du Nord, pour leurs soins. Au moindre bobo, et hop! On «saute» dans un avion pour Paris, Washington, etc., alors que l’inverse relèverait de l’inimaginable. On voit mal, en effet, François Hollande évacué à la hussarde dans un hôpital africain ou même dans une clinique chez l’oncle Sam. Dans le premier cas, cela relèverait de la science-fiction, et dans le second, du scandale; la France se mettrait dans tous ses états.
L’argument du désert médical
Face à cette tendance quasi systématique des dirigeants africains à aller se soigner à l’étranger, l’argument selon lequel l’Afrique, surtout dans sa partie noire, manque de plateaux techniques inadéquats, n’est pas défendable! Où était l’Afrique noire, plus de cinq décennies après ses indépendances? Toutes ces années n’auraient-elles pas dû permettre à cette partie du continent de se doter de systèmes de santé performants et d’infrastructures de santé haut de gamme? Rien de tout cela!
Comment, dans ce cas, pouvoir oser la comparaison avec les pays de l’Afrique du Nord? De fait, le Maroc, la Tunisie, etc., ont fait de leur politique de santé, une priorité au point que l’Afrique au sud du Sahara est contrainte de constater qu’elle a encore du chemin à faire. Assurément, la vision a manqué! Et puis, prétexter du mauvais niveau du plateau technique, c’est faire preuve de mépris pour son peuple. Cela reviendrait à dire que le peuple peut se contenter de ce qu’il a, pour ses soins, l’essentiel étant que les gouvernants puissent s’offrir le luxe d’aller faire leur check-up à l’étranger.
Cela dit, ce réflexe du recours à l’étranger, ne saurait avoir pour seule explication «l’indigence» du plateau technique. Car, à supposer même que les structures sanitaires aient été dotées du nec plus ultra en matière de prestations et services, combien de dirigeants africains feraient le choix des hôpitaux nationaux? Du reste, pour ce qui est du cas ivoirien, il serait difficile de soutenir que la Côte d’Ivoire manque de structures sanitaires de référence au point que l’illustre patient ivoirien n’ait pas pu y trouver son affaire.
Mais comme on le voit, ADO, comme c’est le cas pour bon nombre de ses pairs, a préféré la chambre climatisée et aseptisée de la clinique occidentale, s’exposant, sans surprise, à la critique de ses détracteurs.
Manque de cadres compétents sur place? Certainement pas; bon nombre de spécialistes africains, formés dans les grandes écoles occidentales, doivent leur retour au bercail à leur unique désir de reconnaissance et de «redevabilité» à leur patrie.
Le besoin d’intimité et de discrétion
A dire vrai, la préoccupation de ces dirigeants qui se soignent à l’étranger, se situe à un autre niveau: la confidentialité. A qui faire confiance quand le principe du secret médical n’est pas toujours une garantie sous nos tropiques? On comprend qu’exposé à tout, parfois même aux rumeurs les plus folles et les plus alarmistes, du fait de sa position, tout chef d’Etat veuille se réserver un minimum d’«intimité».
C’est certainement là, la raison pour laquelle bien des chefs d’Etat renâclent à lever un coin de voile sur leur état de santé. C’est clair, en Afrique, la maladie d’un chef est et restera encore quasiment un secret d’Etat. Et pour certains, cette omerta a toujours permis d’entretenir le mythe du chef. On peut reconnaître à ADO le mérite d’avoir communiqué sur sa maladie, même s’il s’est peut-être donné une limite à ne pas dépasser, comme le susurrent certains. Autre mérite qu’il faut lui reconnaître: bien qu’il ait été éloigné des affaires de l’Etat, l’Eléphant d’Afrique a continué à barrir.
Cet article a été publié sur LePays.bf
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