Côte-d’Ivoire – Notre histoire avec la maladie de Ouattara [des doutes légitimes]

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Par Gbansé Douadé Alexis | cofondateur du site Connectionivoirienne.net | 21 février 2014

Carnet de route

Lorsque j’arrive à Abidjan le 9 janvier 2014, il s’agit de mon 3e séjour après ceux du 22 avril au 5 mai 2011 et du 25 février au 7 mars 2012. Mon séjour de 2012 m’avait permis de constater une nette évolution par rapport à la période de guerre d’avril-mai 2011. A la descente d’avion, je remplie les formalités de visa à l’aéroport sans grands problèmes en un temps record de moins de 30 minutes. La mine est bonne malgré la chaleur qui me frappe une fois sorti de l’aérogare. J’ai prévu de passer 30 jours en Côte-d’Ivoire.

48 heures après mon arrivée, avec des amis on prend la direction de Yamoussoukro pour des raisons privées. Le retour se fait le même jour sur Abidjan. J’ai l’occasion de pratiquer «la nouvelle» autoroute du nord rallongée jusqu’à Yamoussoukro. Le bitume est bon sur tout le tronçon, les lignes blanches sont visibles, les panneaux de signalisation corrects, les échangeurs font penser à un ouvrage moderne, les vendeuses en bordure de route sont joviales… Seul problème embêtant, un seul point de ravitaillement en carburant à l’aller et aucun en chemin retour sur 230 kilomètres.

Les jours qui suivent tout se passe normalement dans un pays presque normalisé malgré l’hypocrisie de ses politiciens qui laisse croire que la crise n’est pas encore terminée. En attendant donc la prochaine crise politique presqu’inévitable parce-que voulue par les politiciens, la Côte-d’Ivoire fonctionne «normalement». Les FRCI sont presqu’invisibles sauf dans la commune d’Abobo, le CCDO se fait discret, les barrages sont levés dans Abidjan, la circulation nocturne est revenue presqu’à ses niveaux de 2007 à 2010, sans oublier les travaux d’infrastructures en cours [3e pont d’Abidjan, échangeurs de la riviera et du Giscard d’Estaing, autoroute Abidjan-Bassam] etc. Mais contrastant avec les retours des exilés pro-Gbagbo hyper-médiatisés, les cités universitaires restent hermétiquement fermées aux étudiants et une police universitaire se fait visible sur le campus. Pour l’ancien syndicaliste étudiant que je suis, des situations inadmissibles. «Tout ça va se régler» me confie un interlocuteur habitués des salons feutrés du pouvoir. «Et les nombreuses coupures de courant, l’eau sans pression dans certains quartiers ?» je lui demande. «Tout ça on va régler mon frère. Tu aimes trop poser des questions. Reviens en début d’année prochaine» me lance-t-il, avec dépit.

Forum Investir en Côte-d’Ivoire 2014 «pas la grande forme»

Mon séjour va prendre une autre tournure le jour d’ouverture du Forum des Investissements d’Abidjan ICI 2014. Certes mon accréditation m’est refusée par les organisateurs [c’est pas le plus important], mais beaucoup plus significative est l’absence du Président de la république à la cérémonie d’ouverture. Certes sans accréditation, mais avec «la complicité» de certaines relations, je réussis tout de même à accéder au site de l’événement pour le 1er jour. Le second jour, la radio Africa Nr. 1 se chargera de m’obtenir une accréditation en bonne et due forme, valable aussi pour le 3e et dernier jour. Cette première journée des ICI 2014 est marquée par l’absence inattendue du président Alassane Ouattara. A travers quelques confidences, nous apprenons qu’il n’a pas la grande forme. Par voie de presse, nous apprenons aussi qu’il ne se rendra pas au sommet de l’Union Africaine en cours à Addis-Abeba. Pour un président en exercice de la CEDEAO, avec les situations de crise larvée ou latente en Afrique de l’ouest [Mali, Nigeria, Burkina etc.], avouons-le tout net, la santé de Ouattara commence sérieusement à appeler à des interrogations. Comme pour couper court aux rumeurs qui commençaient à envahir la Côte-d’Ivoire, le chef de l’état passe sur la télé publique, accordant des audiences ou raccompagnant brièvement quelques interlocuteurs. Les doutes ne dissipent pas, mais sont amplifiés.

Un patient de 72 ans

Le dimanche 2 février, 48H après la clôture des ICI 2014 je suis au volant, en route pour Grand-Bassam, quand je reçois un coup de fil en fin de matinée. En ligne, une de mes sources habituelles depuis Malabo en Guinée Equatoriale. «Bon écoute Alexis, je t’informe que ton type là est parti en France. Il doit être malade, la voiture l’a déposé au pied de l’avion, il est parti avec un petit groupe de personne dont son médecin. Il était soutenu pour monter dans l’avion» Et son épouse je demande ? «Elle est partie aussi avec lui, tu peux écrire». J’explique à mon ami que je pars en famille à Grand-Bassam, mais qu’à mon retour, je prendrai le temps de recouper et de publier quelque chose». La même source va me rappeler à deux autres reprises le même jour avec de nouveaux détails, tous vérifiés par la suite. A mon retour comme promis, je mets un court article en ligne annonçant le départ d’Alassane Ouattara pour la France. Une exclusivité, si mes souvenirs sont exacts. En évitant de rendre certains détails publics. Le lendemain, l’information est reprise par une partie de la presse locale et en ligne. Dans la foulée, la présidence produit un communiqué laconique [comme à ses habitudes] pour dire que «le patron est en visite privée en France». Durant la semaine qui suit, le confrère Philippe Kouhon à Paris, apporte plus d’informations sur la maladie, dans son style. Le samedi 8 février, mon contact de Malabo me relance avec la nouvelle de l’opération. «II parait la prostate, mais je peux pas te le confirmer à 100% donc n’écris rien s’il te plait». Mon départ d’Abidjan est prévu pour le dimanche 9 février, je décide donc d’attendre d’être bien installé au Pays-Bas, avant de m’intéresser à cette affaire de prostate. Le même dimanche soir, deux heures avant le départ sur le vol Air France de 23H30, je reçois une alerte sur mon portable, m’informant que le présidence ivoirienne vient de faire un communiqué parlant de «sciatique».

Depuis cette annonce [la seule] faite par les services dirigés par Masséré Touré, trois semaines se sont écoulées sans une seule image d’Alassane Ouattara. Une situation qui nourrit bien évidemment de fortes spéculations. Ne soyons donc pas étonnés que les scénarios des plus sordides aux plus plausibles fassent depuis plusieurs semaines le tour des salons, des maquis, des médias, des taxis woro-woro, des gbakas, des lobby d’hôtel de luxe, des Loges maçonniques, des Églises etc.

Trois semaines d’absence qui installent des doutes

Nonobstant les nombreux communiqués produits par son épouse, son parti le RDR et le gouvernement Duncan, tout donne à penser qu’en plus de la maladie du système nerveux qui est mise en avant, il doit y avoir autre chose qu’on veut cacher aux populations ivoiriennes. Le président vénézuélien Hugo Chavez atteint de cancer terminal s’était laissé photographier, pour ne citer que cet exemple, alors que certains réseaux l’annonçaient pour mort. Sans être des adeptes de la peine de mort, le cas d’Alassane Ouattara commence si on n’y prend garde, par faire penser à un certain Omar Bongo agonisant ou encore à un Lassana Conté souffrant de diabète. Et les déficits de la communication de Ouattara sur sa maladie ne participent pas à lever les incertitudes sur l’avenir à court terme ou à moyen-terme de la Côte-d’Ivoire. «Ouattara va revenir mi-mars, il a recommencé à marcher, il se porte bien» nous disent-ils en chœur, mais et les perspectives pour ce vieil homme officiellement âgé de 72 ans, président d’un pays encore fragile ?

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