Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)
Hérode, Néron, Hitler auraient été des autorités établies par Dieu si l’on s’en tient à l’enseignement quasi-dogmatique transmis par certains guides spirituels qui s’inspirent des lettres de l’apôtre Paul: «Que chacun se soumette aux autorités en charge. Car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu. […]
En effet les magistrats ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal…» (cf. Rm 13, 1-7). Quelle attitude doit donc adopter le peuple face aux magistrats qui se servent du pouvoir pour faire le mal et non le bien? Hérode, Néron, Hitler étaient-ils réellement des autorités constituées par Dieu? Ces interrogations s’inscrivent dans la période d’incertitude que traverse la Côte d’Ivoire et l’Afrique. Le véritable drame que vivent, aujourd’hui, les Ivoiriens, n’est pas en fait la maladie d’Alassane Ouattara. Les personnes désespérées face à la maladie, aux souffrances ou à la mort sont, selon les saintes Écritures, comparables à des vierges imprévoyantes dans l’attente de l’époux (de Jésus annoncé par toutes les religions révélées); ce sont les hommes et les femmes qui ont mis en l’homme et non en Dieu leur espérance. La naissance, la vie, la maladie, les souffrances et la mort font partie de l’évolution naturelle de tout homme. Des Ivoiriens sont ébranlés par la nouvelle de la maladie d’Alassane Ouattara parce qu’ils n’ont pas bâti leurs œuvres sur des fondements solides, sur la loi mais plutôt sur la force, sur l’injustice, et le mensonge. Le véritable drame que vivent les Ivoiriens est celui d’avoir été manipulés et conduits dans l’impasse par la France et le leader du RHDP qui se savait rongé par un mal certainement incurable. Toutes ses décisions prises à la va-vite au sommet de l’État ivoirien ne font que confirmer cette triste réalité. Pour un contentieux électoral, la France a poussé des Ivoiriens à soutenir une solution violente, une guerre fratricide et la justice des forts, afin de mieux les diviser. Après l’attitude intransigeante d’un leader condamné par la maladie face à son opposition, notre pays est exposé à un autre risque; celui des leaders des différents groupes armés dont le succès politique repose sur l’usage des armes. Ces derniers préconisent en général des solutions identiques à cette femme qui demandait au roi Salomon de diviser l’enfant qu’elle avait dérobé à son prochain. Pour sortir du bourbier ivoirien, il nous faut mettre fin à cette justice des forts, en créant les conditions d’une amnistie générale, et non faire des opposants emprisonnés par le régime d’Abidjan, des otages, à l’image de groupes terroristes. Il faut opposer l’ordre au désordre et aux intrigues politiques introduits par la France et le RHDP dans notre pays, en permettant à une armée unie, républicaine, débarrassée des mercenaires venus piller et tuer, de protéger les institutions de la République et tous les habitants de la Côte d’Ivoire contre les bandes armées. La neutralité d’une armée républicaine concédera au peuple ivoirien sa souveraineté grâce au respect du droit de vote de chaque citoyen, durant des élections libres et transparentes. Le Parlement sera le lieu où les différents groupes politiques seront amenés à conquérir, de manière légitime, le pouvoir politique. Les partisans d’Alassane Ouattara ne doivent pas s’en prendre au président Laurent Gbagbo et à ses nombreux partisans, mais plutôt à leurs leaders politiques qui leur parlaient d’espérance alors qu’ils étaient sans espérance.
Nous serons capables de créer les conditions d’une paix durable, si nous bannissons de notre cœur tout sentiment de haine ou de vengeance, si nous appréhendons mieux le discours de l’apôtre Paul relatif aux autorités politiques établies par Dieu. Affirmer que toute autorité vient de Dieu a des conséquences politiques considérables, puisque le croyant est convaincu du fait que tout ce qui advient à son pays, sur le plan politique, est volonté de Dieu. Un leader politique se sert de groupes armés, de mercenaires, pour conquérir le pouvoir politique, et l’on se dit c’est volonté de Dieu. Un autre bafoue la Constitution de son pays ou s’en sert quand Elle lui permet de s’asseoir au sommet de l’État, et l’on se dit c’est volonté de Dieu. Hérode chercha à tuer l’enfant Jésus, à s’opposer au Plan divin, Néron fit brûler la cité de Rome et accusa les chrétiens qui furent martyrisés, Hitler s’attela à exterminer les Juifs, et malgré tous ces actes contraires à la volonté divine, l’on s’obstine à affirmer que toute autorité vient de Dieu, sans s’évertuer à mettre en évidence la subtilité du discours de l’apôtre. Certains guides spirituels ont tendance à en faire un dogme; une vérité incontestée, un mystère que nous sommes invités à cerner progressivement. Or lorsque nous interrogeons la vie de l’apôtre, la vérité est tout autre. Quand Paul, arrêté, comparut devant le Sanhédrin (le Tribunal civil et religieux de la Palestine antique), fixant du regard le Sanhédrin, il dit:
«Frères, c’est tout à fait en bonne conscience que je me suis conduit devant Dieu jusqu’à ce jour.» Mais le grand prêtre Ananie ordonna à ses assistants de le frapper sur la bouche. Alors Paul lui dit: «C’est Dieu qui te frappera, toi, muraille blanchie! Eh quoi! Tu sièges pour me juger d’après la Loi, et, au mépris de la Loi, tu ordonnes de me frapper!» Les assistants lui dirent: «C’est le grand prêtre de Dieu que tu insultes?» Paul répondit: «Je ne savais pas, frères, que ce fût le grand prêtre. Car il est écrit: Tu ne maudiras pas le chef de ton peuple.» (Ac 23, 1-5). L’apôtre Paul face au Sanhédrin fait une distinction entre les autorités, chefs du peuple, oints par Dieu, selon l’ordre d’Aaron, qu’il est interdit de maudire, d’insulter, et les autorités civiles invitées à siéger, et à juger d’après la Loi. Puisque le Sanhédrin était un Tribunal civil et religieux, l’apôtre, se croyant face à une autorité civile, s’opposa à l’ordre donné de le frapper. Si nous considérons que cette attitude « agressive » de l’apôtre vis-à-vis du magistrat se situe, à priori, dans un contexte purement politique et non religieux, nous sommes amenés à déduire que cette maxime inspirée des lettres du Prince de l’Église: «Toute autorité vient de Dieu», n’est pas une invitation à une soumission aveugle aux autorités civiles établies pour juger d’après la Loi. Le citoyen a le droit de s’insurger contre des décisions du magistrat contraires à la Loi. L’envoyé de Dieu fait une précision capitale: si l’autorité civile méprise la Loi et se sert du pouvoir politique et judiciaire qui lui sont conférés pour molester l’innocent, il court le risque d’être frappé lui-même par Dieu, puisque toute autorité est affermie dans la justice et non dans l’injustice. Ces autorités sont alors frappées, au moment opportun, de peur que le mal ne puisse prévaloir sur le bien, car la Parole de Dieu ne peut retourner à Lui, sans avoir accompli l’objet de sa mission. Toute autorité ne vient donc pas de Dieu puisque celles qui ne sont pas constituées par Dieu, celles qui méprisent la Loi sont appelées, un jour ou l’autre, à disparaître comme elles sont arrivées à l’instar de Hérode, Néron et Hitler… Tout est une question de temps; le Temps, l’Histoire, et l’Espace appartiennent à Dieu qui, comme le dit l’autre, écrit droit avec des lignes courbes. Prions pour tous car le jugement appartient à Dieu.
Prions pour Alassane Ouattara: poser un tel acte c’est observer un principe divin qui assure notre propre protection, et nous concède le pardon, la purification de notre propre âme. Si nous demandons la paix pour une personne qui aspire à la paix, nous réussissons à vaincre les esprits impurs qui peuplent les espaces célestes ou qui font de son corps leur demeure. Si cet homme n’aspire pas à la paix, alors cette paix retourne à nous et nous rend plus forts contre l’Ennemi. Nous ne devons nourrir aucun sentiment de haine ou de vengeance, si nous tenons à demeurer sous la protection divine, car nous ne luttons pas contre la chair et le sang mais contre les esprits immondes. Lorsque Jésus guérissait les hommes, il les invitait à comprendre qu’ils étaient sauvés grâce à leur foi. C’est en fonction de la disposition de nos cœurs que nous obtenons au sommet de l’État de bonnes ou de mauvaises autorités. Si nous voulons bâtir nos pays sur des valeurs, sur des fondements démocratiques, nous aurons au sommet de nos États des autorités justes. Si au contraire nous choisissons de mener cette politique qui favorise les intrigues, nos intérêts personnels, et non ceux du peuple, nous irons inéluctablement vers le chaos. Dieu n’y sera pour rien, car seule la disposition de nos cœurs, les choix quotidiens que nous opérons nous obtiennent le bien ou le mal.
Isaac Pierre BANGORET (Écrivain)
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